Que retiendrez-vous de 2017? C’est la question que se sont posée nos rédacteurs. Pour célébrer la fin de cette année haute en oeuvres et en couleurs, Lucas, Théo, Cécile et Sabine vous plongent dans les coulisses de « leur » année culturelle. Chacun d’eux a attribué trois Sundial Press Awards pour récompenser, les livres, films ou encore manifestations et festivals qui ont marqué leur 2017…
La sélection de Lucas, de l’émotion au chauvinisme
LE PRIX DU MEILLEUR FILM
décerné à … 120 battements par minute, de Robin Campillo
Je remets mon premier Sundial Press Award au film 120 battements par minute, réalisé par Robin Campillo. Sorti en août dernier, le long-métrage a fait couler de l’encre dans les médias, notamment pour sa visée polémique. En effet, il relate le combat d’Act Up, une association de lutte contre le sida, lors des années 90, alors que la maladie tue des milliers de personnes. Par un après-midi pluvieux, j’ai fini par céder à l’appel du grand écran et de l’obscurité pour admirer ce « chef d’oeuvre » selon le terme utilisé par les critiques. Dès les premières minutes, la hargne des militants d’Act Up m’a pris à la gorge. Tous concernés d’une manière ou d’une autre par la maladie, ils mènent leur combat contre une mise sous silence totale des victimes par l’ordre politique et l’opinion publique. Très vite, on découvre leur parcours individuels, tels que celui de Sean, jeune malade contaminé lors de son premier rapport sexuel. Scènes d’amour interdites par le sida, altercations ensanglantées par l’espoir qu’un jour, peut-être, le grand public réagira. Les scènes s’enchaînent, me torturant entre les émotions à la fois ambivalentes et si puissantes. Personne ne ressort indemne d’une telle justesse, d’une claque infligée tant par la réalisation ingénieuse que par le script, déchirant.
LE PRIX DU MEILLEUR ROMAN
décerné à … La délicatesse du homard, de Laure Manel
Mon second Sundial Press Award revient au roman de Laure Manel, La délicatesse du homard, paru cette année chez Michel Lafon. Pour être honnête, j’ai rapidement dévoré l’histoire d’Elsa, découverte échouée sur une plage bretonne, et secourue par François, un célibataire endurci. Sans même connaître d’elle ni son prénom ni son passé, l’homme l’allonge dans sa chambre d’ami. S’engage alors une quête d’identité en vue d’élucider cet obscur naufrage, alors que la jeune femme refuse de prononcer un mot. Plus les pages se tournent et plus l’envie de percer à jour l’identité de cette jeune femme nous saisit, mystère capable de nous tenir en haleine jusqu’à en oublier de dormir! L’écriture, très fine, cerne parfaitement la psychologie des personnages, leurs doutes et incompréhensions face à cette situation incongrue, ne laissant émerger qu’une question « Et si c’était moi qui l’avais découverte ? ».
LE PRIX DE LA MEILLEURE MANIFESTATION CULTURELLE
décerné aux … 500 ans du Havre
Tout chauvinisme mis à l’écart, je décerne ce dernier Sundial Press Award à la manifestation culturelle et festive « Un été au Havre », à l’occasion des 500 ans de la ville portuaire, fondée par François 1er. De mai à octobre, la cité normande a vibré sous la musique et les applaudissements. La parade des Havrais a précédé celle des géants, venus écrire une nouvelle histoire au dessus de nos têtes. La Ville, elle-même, s’est parée de nombreuses oeuvres d’art, comme l’arche en container sur le port, ou bien les tags disséminés par le graphiste Jace sur les murs havrais. Au Muséum André Malraux, les deux artistes Pierre & Gilles ont installé « Clair-obscur », une exposition de peintures aux couleurs affriolantes et aux objets jouant malicieusement avec les limites. Tout au long de l’été, les rues du Havre ont vu leur fréquentation augmenter sous l’impulsion touristique, tant le spectacle fut grandiose.
La sélection de Théo, une synthèse éclectique
LE PRIX DU MEILLEUR ROMAN
décerné à … Vernon Subutex, de Virginie Despentes
La suite tant attendue de la série de Virginie Despentes, parue en mai 2017, est à la hauteur des espérances et va même au-delà! On y retrouve Vernon Subutex, son héros éponyme, entouré de tous les personnages emblématiques de la série. L’écriture reste dans le même style que les tomes précédents mais l’auteure a ici parsemé le récit de thèmes encore plus d’actualité, tels que les attentats. Grâce à cet ouvrage, nous réalisons l’apothéose de la série. Seul point regrettable : la fin, futile. J’attends maintenant avec impatience la (probable) adaptation en série …
LE PRIX DE LA MEILLEURE ADAPTATION D’UN LIVRE SUR GRAND ÉCRAN
décerné à … Au revoir là-haut, d’Albert Dupontel
Le livre, dont est tiré le film, raconte l’histoire de deux rescapés de la Grande Guerre, lesquels montent une arnaque aux monuments aux morts. Ce récit, excellent et plaisant, fut d’ailleurs récompensé par différents prix lors de sa sortie en 2013, comme le Goncourt ou le prix Femina. L’histoire se tenait, l’écriture était brillante alliée à une bonne dynamique. Le livre possédait toutes les clés du succès. L’adaptation réussie d’un bon livre en film est, en revanche, plus difficile. L’échec du film Réparer les vivants, tiré du livre éponyme de Mailys de Kérangal, en est l’illustration même! Le film suit assez fidèlement le roman, et les quelques libertés qu’il s’autorise restent malgré tout cohérentes. Les acteurs jouent bien, le rythme est entraînant, même si le film dure presque deux heures. L’auteur du roman initial s’apprête maintenant à sortir un nouveau livre … la suite de la trilogie que sera Au revoir là-haut !
