Par Nada M.
Un jour, quand j’avais 16 ans, le responsable du bureau du Parti Baas dans le village dans lequel j’ai grandi est venu dans notre lycée et a ordonné à tous les élèves de lever nos mains droites et de répéter après lui :
‘Moi, citoyen syrien, je jure que je serai toute ma vie fidèle au président et au Parti Baas, je jure également de les servir de toutes mes forces et toutes mes idées.’
Ma soeur jumelle et moi ne croyions pas dans les bienfaits du Parti Baas et ne pensions pas que ce parti avait travaillé dans les intérêts de tous les syriens. Mais ce chef local du Parti, qu’on n’avait jamais rencontré avant mais qui savait que notre oncle avait été communiste, a menacé notre père et notre oncle de prison. Nous avons vite juré.
Avant la révolution, j’avais toujours pensé que la Syrie était une ferme possédée par le régime et nous, le peuple, des animaux devant travailler pour nourrir la famille Assad. Avant la révolution, je ne me suis jamais sentie moi-même.
La Syrie représentait la peur de la police politique qui, étant l’autorité absolue, pouvait arrêter n’importe qui.
Ce sont des enfants, entre 10 et 15 ans, dont la peur n’était pas assez forte pour les paralyser, qui ont changé la situation, en remplaçant dans les slogans des printemps arabes les noms de Ben Ali et de Moubarak par celui de Bashar al-Assad. Ils ont écrit “dégage Bashar” et “ce sera à votre tour, docteur” (Bashar avait été ophtalmologiste) sur les murs de Daraa. 20 gamins ont été ensuite arrêtés et torturés sauvagement, 4 parmi eux sont morts.
Quand le peuple syrien a décidé de sortir dans la rue, il n’aurait jamais imaginé qu’il devrait ensuite quitter ce pays qu’il venait de commencer à connaître et à aimer.
J’ai participé à plusieurs manifestations aux côtés de chrétiens, musulmans sunnites, alaouites, druzes, kurdes, palestiniens, arméniens… Et ce, alors que le régime avait toujours essayé de nous séparer. Depuis Hafez al-Assad, les enseignants dans mon village essayaient de nous convaincre que si le président alaouite partait, les sunnites allaient tuer les alaouites en leur coupant la tête !
Au lieu de casser les murs qui ont été pendant 40 ans les “oreilles” des autorités, le peuple syrien les a transformés en pages sur lesquelles il a inscrit les slogans de la “liberté” et de la “démocratie”. La peur de ces murs est revenue 4 mois après le début de la révolution lorsque les soldats du régime y ont écrit leur menace de mort : “soit Assad, soit nous brûlons le pays”.
Other posts that may interest you:
- Local Victories for Turkish Opposition — A Sign of Hope?
- Are France and Japan a Mismatch Made in Heaven?
- A Reflection on Dark Tourism
- Cadavre Exquis : Goodbye stranger
- An Untoward Progress?
Discover more from The Sundial Press
Subscribe to get the latest posts sent to your email.