Clara Fouilland
La photographie de gens massés sur un quai en Allemagne tenant une bannière « Refugees Welcome » – bien qu’il s’agisse d’un zoom médiatique qui profite aussi à l’image du gouvernement allemand – pose une question : en France, peut-on envoyer nous aussi un signal de bienvenue aux migrants ?
La France a pris l’engagement d’accueillir 24 000 réfugiés d’ici deux ans, qui s’ajoute à celui déjà pris cet été d’accueillir plus de six milliers de personnes – Syriens, Érythréens et Irakiens. Jusqu’ici, on a plutôt tendance à considérer cela comme un fardeau, n’est–ce pas ?
Le préfet Kléber Arhoul, coordinateur national, a été chargé d’organiser l’accueil des migrants dans les villes et collectivités locales qui ont répondu à l’appel du Ministre de l’Intérieur. Un « revirement » annoncé de la politique française d’immigration qui repose pour l’instant sur la base du volontariat. Autour des mots « accueil des migrants » en France, qu’est-ce qui gravite dans nos têtes ?
Urgence, précarité, longueur de la demande du droit d’asile auprès de l’Office Français de Protection des Réfugiés et des Apatrides (OFRPA) ou de la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA), ainsi que les images de l’inquiétant nombre de migrants massés dans des camps de fortune au milieu de la capitale. Je vous propose de vous défaire pour un moment de cette représentation et de comprendre ce qui se passe à l’échelle locale.
Les demandeurs d’asile, avant d’obtenir leur statut de réfugiés, peuvent être pris en charge au sein de Centres d’Accueil des Demandeurs d’Asile (CADA). Celui de Reims est géré par la Croix-Rouge Française mais des entreprises de logements sociaux, des associations ainsi que de grandes structures (France Terre d’Asile, Adoma, etc.) peuvent également en être gestionnaires. Les structures offrent dans la mesure de leurs places disponibles un hébergement, un suivi administratif, un suivi social et une aide financière et alimentaire. Les demandeurs d’asile y sont placés par l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII) ou arrivent par leurs propres moyens, choisis ou subis, jusqu’aux portes des centres. En moyenne, le parcours dure près de 18 mois pour ceux qui obtiennent le statut de réfugié auprès de l’OFPRA avec, comme on le sait, de grandes disparités – pour un Syrien ou un Irakien, la procédure est beaucoup plus courte (parfois quelques mois) qu’un Albanais (plusieurs années). La réforme de fin juillet 2015 prévoit l’accélération de la procédure (5 semaines en accéléré, 5 mois en procédure normale). Lorsque les demandes sont refusées, les personnes peuvent encore bénéficier de l’assistance de centres d’urgences – mais plus d’un réel suivi. Le parcours administratif de ces personnes est long, parfois subi, parfois acharné.
Alors, oui, il y a des décisions qui se prennent pour accueillir plus et -un peu- plus vite. Aucun gouvernement n’a rendu la procédure de demande d’asile facile. En attendant, il demeure que pour ceux qui dorment depuis plusieurs semaines devant les mairies et dans les parcs de la capitale, le « revirement » n’a pas vraiment eu lieu.
Les campements de migrants à Paris paraissent hors-normes, principalement parce qu’ils concentrent la précarité et la rendent visible du fait du manque de place. A Reims, aussi, il y a des demandeurs d’asile à gérer; simplement, l’espace disponible est supérieur à celui de Paris, ce qui leur offre plus d’intimité.
Alors, quel signal retenir des dernières semaines ? Que les mentalités changent sur la perception de l’identité des réfugiés. La spontanéité des réactions de solidarité envers les migrants depuis le début de l’été est toujours rassurante et le taux de réponses positives de l’OFRPA pourrait s’améliorer dans un futur proche.
La société française ne manque pas de ressources pour accueillir. Une personne salariée de CADA estime qu’au niveau local, mis à part le fait que leur installation dans des locaux est parfois gênante, les demandeurs d’asile ne rencontrent pas d’hostilité. Plus que cela, nous aurions aussi et sûrement beaucoup à gagner à ouvrir nos portes, nos associations, nos universités à de jeunes migrants afin qu’ils commencent mais aussi poursuivent des projets dans leur pays d’accueil. Un signal positif pourrait ainsi être envoyé à la communauté des réfugiés.
Il reste des problèmes à régler au niveau local; de l’ajustement des effectifs des CADA décidé par l’Etat aux variations du nombre de personnes accueillies, par exemple. Ces plateformes d’accueil de demandeurs d’asile ne sont que des lieux de passage, destinés à aider les personnes à rebondir, quelles que soient leurs intentions – et peut-on leur souhaiter autre chose que d’arriver à rentrer chez eux ?
Parlons concrètement. Il faut arriver à faire comprendre que non, le travail n’est pas insurmontable, mais qu’on avance petit à petit pour mieux faire. La société française n’en sera pas dénaturée, contrairement à ce que peuvent laisser penser nos préjugés. Pour parler d’un futur proche et qui nous concerne à Reims, la mairie de Reims s’est portée volontaire le 12 septembre lors de la réunion avec le Ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve pour préparer un plan national à la suite de l’engagement pris pour les deux années à venir. La particularité de Reims, c’est qu’il y existe des logements sociaux vacants. Il va falloir suivre de près quels seront les nouveaux dispositifs prévus pour ne pas surcharger davantage les centres existants. « Êtes-vous prêts à accueillir ? » (Manu Chao, lors de son concert le 12 septembre à la Fête de l’Humanité)
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