Opinion

Letters to… French Politics: Marine

By Emma Jeangeorge

Chère Marine,

Aujourd’hui, j’ai lu ton programme. Je me demandais bien ce qu’on pouvait te trouver. Entre nous, tu me faisais un peu peur. Ton agressivité, ta pugnacité, ta rhétorique hargneuse me repoussaient. C’est toujours le cas, d’ailleurs. Mais en observant ton indéniable popularité, je me devais de comprendre ce qui poussait les gens à s’intéresser à toi, à voter pour toi, à se battre avec toi.

Je me suis donc interrogée, qu’est-ce que tu as de si spécial ?

Si j’ai pu élucider quelques aspects expliquant ton succès, je ne reste toujours pas convaincue. Un des mots qui revient souvent est celui de « souveraineté ». C’est vrai que cela peut plaire, ne dépendre d’aucune autre puissance ou de personne d’autre. Parce que tu sais, Marine, on a bien compris que tu n’aimais pas beaucoup Angela, ni cette organisation qu’est l’Union Européenne. Seulement, dans un monde où l’économie est mondialisée et dans lequel certaines issues telles que l’immigration ou le réchauffement climatique sont d’ampleur mondiale, une coopération entre les pays est nécessaire. Ce n’est désormais plus possible de se refermer et de vivre en autarcie, Marine.
Il est certes important de protéger les singularités de notre économie, nos producteurs, comme nos produits. Je te le reconnais. Mais profite justement de l’Europe pour les faire valoir à plus grande échelle.

Sur les plans économique et fiscal, ton objectif est clair. En promouvant les mesures liées aux petites et moyennes entreprises ou en baissant l’impôt sur les petits revenus, tu cibles ceux qui sont souvent mis à l’écart. Bien joué, Marine. Sur ce point, je pense que tu as raison. L’attention n’est pas assez portée sur cette classe moyenne qui travaille, gagne de l’argent (mais pas beaucoup) et se fait prélever (pas qu’un peu). En revanche, peut-on dire que ces mesures sont le fruit de réelles convictions ou bien s’agit-il d’une stratégie politique ?

Bon, maintenant, parlons de choses qui fâchent. Ces aspects qui font que tu es à la fois profondément détestée par certains, et secrètement admirée par d’autres. Il y a des mesures telles que celles concernant la déchéance de nationalité, qui, selon toi, ont un motif. Même si personnellement, j’appelle ça un prétexte. Tu souhaites en effet supprimer la double nationalité extraeuropéenne ainsi que le droit du sol sur tout le territoire pour « lutter contre le terrorisme ». Donc si je comprends bien, selon toi, si on est franco-français, le risque d’être exposé au terrorisme est très moindre. En revanche, si on a le malheur d’être Français plus une nationalité extraeuropéenne, le risque est trop important. L’exposition au terrorisme est trop forte. Non, Marine, la causalité entre une double nationalité extraeuropéenne et le risque de terrorisme n’est pas flagrante. Là-dessus, je ne te suis pas.

Si parfois, tu utilises l’argument de la lutte contre le terrorisme pour justifier tes mesures, ce qui plait à certains, d’autres sont dépourvues de toutes explications. En effet comment justifies-tu la fin de la gratuité de l’enseignement pour les enfants d’étrangers ? Toi qui prônes l’assimilation à l’intégration, le meilleur outil pour assimiler n’est-il pas l’éducation ? Le meilleur moyen d’intégrer des individus dans une société est de les éduquer. L’éducation a plusieurs objectifs : enseigner aux enfants à réfléchir par eux-mêmes, les socialiser pour qu’ils s’intègrent et les accompagner vers un métier qui leur correspondra. Or, si tu empêches les enfants d’étrangers d’accéder à une bonne instruction, ceux-ci ne pourront jamais s’intégrer. Ils ne trouveront pas de travail et n’agiront pas en adéquation avec la société. Ils resteront marginalisés. Avec cette mesure, tu créerais un cercle vicieux. Gros flop.

Bon, s’il y a bien une chose que l’on peut te reconnaître, c’est que tu sois une femme, bien que cela porte parfois à confusion. En effet, où sont tes mesures pour promouvoir l’émancipation des femmes ? Il semblerait même que ta position sur le droit de la femme à disposer librement de son corps pose débat.

Bref, Marine, tu l’as compris. Tu ne m’as toujours pas convaincue. Si certaines mesures méritent qu’on s’y intéresse, d’autres, quand on s’y penche d’un peu plus près, sont alarmantes.

Tu me fais penser, Marine, à ces enfants en maternelle qui préfèrent ne pas avoir d’amis plutôt que de partager leurs jouets. Qui, à l’arrivée d’un nouvel élève, vont tout faire pour qu’il ne s’intègre pas jusqu’à ce que celui-ci ne veuille plus jamais retourner à l’école. Mais ces enfants, par la suite, ils évoluent. Ils font un pas en avant et ils s’ouvrent. A bon entendeur…

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