LE PRIX DU MEILLEUR ALBUM
décerné à … No_one Ever Really Dies de N.E.R.D
Après sept ans d’absence, le groupe composé de Pharell Williams, Shay Haley et Chad Hugo revient avec toujours autant d’énergie. L’album du groupe de rock est encore une fois influencé par différents styles de musique mais il a en plus un nombre de featuring impressionnant avec, entre autres, Kendrick Lamar, M.I.A, Gucci Mane ou encore Rihanna. Les rythmes sont novateurs, la construction originale, et les textes ainsi que les clips sont fortement engagés. Une très bonne surprise à découvrir !
La sélection de Cécile, entre originalité décapante et retour aux sources
LE PRIX DE LA MEILLEURE ADAPTATION D’UN LIVRE SUR ÉCRAN
décerné à … Lion, de Garth Davis
Un gamin indien au visage d’ange, un destin tragique et une quête en apparence vaine. Saroo est né dans un petit village pauvre, à quelques milliers de kilomètres de Calcutta, où il se retrouve après s’être endormi dans un train en attendant son frère. S’en suivent les péripéties de ce jeune garçon complètement perdu, qui débarque finalement dans un orphelinat où il sera adopté par un couple d’australiens. 25 ans plus tard, le flou de ses origines empêche le jeune homme brillant qu’est devenu Saroo, d’être heureux et épanoui. Alors il cherche, minutieusement, sans relâche. Le film est un bijou, tant par l’histoire emplie d’émotion que par le montage – si vivant – illustration de l’égarement de l’étudiant sans racine, à travers une série de plans panoramiques. Seuls des souvenirs très vagues demeurent dans sa mémoire. Il souhaite à tout prix à remettre ses pensées en ordre pour se retrouver lui-même. Transportés par les sentiments du personnage, déchiré entre ses parents adoptifs et sa famille indienne, nous partageons son doute perpétuel et nous demandons : que va-t-il faire ? Va-t-il y arriver ?
Le principal obstacle à son objectif ? L’oubli du nom de sa ville natale, primordial à la recherche des siens. Nous voyageons avec lui, des paysages fabuleux australiens à l’Inde rurale et colorée, en passant par ses contrées urbaines. De la salle de cinéma, nous ressortons bouleversés, frissonnants en pensant au nombre d’enfants indiens dans cette situation chaque année, chiffre effarant tant il est important…
LE PRIX DU MEILLEUR ROMAN
décerné à … Les fantômes du vieux pays, de Nathan Hill
Ce premier roman est spectaculaire. La fresque romanesque dressée par Nathan Hill, dépeint une Amérique loin de la définition de l’American dream et évoque sans évoquer les chamboulements que connaît aujourd’hui la politique et la radicalisation des partis. Le résultat m’a scotchée, entre cette famille dont chaque membre est une ombre, une silhouette dont les traits se dessinent peu à peu, ces événements si actuels tout en étant si ancrés dans le passé, ces dénonciations camouflées sous le couvert de la fiction. Les éléments de certains caractères nous insupportent, des faits nous choquent ou nous révoltent, et rien – j’insiste, absolument rien – dans ce livre, ne nous laisse indifférent. Après tout, quoi de plus important que d’inspirer des émotions, des sensations au lecteur ? Tout illustre l’évolution des Etats-Unis et cette bipolarisation idéologique, cette césure entre démocrates et républicains, cette menace du terrorisme amplifiée encore et encore dans les esprits par les faits passés. Trump y est incarné par un sénateur victime d’une vieille dame, mère du héros, et profite de cet incident pour faire grimper sa côte de popularité.
