By Angelica Djorkaeff
Du 11 septembre au 28 octobre
« Pour moi de l’extérieur, et je ne suis peut-être pas la seule, vous êtes sur une tour d’ivoire et vous descendez de temps en temps. J’avais besoin de vous le dire entre quatre yeux. » Voilà ce qu’affirme Lila, une habitante de l’île de Saint-Martin, dans une confrontation musclée avec le président Emmanuel Macron. Lors de sa visite sur l’île quelques jours après les dégâts dévastateurs de l’ouragan Irma, le Président a apporté son soutien au nord de l’île, portant le statut de collectivité d’outre-mer française. Ce dernier s’est engagé à revenir dans un délai de six mois pour faire un deuxième état des lieux. Pourtant, ce soutien n’est pas ressenti, ou plutôt il est vigoureusement contesté par des citoyens qui n’ont pas « l’impression d’être français ». De nombreuses familles ont dû quitter l’île et ses terres sinistres, pour chercher refuge dans leur mère patrie, la France. Mais les mesures des assistantes sociales et des organismes visant une mobilisation du gouvernement entière et totale, n’ont que partiellement aidé cette situation de reconstruction et d’adaptation, selon les citoyens Saint-Martinois. Au cœur de leurs frustrations, se trouvent des questions d’identités nationales et celui d’un avenir économique et politique tumultueux. Les enjeux de cette reconstruction sont en réalité bien plus complexes.
L’ouragan Irma s’est développé du 29 août au 12 septembre 2017 puis a frappé les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy aux alentours du 8 septembre, bouleversant la vie des insulaires. Un mois après son passage ravageur, les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy peinent à se relever : le réseau d’électricité est sévèrement endommagé, l’eau courante n’est pas accessible à tous, et certaines des écoles sont seulement en train de rouvrir leurs portes. Les habitants tentent de survivre, dans un état de choc, et recherchent à travers le gouvernement français, un soutien indéfectible qu’ils ne semblent pas trouver. En effet, le chef de l’Etat français ainsi que son gouvernement et les mesures prises pour leur prêter secours, ne cessent d’être critiquées. Ces dernières concernent l’anticipation trop tardive de l’ouragan ainsi que la gestion inefficace de la catastrophe, mais surtout le sentiment d’inattention que ces habitants éprouvent face aux valeurs françaises « d’unité » et de « solidarité ». Pour beaucoup, c’est un sentiment contradictoire qui s’exprime : payer ses impôts envers la France métropolitaine et être « traités comme des citoyens de la troisième zone » (Laila, 33 ans). De plus les Saint-Martinois se sont vus reprocher de ne pas se sentir français. Les habitants, dépourvus de tout repères familiers, ont eu l’impression de trouver en cette catastrophe, la justification de leur nationalité française. Les pillages et nombreux braquages qui se sont déroulés la semaine suivant le passage de l’ouragan étaient un moyen pour ces victimes de se révolter contre l’Etat français qui, à huit heures de vol de Saint-Martin, n’était pas encore sur place pour ravitailler les habitants. Manifestement, la semaine qui a suivi l’ouragan « a contribué à renforcer des tensions déjà existantes. »
Il existe une altercation tout aussi essentielle engendrée par cette catastrophe naturelle. Saint-Martin est une île dont l’économie a toujours été tournée vers le tourisme. Avec 2,5 millions de visiteurs en 2014, l’île est reconnue pour ses attractions tropicales et sa culture exotique. Aujourd’hui, 80 % des entreprises sont sinistrées à Saint-Martin, et les professionnels s’inquiètent de devoir licencier une grande partie de leurs salariés. Les hôtels, magasins, et entreprises sont endommagés, hors d’état de fonctionner. Le secteur de l’hôtellerie et de la restauration représente 15% des emplois, et se retrouve fortement impacté, la plupart des hôtels placés en front de mer ayant été détruits. Cette destruction architecturale s’accompagne également d’une destruction d’emplois. Le taux de chômage qui a déjà atteint 30% en 2017, s’est vu augmenter à 60% selon le président de la collectivité territoriale, Daniel Gibbs. La célérité de cette augmentation menacera toute l’économie Saint-Martinoise, déjà fragile. Selon la Caisse central de réassurance (CCR) – une entreprise publique qui se charge des catastrophes naturelles – l’estimation des coûts d’endommagement provoqués par Irma s’élèvent à environ 1,2 milliard d’euros. Ces dernières estimations se sont élevées à 3,5 milliards il y a quelques jours. L’ancienne ministre des Outre-mer a proposé de geler les dettes sociales de Saint-Martin pour lui permettre de se reconstruire sans antécédent financier. En plus des aides économiques proposées par le Gouvernement, « un système de cartes prépayées » a été mis en place par l’Etat français pour les quartiers les plus touchés et défavorisés. Saint-Martin doit rebâtir son tourisme pour survivre, Irma ayant détruit le pilier de son économie.
Les gestes généreux et les coups de mains entre concitoyens sont nombreux, mais il reste à trouver des solutions très rapidement. Du concert « Ensemble pour les Antilles » qui s’est déroulé le 19 septembre et a récolté la somme de 2 milliards d’euros, jusqu’à la visite d’Emmanuel Macron en Guyane le 28 octobre, un rassemblement évident des français est à remarquer, mettant de côté cet écart entre métropole et collectivité et apportant un soutien civique solide. Bien que cette visite se soit faite dans une atmosphère tendue, six mois après le large mouvement social du printemps, « une nouvelle page » est en train de se tourner, affirme le Président. Plus récemment, les choses ont pris une nouvelle tournure vis-à-vis des mesures économiques à adopter : le Premier ministre français a réuni le mercredi 11 octobre, le troisième comité interministériel pour la reconstruction de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin. La ministre des Outre-mer, le délégué interministériel à la reconstruction ainsi que des présidents des collectivités de Saint-Martin étaient présents.
Les liaisons aériennes et maritimes fonctionnent, la situation sécuritaire est enfin sous contrôle, bien que l’accès à l’eau reste le problème le plus urgent à résoudre. Des mesures de chômage partielles, ainsi que des aides aux entreprises favorisent un nouveau climat de reconstruction économique. Le 26 octobre 2017, Nice a fait voter en conseil municipal, une aide inattendue de 100 000 euros aux îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Dix jours auparavant, c’est le conseil départemental des Alpes-Maritimes qui versait à la Croix Rouge cette même somme. Un rapport d’inspection général est attendu le 30 octobre et permettra de prendre d’autres mesures afin d’atténuer une augmentation inévitable des dépôts de bilan et une hausse exponentielle du taux de chômage.
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