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L’Inde entre les lignes (3)

Voici la troisième partie du récit de voyage de Marie Reboud en Inde (dans le cadre du stage offert par AIESEC), que vous pouvez suivre aussi sur son blog de voyage

Lire le début et la deuxième partie

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  • Premiers jours de volontariat

Écrit le jeudi 8 juin à Navi Mumbai

C’est donc mardi que mon travail de volontaire a enfin débuté.

Je suis d’abord allée déjeuner avec Marine et Erika, une stagiaire péruvienne de 27 ans qui a démissionné pour faire un grand voyage de 7 mois, entre New York et l’Asie du Sud. On décide de tester la cantine universitaire du Pillai College, dont fait partie l’auberge dans laquelle on réside. Je prends un Chapati : des galettes fines avec deux sortes de mélanges de légumes et d’épices. Il y a aussi une cuillerée de sauce piquante à laquelle je ne touche évidemment pas  : en France, j’aime beaucoup la cuisine épicée, mais ici un plat « non spicy » m’enflamme déjà la bouche…

On prend ensuite le train pour descendre à Belapur. C’est un quartier assez moderne et récent qui a des airs américains et dans lequel se trouve un CBD (Central Business District, encore merci aux cours de géo). Je monte alors pour la première fois dans ce que les touristes appellent un tuck-tuck mais qui se nomme officiellement un rickshaw. En fait c’est exactement comme une moto à laquelle on ajoute une roue à l’arrière, un toit et un petit banc pour les passagers. Le moteur couine ; on manque de renverser une petite dizaine de piétons en 5mins. Le rickshaw nous dépose devant le portail du Maruti Paradise, un complexe d’immeubles dans lequel vit Sarika Gupta, la fondatrice de l’ONG « Safe n’ Happy Periods » pour laquelle nous sommes bénévoles. On travaille depuis son appartement car elle a un air conditionné efficace, contrairement à celui de notre hostel.

L’objectif de son ONG est de sensibiliser à l’hygiène des règles (« raise awareness on safe disposals for periods »), qui restent, d’ailleurs, un énorme tabou en Inde : tandis que la grossesse est perçue comme un don de Dieu et la plus belle chose au monde, les menstruations sont considérées comme impures et sont une source de honte et de gêne. Dans la plupart des familles indiennes, les femmes qui ont leurs règles ne peuvent ni entrer dans la cuisine, ni aller prier au temple. De plus, les menstruations posent un problème écologique important ici : chaque mois, une femme jette l’équivalent de 50 sacs plastiques en serviettes hygiéniques. Il existe aussi un risque hygiénique : les déchets étant souvent laissés en décomposition à l’air libre, des maladies se développent, se propagent et infectent les éboueurs (ou tous ceux qui touchent ces déchets). Le but de cette association est d’apporter une éducation aux jeunes filles et femmes dans les écoles et autres centres d’accueil sur ce que sont les règles, en quoi elles sont normales, naturelles et nécessaires, ainsi que sur les produits hygiéniques à utiliser.

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Marine, Becky, Aya, Fatma, Sarika et moi avons donc passé 2h devant l’arrêt de train de Vashi avec notre petit badge de “Volunteer”. Le but était d’arrêter des femmes dans la rue et de discuter avec elles pour recueillir des informations afin d’adapter les prochaines interventions de l’association, mais aussi pour faire connaître à ces femmes les dangers écologiques et sanitaires engendrés par certains produits. Je travaille en duo avec Marine et il faut avouer que nous sommes extrêmement efficaces : il est vrai que les Indiennes sont particulièrement contentes et curieuses de parler avec nous, deux étrangères blanches aux yeux bleus. Mon anglais étant meilleur que celui de Marine, j’ai la responsabilité d’aborder les femmes et de lancer la conversation. Etant toutes deux assez souriantes, nous n’avons pas vraiment de mal à attirer la sympathie des jeunes femmes et à discuter plusieurs minutes avec elle. Une fois de plus, ces Indiennes nous rendent des sourires qui me remplissent de joie.

