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Par Gaëlle Fournier

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En avril dernier, le numéro un de la CFDT, Laurent Berger, avait tenu à signaler au micro de France Inter, la “vision assez totalitaire” portée par le leader de La France insoumise.

“C’est la rue qui a abattu les rois, les nazis, le plan Juppé et le CPE”. Au lendemain de la manifestation à l’appel de la France insoumise contre la réforme du Code du travail, Jean-Luc Mélenchon s’est retrouvé sous le feu des critiques. Signe d’un néo-fascisme ? Enquête sur les dérives totalitaires du leader des Insoumis.

C’était la semaine dernière, dans le cadre de la «Marche contre le coup d’État social» organisée par le parti d’extrême gauche contre l’adoption de la réforme du Code du travail, par ordonnance. Les propos polémiques de Jean-Luc Mélenchon, prononcés lors de son discours tenu place de la République, le samedi 23 septembre, ont aussitôt déclenché une véritable levée de bouclier. Depuis lors, JLM a occupé les ondes et la première page des magazines. En réaction, la classe politique semble unanime pour condamner les paroles du leader de la gauche radicale.

Du côté du gouvernement, Muriel Pénicaud et Christophe Castaner s’insurgent du parallèle fait entre l’exécutif et le régime hitlérien. “C’est une faute politique de mettre sur le même niveau ceux qui ont fait tomber les nazis – et la rue y a contribué évidemment – mais aussi Alain Juppé et Emmanuel Macron, c’est une faute grave”, a dénoncé le porte-parole du gouvernement, après avoir tweeté samedi son “indignation” face aux mots de Mélenchon. Une vision partagée par Gilles Le Gendre. «En mettant dans le même sac Alain Juppé, les nazis et Emmanuel Macron, M. Mélenchon singe la famille Le Pen, le père plus que la fille», a souligné le porte-parole des députés La République en Marche.

De l’insoumission au totalitarisme ?

Même son de cloche du côté des personnalités politiques telles que Laurent Berger et Jean-Claude Mailly. En avril déjà, le numéro un de la CFDT avait tenu à signaler la “vision assez totalitaire” que portait le candidat de La France insoumise, se disant “choqué” par les propos de son équipe sur le Vénézuela. Il avait alors mis en avant le “risque d’une vision assez brutale des rapports humains, des rapports sociaux et des rapports politiques” que pouvait parfois porter l’ancien candidat à la présidentielle. Au micro de RTL, le secrétaire général de Force Ouvrière (FO) a tenu à rétablir la vérité sur la ré-interprétation historique de JLM : “Le régime nazi, c’est pas la rue qui l’a abattu, ce sont les Alliés, ce sont les Américains, ce sont les Russes à une époque (…) Si on connait un peu son histoire, c’est même la rue qui a amené le nazisme d’une certaine manière, donc il faut faire attention à ce que l’on dit”. Les reproches fusent de tous les partis, l’ancien ministre LR Eric Woerth ayant récemment déclaré sur le plateau de BFMTV : «Quand on est un tribun, il faut être à la hauteur de la tribune».

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Au premier tour des législatives, la France insoumise arrivait en quatrième position au niveau national avec 11,03 % des suffrages exprimés.

Les cadres de la France Insoumise ont, quant à eux, rejeté ce qui a été interprété comme une comparaison entre le gouvernement et les nazis. Éric Coquerel, député de Seine-Saint-Denis, rétorquait cette semaine dans le Huffington Post : “il n’y a bien évidemment aucun parallèle entre le régime nazi et Emmanuel Macron. […] Jean-Luc faisait référence à la Résistance et la mobilisation populaire qui a notamment permis la libération de Paris”. Le principal intéressé a, pour sa part, pris sa plume pour contester sur son blog les reproches qui lui ont été faits, écrivant : “Je n’ai jamais comparé le gouvernement actuel aux nazis, cela va de soi […] Qu’un Castaner veuille le faire croire est de son niveau. Mais qu’il soit relayé pour faire du buzz dit bien le niveau d’abaissement auquel en sont rendus d’aucuns. Tout le monde peut vérifier le montage mensonger qui est fait de mon propos en regardant le début de mon discours”, accusant directement les médias d’avoir déformé ses propos.

