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Opinion

Letters to… French Politics: Monsieur le Ministre de la Justice

By May 19, 2017January 25th, 2018No Comments5 min read

By Floriane

Monsieur le Ministre de la Justice,

Au mois de mars dernier, la directrice de la maison d’arrêt de Villepinte a annoncé que son établissement, initialement prévu pour 587 détenus mais accueillant actuellement 1 080 personnes, ne pouvait plus recevoir de nouveaux détenus. Presque au même moment, Philippe Galli, le directeur de l’administration pénitentiaire démissionnait. Les surveillants de la prison de Fleury-Mérogis sont en grève et bloquent l’établissement depuis plusieurs jours. Chaque jour, les prisons françaises repoussent un peu plus leurs limites dans l’indifférence générale. Quelle limite devront-elles franchir pour que vous réagissiez enfin ? Quand ces conditions de détention inhumaines cesseront-elles de vous paraître acceptables ? Comment peut-on s’ériger en pays défenseur des Droits de l’Homme lorsque l’on traite si mal ses propres citoyens ?

Il y a 69 275 personnes détenues en France, pour seulement 58 311 places de prison. A la maison d’arrêt de Nîmes, la situation est invivable, avec un taux d’occupation de 240% (460 détenus pour 192 places disponibles). Cette surpopulation carcérale, ce ne sont pas seulement des chiffres. Ce sont des hommes et des femmes qui vivent à deux, trois, voire quatre dans une cellule de 9m². Ce sont plus de 1600 personnes qui dorment sur des matelas à même le sol ou posés sur des armoires. La première image qui m’est venue à l’esprit lorsque je suis entrée dans l’une d’elles, c’est celle d’un train-couchettes particulièrement exigu et inconfortable. Combien de temps seriez-vous capable de tenir dans de telles conditions ? Nos détenus, eux, y sont enfermés 22 heures sur 24, 7 jours sur 7. Souvent, comme à Fresnes, ils y côtoient les rats et les puces de lit, qui occupent également ces établissements déjà surpeuplés. Rappelons également qu’en général, les détenus ne sont autorisés à se doucher que 3 fois par semaine. On est très loin des images de prisonniers « nourris, logés, blanchis » répandue chez nombre de nos concitoyens.

Quand on est enfermé 22 heures sur 24 avec un, deux ou trois autres codétenus, l’intimité n’existe pas. On partage tout avec eux, même les moments aux toilettes, qui sont installées directement dans la cellule. Ce n’est pas le seul moment où l’intimité des personnes incarcérées est violée. L’administration pénitentiaire pénètre chaque aspect de la vie des détenus, jusqu’aux plus intimes. La petite lucarne à la porte de chaque cellule permet aux surveillants de jeter un œil à l’intérieur quand bon leur semble, faisant peser sur les détenus la menace constante d’être observé. Les lettres reçues sont lues de façon très régulière, privant le détenu de sa vie privée. Certains d’entre eux sont très souvent forcés de subir des fouilles à nu, summum de l’humiliation. Vous qui souhaitez généraliser ces fouilles dégradantes, avez-vous déjà été obligé de vous déshabiller devant un inconnu, Monsieur Urvoas ? Enfin, on vole une partie des moments que nos détenus passent avec leur famille en les obligeant à les recevoir dans des parloirs exigus, à la vue de tous les autres visiteurs et, bien entendu, des surveillants. Il est absolument nécessaire de généraliser les Unités de Vie Familiale (UVF) pour permettre aux personnes incarcérées de retrouver un peu de dignité dans leurs échanges avec leur famille. Les effets de ces situations de privation d’intimité sont terrifiants.

Un détenu se suicide tous les trois jours dans les prisons françaises. C’est sept fois plus que dans le reste de la population. Combien de suicides faudra-t-il encore avant que vous compreniez qu’il est grand temps d’agir ? Et quelle réponse apporterez-vous à cette situation ? La construction de places de prison supplémentaires ? Cela fait 25 ans qu’on le fait, et les prisons sont toujours plus peuplées ; ces nouvelles places ne servent qu’à mettre plus de gens en prison. Il faut complètement repenser notre modèle de détention ; ne pas répondre aux mouvements des surveillants par plus de sécurité, plus de fouilles à nu, et plus de conditions humiliantes pour les détenus, mais par une vraie réforme du système carcéral et de notre façon de punir.

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