Après ces 2h de “market research”, ou plutôt de discussions et de rencontres, nous sommes rentrées chez Sarika qui nous avait gentiment invitées à dîner. Sarika emploie une gouvernante qui s’occupe de son intérieur et fait la cuisine. Il me semble que beaucoup de riches indiens vivent ainsi. On nous a servi un excellent repas traditionnel et végétarien nommé Dal Chawal : du riz et des lentilles cuisinées avec de la sauce. La soirée chez Sarika est vraiment très intéressante et conviviale : nous mangeons sur ce qui lui sert de canapé, ce sont en fait des matelas posés par terre. Sarika est passionnante et répond à toutes mes questions : il faut dire que je suis assez curieuse, je vais donc d’un sujet à l’autre. Je profite vraiment de cet échange car j’ai énormément de chance de pouvoir parler avec cette Indienne très cultivée, souriante et heureuse de discuter de sa culture et de son pays. Je la questionne sur les tensions toujours existantes entre l’Inde et le Pakistan, sur les différentes religions présentes en Inde, sur les rites hindous, sur le cinéma bollywoodien (je compte bien aller visiter les studios de Bollywood d’ici la fin de mon voyage !)… Elle m’explique aussi la signification exacte du bindi (ou tilak), ce point rouge que beaucoup d’Indiens portent entre les sourcils. Le bindi symbolise le troisième œil de Shiva, il se positionne à l’emplacement du sixième chakra (celui où résident les facultés psychiques). Il est en fait une marque de la spiritualité de celui qui le porte et apporte le bonheur. Le bindi est une tradition hindouiste mais fait aujourd’hui partie de la culture indienne et peut ainsi être porté quotidiennement par n’importe qui (il suffit bien-sûr d’y croire !). Sarika est particulièrement touchée quand je lui parle des tensions avec le Pakistan : elle me raconte les attaques de Bombay des 26 et 29 novembre 2008, une série de 10 attentats islamistes qui a fait 188 morts… D’après elle, la principale tension aujourd’hui est liée au Cachemire, cette région qu’elle appelle « heaven on earth » et que l’Inde et le Pakistan se disputent… Becky, qui est britannique et étudie la littérature et l’histoire de son pays, nous parle du colonialisme anglais en Inde, de comment les Anglais ont quitté la région en deux-temps-trois-mouvements en 1947, et du découpage territorial toujours débattu aujourd’hui… La soirée se termine sur un énorme épisode de pluie et un retour à Panvel en taxi (une voiture passe à toute vitesse dans une flaque juste à côté de nous et une énorme vague s’abat sur le côté droit du taxi, aspergeant la voiture d’eau jusqu’au toit). Il fait nuit noire, il pleut, on longe un pont sous lequel est installé un petit bidonville. On voit un bébé dans les bras de sa mère, une petite fille qui joue et un homme qui dort littéralement au bord de la 4 voies…

La journée de jeudi se passe aussi chez Sarika avec qui l’on travaille sur les différents réseaux sociaux et la newsletter de l’association. On apprend ce soir que Sarika a reçu un message WhatsApp envoyé par une jeune fille avec qui nous avions parlé la veille dans la rue : la présidente de l’ONG nous félicite chaleureusement et semble très fière de nous ! Pour le déjeuner, on se fait livrer des pizzas et, surprise ! Les pizzas Dominos sont beaucoup moins grasses en Inde qu’en France. Marine et moi décidons de garder les quelques parts restantes : le soir-même, on les offre à trois petits garçons assis seuls et pieds-nus dans la rue, comme nous avions fait la veille avec notre reste de riz. L’immense sourire qu’ils nous rendent vaut largement le prix de toutes les pizzas du monde… Disons que la grande pauvreté est tellement présente ici qu’il serait absolument impossible pour nous de donner un billet à chacun… On décide alors de garder automatiquement nos restes et de toujours avoir un paquet de gâteaux sur nous.

Vers 20h, Marine et moi retrouvons Rahul à Seawoods dans un immense mall à l’américaine construit il y a quelques mois. Il nous présente Mariyan, un nouvel intern anglais de 21 ans qui fait partie du projet « Village Development » auquel nous participerons aussi et qui commence dans une semaine. Une fois de plus, je suis largement plus jeune que les autres interns que je rencontre et ils sont tous surpris d’apprendre que je fêterai mes 18 ans avec eux dans une dizaine de jours. Mariyan est très sympathique et dynamique, on lui parle de nos projets de voyages et de visites ce week-end dans le centre de Mumbai et dans quelques semaines dans le nord de l’Inde. Il est tout de suite très enthousiaste et désireux de se joindre à nous, ce qui est une bonne nouvelle pour Marine et moi qui avons du mal à motiver certaines bénévoles à sortir de l’auberge… Le voyage dans le nord de l’Inde est déjà en cours de préparation : Marine rentre en France le 6 juillet, on voyage donc du 27 juin au 5 juillet. 5 villes en 8 jours, du Rajasthan au Pendjab en passant bien-sûr par Dehli et Agra…

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