Un différend de plus qui vient s’ajouter à une longue série. Car entre le tribun et les médias, le rapport est ambigu, voire électrique ; et ce n’est pas nouveau. Sauf que ces derniers mois, la tension est montée d’un cran. Le député des Bouches-du-Rhône joue un double jeu. Il sait utiliser les journalistes, faire grimper un sujet, créer une polémique. Les codes ? Il les maîtrise. Pour autant, il est loin de compter les journalistes dans la catégorie de ses alliés. Et pour cause. Selon lui, “le système médiatique est l’adversaire central de la bataille pour la révolution citoyenne”, incriminant notamment la presse qu’il juge responsable de sa défaite lors des dernières présidentielles.

Cependant, Jean-Luc Mélenchon n’est pas le seul politique à se plaindre du traitement médiatique. Durant la présidentielle, François Fillon, mêlé à plusieurs scandales dont l’affaire des costumes de luxe, tenait pour responsable les journalistes de son impopularité croissante. Au sein de La France insoumise, le diagnostic est identique. Pour le député du Nord Adrien Quatennens, les médias sont source d’un déficit démocratique : “entre le politique et le citoyen, il y a un miroir déformant qui s’appelle les médias, et c’est à travers ce prisme que les citoyens se créent leurs opinions. Donc, cela pose un problème majeur pour la démocratie”.

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Entre les médias et Jean-Luc Mélenchon, c’est une histoire de défiance.

De l’autre côté du miroir, l’Observatoire du Journalisme s’inquiète notamment du lancement de la future “chaîne de propagande indépendante” de Mélenchon. Comme le rapportaient nos confrères de Libération la semaine dernière, le parti d’extrême-gauche s’apprête à lancer, en janvier, son média en ligne, sobrement baptisé « Le Média ». Ce dernier devrait arriver en début d’année prochaine sur la toile, probablement autour du mois de janvier 2018, avec un site gratuit, permettant à tous les lecteurs de devenir actionnaires du média. Des dizaines de personnalités ont alors tenu à apporter leur soutien à ce projet, signant le lundi 25 septembre dans Le Monde une lettre encourageant sa création. Parmi les signataires, on retrouve des politiques tels qu’Eva Joly (EELV), Marie-Georges Buffet (PCF), Philippe Poutou (NPA), Aurélie Filippetti (ex-ministre PS) mais aussi des journalistes à l’instar de Cécile Amar (L’Obs), Laurent Baffie (C8), Aude Lancelin (JDD) ou encore le politologue et professeur à Sciences Po, Thomas Guénolé. Si ces célèbres supporters présentent cette initiative comme un site internet “humaniste, progressiste, écologique et féministe”, mais surtout “coopératif et indépendant”, les cadres du parti La France Insoumise, ont quant à eux clairement annoncé le caractère “totalitaire” de la chaîne, la qualifiant de “chaîne de propagande de Mélenchon” Après son blog et sa chaîne YouTube, JLM pousse encore un peu plus loin sa stratégie de contournement et de dénigrement de la presse, en créant sa propre télévision sur Internet. Cette étape, qui vient s’ajouter à ses déclarations polémiques et ses provocations, fait écho à l’un de ses récents billets de blog, dans lequel il annonçait clairement la couleur pour les mois à venir : “Dorénavant, non seulement la violence mais les provocations vont monter d’un cran.”.

Qu’en est-il des supporters de Jean-Luc Mélenchon ?