LE PRIX DU MEILLEUR FILM
décerné à … La La Land, de Damien Chazelle
Certains le qualifieraient d’un peu niais, d’autres de chef d’œuvre. Sans opter pour l’un ni pour l’autre, je dirais que ce film a marqué l’année 2017. Comme dans toute comédie musicale qui se respecte, de nombreuses chansons rythment la romance d’Emma Stone et Ryan Gosling, et la bande-son vaut le détour. Elle fait d’ailleurs partie des raisons pour lesquelles je récompense cette réalisation. L’histoire est, peut-être, un peu convenue au départ. Mais rapidement, les événements prennent un tournant inattendu et la fin … est une surprise. Les décors sont sublimes, et San Francisco nous révèle, au fil des minutes, ses merveilles. Des mises en scène originales s’organisent régulièrement autour d’un seul personnage – ou d’un couple – et les décors fins et délicats (La La Land a remporté l’Oscar dans cette catégorie) sont ainsi mis en valeur. Le jeu d’acteur est saisissant de justesse, les chorégraphies réglées à la seconde près et le tout forme une belle œuvre tant esthétique que musicale. Une belle comédie romantique dont la fin n’est pas à l’image de toutes les autres et lui permet de se détacher dans ce genre.
La sélection de Sabine, voyage entre les genres littéraires
LE PRIX DU MEILLEUR ROMAN
décerné à … Summer, de Monica Sabolo
Un award fièrement décerné à Summer, roman magnétique de Monica Sabolo. Ne vous fiez pas à l’insouciance du titre, trompeur. Summer a 19 ans lorsqu’elle disparaît un soir d’été aux abords du lac Léman. S’est-elle enfuie ? S’est-elle noyée ? Les questions se multiplient au rythme des pages. La blonde ingénue, héritière d’une famille influente, avait pourtant tout pour réussir. Son destin paraissait dénué d’embuches. Le temps passe mais les souvenirs perdurent. Et des années après sa disparition, Summer reste présente dans les cauchemars de son frère cadet, Benjamin. Ce dernier se perd dans ses rêveries en eau trouble, dans ses sombres visions aqueuses de Summer, perdue dans les profondeurs du lac. Errant entre thriller poisseux et narration à la frontière du merveilleux, la plume de l’auteure fait la part belle à une écriture organique où les odeurs, les sons et les images se font écho, en parfaite harmonie. Un roman d’une qualité poétique rare.
LE PRIX DE LA MEILLEURE BANDE DESSINÉE
décerné aux … Cahiers d’Esther, Histoire de mes 12 ans, de Riad Sattouf
Le dessinateur et cinéaste Riad Sattouf était de retour cette année avec le troisième tome des aventures d’Esther, petite fille espiègle dont l’auteur suit le quotidien depuis déjà deux volumes. Riad Sattouf a même prévu de narrer les aventures d’Esther jusqu’à ses 18 bougies, de quoi avoir envie de s’intéresser à elle ! Mais qui est Esther ? L’auteur a précisé qu’elle existait réellement, et je le crois sans nul doute: Esther est bien ancrée dans son époque. Elle vénère l’iPhone, adule Maître Gims, dit “ouèche” et regarde assidûment Violetta. Dans ce troisième volume, Esther entre au collège. Sont abordés des thèmes divers du quotidien : les élections présidentielles en France et aux Etats-Unis, les relations familiales ou encore les copines d’Esther. Le coup de crayon de Riad Sattouf sublime la trivialité et le transforme en originalité. En véritable régal, cette BD à la fois drôle et tendre, mérite amplement cet award !
LE PRIX DE LA MEILLEURE AUTO-FICTION
décerné à … Vous connaissez peut-être, de Joann Sfar
Un bull-terrier irascible et une jolie fille. AA priori peu de ressemblances, et pourtant tous deux vont à leur façon semer la pagaille dans la vie de Joann Sfar. La jolie fille se prénomme Lili mais l’auteur ne la connaît pas vraiment. Frappé par sa beauté, il l’a demandée en amie sur Facebook. Les liens entre l’écrivain et elle dépassent alors ceux, parfois distendus et artificiels, des utilisateurs de réseaux sociaux. Mais jusqu’où cette drôle d’histoire va-t-elle aller ? Un roman touffu, comique, et par-dessus tout, profondément sincère. Sans dévoiler le fin mot de l’intrigue, ce livre est une véritable ode aux rêveurs et autres lunaires qui cherchent le merveilleux au sein du réel. Le livre incarne ce « petit grain de folie » enfoui en chacun de nous, qui échappe aux codes de la raison et surgit aux moments inattendus et inopportuns. L’award de l’autofiction la plus éblouissante.
Vous l’aurez noté, cet article marque l’arrivée dans notre section de la talentueuse et rafraîchissante Sabine! A regrets, nous devons dire au revoir à Cécile, partie poursuivre ses études en LLCE à Rouen. Nous n’oublierons ni ta grande implication ni ta plume poétique. Bonne route Cécile, et au plaisir de lire tes futurs écrits (dont vous pouvez déjà retrouver quelques bribes sur son blog: https://pamolico.wordpress.com).
Et vous, quelles oeuvres ont marqué votre année 2017 ?
Creds photos: Allociné, FranceTVInfo, Babelio, The Independent, Decitre, Gallimard, Albin Michel
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