Par Delen Chriss
Si vous êtes présents sur les réseaux sociaux, vous n’avez sûrement pas échappé à l’hypermédiatisation et à l’excitation entourant la sortie du film Black Panther, réalisé par Ryan Coogler. Un engouement déclenché par l’annonce des studios Marvel de l’adaptation cinématographique des Comics du même nom, créés à l’origine par le scénariste Stan Lee et le dessinateur Jack Kirby en 1966.
Cette adaptation est d’abord novatrice par son casting, surprenamment noir pour une superproduction hollywoodienne de la sorte. Le film est mené par un ensemble d’acteurs d’origine afro-américaine et originaire de plusieurs nations africaines, de Chadwick Boseman (T’Challa), Lupita Nyong’o (Nakia) à Michael B. Jordan (Killmonger) en passant par Danai Gurira (Okoye). Le réalisateur, Ryan Coogler, est également Afro-Américain, tout comme l’équipe qui l’a accompagnée dans la pré-production, notamment pour le stylisme afro-centré.
L’intrigue se déroule à Wakanda, royaume imaginaire situé en Afrique et dirigé par la Panthère noire. Cette nation a échappée à la colonisation et a atteint un niveau de développement technologique exceptionnel grâce à l’exploitation du vibranium, métal rare et précieux. A la mort de son père, T’Challa est intronisé Panthère noire et roi mais doit faire face à des difficultés imprévues.
Avant même sa sortie en salles, il n’a fallu au film que 24 heures pour battre le précédent record de prévente des studios. A ce jour, il s’agit du film ayant réalisé le 5e meilleur démarrage de tous les temps aux Etats-Unis, devenant par la même occasion le plus grand succès Marvel. Black Panther a également dominé les box-offices mondiaux avec 1 295 855 740 $ de recettes mondiales (données recueillies le 5 avril, NDLR).
Black Panther a été présenté comme le premier super-héros noir, du moins dans l’univers Marvel. Beaucoup d’Afro-descendants que ce soit dans la diaspora ou sur le continent même s’enthousiasment pour ce long métrage car il représente l’Afrique et ses ressortissants dans un premier rôle positif loin du misérabilisme habituel dans ce genre de production. Ainsi, chose inédite pour un tel blockbuster, sur la même période, de nombreuses avant-premières ont été organisées aussi bien en Occident qu’en Afrique. De nombreuses initiatives ont été mises en place afin de permettre à des enfants de la diaspora de pouvoir regarder ce film, certains parlant même de mission civile et culturelle. Son succès repose surtout sur l’engouement relayé par les réseaux sociaux dans les communautés afro-descendante. Des challenges sont par exemple organisés : de nombreux spectateurs se sont habillées comme des dignités africaines afin d’aller le voir.
La force de Black Panther réside dans son ancrage dans le mouvement afro-futuriste véhiculant l’image d’une Afrique puissante et indépendante, libérée de l’impérialisme. Il est de notoriété publique que les minorités ou personnes de couleurs sont sous-représentées dans le milieu du divertissement et des médias. Lorsque c’est le cas, elles occupent rarement le premier rôle et sont trop souvent dépeintes à travers des stéréotypes péjoratifs voire racistes. Or, il est primordial pour le développement de chacun de pouvoir se projeter, s’identifier à des héros ou des modèles. Une identification aux héros jusqu’alors difficile pour les enfants noirs, facilitée par Black Panther. De même, la place accordée aux femmes n’est pas anodine. La galerie de femmes puissantes, exaltantes et occupant des postes de pouvoir au sein du royaume est au coeur de Black Panther, avec l’exemple de Shuri, princesse-ingénieure qui fait rêver tant de petites filles.
Ce film remplit également un rôle politique insoupçonné. En effet, il pose la question du futur du continent et de ses relations avec ses diasporas. La problématique de la gestion des ressources est aussi abordée. Wakanda peut sembler utopique mais en définitive il s’agit bien de ce vers quoi les Africains et la diaspora veulent tendre : des Africains et Afro-descendants possesseurs et fiers de leur culture, continent et ressources, bases de l’avenir de l’Afrique. Black Panther donne ainsi le matériel onirique dont les individus d’aujourd’hui pourront s’inspirer pour construire l’Afrique de demain.
Il est possible de critiquer la fin que l’on peut trouver trop facile. Toutefois, il faut remettre ce film dans l’univers Marvel afin de saisir toutes les clés de lecture. Nous devrions même nous en réjouir puisque cela augure d’autres apparitions de Wakanda et de la Panthère noire. L’occasion pour les jeunes générations de grandir avec une telle représentation positive d’une partie de leur identité. Ces générations pourraient bien redéfinir dans le futur ce que signifie être Africain et Afro-descendant.
Delen est le petit nom. Afropéenne est la tentative de définition de l’identité. Aspirante écrivaine, poétesse et citoyenne engagée. Lectrice avide, gourmet insatiable, mélomane ouverte, individu avide de connaissances, passionnée de culture ouverte et curieuse. La Sauce est le nom cette section car il s’agit d’un mélange non-orthodoxe d’opinions diverses aux origines pluridisciplinaires. La Sauce de l’énergumène revient chaque mois.
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