Clémentine, 19 ans, étudiante à Sciences Po, est plutôt d’accord avec le fait que ses pratiques soient jugées comme étant totalitaires ” dans la mesure où il tente d’incarner les Insoumis tel un leader incontestable.” Néanmoins elle tient à teinter ce jugement de nuances, ajoutant : “Heureusement, il ne revêt pas tous les attrait d’un leader totalitaire”. Pour Augustin, 18 ans, également étudiant à Sciences Po, les propos prononcés par Jean-Luc Mélenchon ont été mal interprétés : “Je ne vois pas trop le rapport avec le totalitarisme concernant les propos de JLM sur la rue et les nazis, mis à part le fait que c’est certes un tribun (Dans la Rome antique, orateur populaire, à l’éloquence puissante et directe. Représentant élu de la plèbe chargé de la défense des droits et des intérêts des plébéiens contre les patriciens et les consuls et dont le pouvoir, très important, était limité à Rome et à sa banlieue, NDLR) et qu’il utilise des figures de style rhétoriques telles que l’accumulation.”. Selon l’étudiant et Insoumis, “C’est en effet la rue qui a ‘abattu’ les rois même si en l’occurence c’était une rue assez bourgeoise. Concernant le CPE ce sont les manifestations qui ont abouti à son retrait. Enfin à propos des nazis, je trouve qu’il y a quand même eu un grand rôle joué par la rue dans le sens où les soulèvements de Paris, Berlin et surtout Rome ont pas mal joué sur la défaite Allemande – ce sont clairement les soulèvements populaires qui ont exclu Mussolini du pouvoir par exemple – même s’il est évident qu’il y a eu un rôle majeur tenu par les Alliés et surtout les Russes.”

Un avis partagé par tous les Insoumis ? “Clairement, je ne crois pas qu’un des supporters de Mélenchon ait pu penser en écoutant ses déclarations qu’il sous-entendait que c’était uniquement la rue qui avait renversé, seule, le régime nazi.” affirme Augustin. “Samedi, c’était juste une accumulation de Méluche (Jean-Luc Mélenchon, NDLR) qui a peut-être un peu exagéré mais qui n’a en aucun cas comparé le gouvernement avec les Nazis. Il voulait juste montrer le rôle des manifestations populaires dans l’histoire, et le poids que pouvait avoir “la Rue”. C’était tout simplement une stratégie visant à attirer des gens dans les manifs, histoire que les manifestants ne se disent pas que leur mobilisation sera inutile.” Et ça marche ! “Les médias parlent de lui, certes comme le diable qui ne connaît pas l’Histoire, mais on parle des manifestations de la France Insoumise donc j’imagine que c’est une victoire pour Mélenchon.” nous confie Augustin, avec un léger sourire. Quant à la force de persuasion du leader de la France Insoumise, le jeune homme tient à faire part de sa liberté de penser : “Nous ne sommes pas une masse sans âme qui boit les paroles de son chef, même si c’est ce que beaucoup de médias voudraient faire croire. Nous disposons également d’un esprit critique et c’est souvent là que se trouve la différence entre la France Insoumise et le Front National.”

L’approximation historique de Jean-Luc Mélenchon a également été associée à celle commise par Emmanuel Macron, lors du lancement des Journées du patrimoine, le 16 septembre dernier. Se rendant au château de Monte-Cristo, à Marly-le-Roi dans les Yvelines, en compagnie de Stéphane Bern, le président de la République avait alors affirmé qu’avec l’ordonnance de Villers-Cotterêts, François Ier avait cherché à imposer le français au peuple.

Suite à l’entrée au Bundestag du parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AFD) et au départ de Florian Philippot du Front National (Décision prise suite à sa rétrogradation au rang de vice-président sans attribution par Marine Le Pen, NDLR) survenus la semaine dernière, les dérives totalitaires du leader de la gauche radicale inquiètent. Pis encore, ses pratiques constitueraient un réel danger pour la démocratie, comme l’alertait Laurent Berger il y a quelques mois : “Parfois, il y a des discours qui donnent à penser qu’il y aurait des ennemis, ceux qui ne penseraient pas comme lui. C’est dangereux”. Signe d’une menace imminente ou énième provocation de Jean-Luc Mélenchon ? Telle est la question.  

Gaëlle Fournier is a second year student and French editor in chief of The Sundial Press. 

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