Opinion

La mort de Fidel Castro : peut-il encore déclencher une révolution ? (suite)

By February 23, 2017 2 Comments

By Jean Bailet.

Lire la première partie.

           Le premier pays à franchir le pas a été la Corée du Sud, dont la vie politique était instable depuis la destitution de Park Geun-Hye, accusée de corruption et de s’être laissé influencée par Choi Soon-sil, l’une de ses conseillères. La Corée du Sud, pourtant considérée comme un modèle très développé et très moderne de capitalisme, à cause notamment du poids économique des chaebols -de gigantesques conglomérats se ramifiant dans beaucoup de secteurs d’activité- a finalement optée, aux élections présidentielles de décembre 2017 pour la candidate Lee Jung-hee, qui s’était dissocié peu avant le vote du Parti Progressiste Unifié mené par Rhyu Si-min, jugeant son ancien parti trop peu orienté à gauche.

            Madame Lee entra donc en campagne sous l’étendard de son ancien parti, le Parti Démocrate du Travail en proposant un programme radicalement orienté à gauche, et en totale rupture avec la politique de madame Park, la présidente sortante. Dissolution de plusieurs chaebols -accusés d’avoir forcé le gouvernement à durcir sa politique d’importation pour bloquer les entreprises étrangères- en une multitude de plus petites sociétés ; mise en place d’un revenu minimum universel pour réduire « l’inquiétant écart de niveau de vie entre les classes sociales » et surtout rupture progressive des partenariats militaires avec les Etats-Unis, avec pour objectifs à terme, d’opérer un véritable rapprochement politique avec la Corée du Nord. Madame Lee présenta aux Sud-coréens un programme hors du commun.

            Et pourtant, malgré la peur maladive d’une offensive nord-coréenne qui pesait comme une chape sur les épaules du peuple sud-coréen depuis 1953 et la diabolisation du régime prétendument communiste de la dynastie Kim qui avait suivit, la vie politique du pays du matin calme prit un virage radical à la publication des premiers résultats : Lee Jung-hee, au programme résolument populo-socialiste, était donnée vainqueur avec 56 % des voix. L’onde Castro ne faiblissait pas, bien au contraire.

            Les conséquences furent immédiates. Deux jours après les résultats finaux, les Etats-Unis, qui avaient déclaré par l’intermédiaire du secrétaire d’État Rex Tillerson que « élection de Madame Lee entrainerait un arrêt immédiat de la protection militaire américaine et à très court terme, le retrait de toute les forces armées américaines du sol coréen, les Etats-Unis ne traitent pas avec des marionnettes de Pékin » retirèrent leurs batteries de missiles antibalistique THAAD et le dernier G.I. quitta le pays trois semaines plus tard. Pékin jubilait.

            Le phénomène se propagea ensuite dans un autre pays d’Asie, lui aussi récemment secoué par de plusieurs crises politiques. La récente histoire de la Thaïlande a été marquée par les multiples gouvernements qui se sont succédés entre le coup d’état de 2006, durant lequel l’armée prit le pouvoir, destituant  le premier ministre Thaksin Shinawatra et la mort du roi Rama IX en 2016. À la mort du monarque, qui faisait l’objet d’un sincère culte de la population et dont l’appui avait été très utile au premier ministre de l’époque, le général Prayut Chan-o-cha qui avait prit le pouvoir en 2014, le pays entra dans une période de flou politique complet.

            Le gouvernement du général Prayut fit voter en 2018 une autre extension du pouvoir de la junte militaire mais au lieu de passer par un référendum populaire, comme lors du vote de la première extension en 2016, il passa par l’Assemblé Nationale qui lui était alors loyale.

            La pilule fut difficile à avaler, mais le peuple garda cela pour lui, craignant la terrible répression du gouvernement de la junte. Craignant un soulèvement populaire, le gouvernement fit alors passer une loi sur le renseignement autorisant l’état à utiliser « tous les moyens jugés nécessaires à l’obtention d’informations relatives aux individus coupables ou soupçonnés de velléités révolutionnaires, d’atteinte à la sécurité de l’Etat ou de crime de lèse-majesté ». C’en était trop. Le 17 septembre 2019, une première série de contestations éclata à Bangkok, à l’université de Kasetsart.

            Alors que, pour de nombreux experts, l’incident était de petite envergure et aurait pu ne donner aucune suite si le gouvernement avait accepté de dialoguer avec les porte-paroles des étudiants, le soulèvement prit des proportions gigantesques avec l’intervention de la garde nationale envoyée par le gouvernement soucieux de rétablir l’ordre rapidement. Les manifestations qui opposèrent les forces armées aux élèves firent 9 morts. Prayut venait de jouer sa dernière carte.

            Les jours suivants, de nombreuses contestations s’élevèrent à travers le pays, exprimant leur colère à l’égard des méthodes du gouvernement qui en réponse, mobilisa l’armée. En moins de 20 jours, la Thaïlande avait explosé. Face à cette crise inattendue, l’ONU se prononça en faveurs d’une intervention internationale et lança un mandat d’arrêt contre le général Prayut, qui fut arrêté quelques semaines plus tard, en Nouvelle-Guinée.

            Cet épisode de guerre civile passée, des élections furent organisée et c’est sans surprise qu’elles portèrent au pouvoir Aran Malivalaya, un étudiant en philosophie de 26 ans qui avait prit la tête du mouvement de contestation à Bangkok et bénéficiait d’une grande sympathie populaire. Son programme fondé sur le partage des richesses, la cohabitation interethnique et l’approfondissement des relations diplomatiques et commerciales avec la Chine dans le but de développer un « lien privilégié avec un pays aux valeurs similaire aux nôtres et dont l’efficacité du modèle de développement n’est plus à prouver ».

            La Chine, ravie de raffermir son emprise sur le golf de Thaïlande investit massivement en Thaïlande, montant de toutes pièces un réseau ferroviaire et commença les travaux du canal de Kra en 2020.

            Une fois de plus, l’ombre immense de Fidel Castro planait sur ce nouveau régime. Le lider, auquel Monsieur Malivalaya et Madame Lee ne manquaient pas de faire référence dans leurs discours, avait influencé toute une génération de jeunes politiciens, convaincu de sa volonté de toujours vouloir aider le peuple et séduit par sa rhétorique gingrichienne, sa persévérance et sa proximité avec la population.

            Alors que dans quelques semaines, le Royaume Unis choisira un nouveau premier ministre, Theresa May a annoncé son intention de ne pas se représenter, choix judicieux au regard des multiples échecs de son mandat. Le Tori se présente donc désuni et sans tête de liste consensuelle pouvant se poser comme une alternative crédible à celui que l’on annonce déjà au 10 Downing Street, le leader depuis maintenant 2 ans du Labour, Jeremy Corbin.

            Ce dernier a su profiter du mandat de madame May pour façonner son nouveau profil politique, polissant son image auprès des différents branches les plus au centre du parti travailliste sans pour autant renier ses convictions et ses origines fondamentalement socialistes. Corbin se présente donc comme un candidat très sérieux au poste de premier ministre et rien à l’heure actuelle ne semble en mesure de barrer sa route et si il était élu, lui que tous les spécialistes enterrait il y a quelques années, convaincu qu’il n’avait pas l’envergure pour diriger une nation, nous devrions rendre raison à Fidel Castro qui déclarait il y a maintenant 69 ans : « Condamnez moi, peu m’importe, l’histoire m’absoudra ».

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