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Par Justine Guérineau

Brandon a 21 ans et fait donc partie des Millenials, ces jeunes nés entre les années 1980 et 2000. Originaire de Carlow en Irlande, « a land far far away » selon Brandon, il abandonne l’université fin 2017, passe 8 jours dans un monastère Bouddhiste à Loubès-Bernac dans le Sud-Ouest de la France, puis s’installe à Bordeaux. Il travaille aujourd’hui comme barman au Connemara, un pub irlandais très réputé. The Sundial Press l’a rencontré.

Brandon travaille comme barman au Connemara, pub irlandais très réputé // Photo: Brandon Bolger

 

A quel moment as-tu décidé de tout quitter ? Quel a été l’élément déclencheur ?

J’ai toujours voulu voyager, mais je ne savais pas quand me lancer. J’ai commencé une licence d’art à l’université mais les cours ne me plaisaient pas. J’avais l’impression de perdre mon temps. Sans plan de secours, j’ai payé pour les examens de rattrapage. Cependant, je n’étais toujours pas motivé alors j’ai décidé d’arrêter et j’ai commencé à regarder les prix des vols pour l’étranger.

 

Aimes-tu ton travail de barman ? 

Oui, je l’adore. En Irlande, j’ai travaillé deux ans dans un pub irlandais mais ça n’avait rien à voir avec l’idée que je m’en faisais, contrairement à ici, à Bordeaux. J’aspire également à jouer de la guitare et à composer mes propres morceaux.

Le bar du Connemara où travaille Brandon // Photo: Brandon Bolger

 

Ton expérience à l’étranger a-t-elle été à la hauteur de tes espérances ?

Je suis venu en France pour passer du temps avec des moines Bouddhistes et j’ai pu le faire au Village des Prunes. Profiter du silence et de la paix qui règne dans cet endroit fut une expérience incroyable. Je voulais également travailler dans un pub irlandais et même si je prévoyais d’abord de m’installer à Nice, j’ai trouvé ce que je cherchais à Bordeaux.

 

Comment conçois-tu ton futur ?

Je n’ai pas encore réfléchi à mon futur sur le long terme pour être honnête. Mais j’espère voyager davantage. Je me vois bien barman ou prof d’anglais, tant que je peux parcourir le monde. Je n’ai pas d’idées arrêtées sur ce sujet, je préfère vivre au jour le jour.

 

Quels sont les côtés positifs et négatifs de tout quitter du jour au lendemain ?

Pour le positif, je dirais rompre avec la routine dans laquelle je n’étais pas forcément heureux et épanoui, et rencontrer de nouvelles personnes. Le côté négatif réside dans le fait de devoir vivre loin de sa famille et de ses amis et de manquer certains évènements importants. Par exemple, je n’étais pas là quand j’ai appris que j’allais avoir une petite nièce ou un petit neveu. Je l’ai appris par téléphone et j’aurais préféré être présent. Cependant grâce à Internet, j’ai pu garder contact assez facilement.

 

Qu’a pensé ta famille de ta décision ?

Au début, ils pensaient que j’agissais de manière insensée. Finalement, mon père m’a confié que c’était la première fois qu’il me voyait aussi motivé et concentré sur quelque chose.

Alors quelles sont les raisons qui peuvent pousser les Millenials comme Brandon à “tout plaquer” et partir à l’étranger ?

Dans son blog « Antoine sur les routes du monde », le globe trotteur décrit les Millenials comme « la génération qui a tout, mais qui ne vit rien ».

Depuis les Trente Glorieuses et l’accroissement général du niveau de vie dans les pays occidentaux, les besoins matériels des individus semblent satisfaits. Néanmoins, nombre d’entre eux se sentent coincés dans la spirale du « métro-boulot-dodo » et ont le sentiment de passer à côté de leur vie, comme en attestent les paroles de la chanson de Stromae AVF, sortie en 2013 :

« Censé devenir un jeune cadre dynamique,

J’ai toujours été qu’un jeune stressé qui panique.

[…]

La nuit dans la bouteille, la journée dans les bouchons,

Depuis quand je suis dans les pompes de Monsieur Tout-le-monde ?

La ville dans les oreilles, la fumée dans les poumons,

Des moutons, des moutons, des moutons. »

Dans son best-seller « ta deuxième vie commence quand tu comprends que tu n’en as qu’un », Raphaëlle Giordano introduit le concept de « routinite aiguë », définie comme « une affection de l’âme qui touche de plus en plus de gens dans le monde, surtout en Occident. Les symptômes sont presque toujours les mêmes : baisse de motivation, morosité chronique, perte de repères et de sens, difficulté à être heureux malgré une opulence de biens matériels, désenchantement, lassitude… ». Tout quitter et partir à l’étranger peut alors apparaître comme le moyen de rompre avec la routine quotidienne,  vivre de nouvelles expériences et profiter pleinement de ce qui est souvent décrit, à tort ou à raison, comme « les meilleures années de la vie ». Les Millenials semblent particulièrement tournés vers l’international. Selon le sondage réalisé par The Sundial Press, sur les 199 étudiants à Sciences Po sur le campus de Reims interrogés*, 53,8% choisissent de voyager en cas de gain d’une importante somme d’argent. 22,3% d’entre eux décident de l’investir, 18,3% choisissent d’épargner, et seuls 5,6% le dépenser dans des biens matériels.

Source: Pinterest

Dans sa théorie du post-matérialisme, Ronald Inglehart démontre que les besoins immatériels comme l’épanouissement personnel prennent de plus en plus d’importance dans nos sociétés. Les jeunes attendent que le travail remplisse cette fonction. D’après le sondage* du Sundial Press mentionné plus haut, 45,2% des étudiants considèrent que le travail doit avant tout être source d’épanouissement. Ils sont aussi nombreux que les 45,2% pour qui la fonction principale de l’emploi reste de gagner un salaire afin de subvenir à ses besoins. Seuls 9,5% des sondés estiment que le travail permet essentiellement d’acquérir un certain statut social.

Parfois, le travail n’est pas source d’épanouissement pour les travailleurs et la routine mentionnée plus tôt peut s’avérer particulièrement stressante. Surmenage, surcharge de travail, anxiété, burn-out, le tout dans le soucis de plaire aux attentes de sa famille et de la société… A ces potentiels éléments déclencheurs qui peuvent pousser un individu à tout quitter et partir, s’ajoutent la perte de valeur du diplôme et un futur incertain. Les jeunes en ont bien conscience puisqu’il leur est répété à longueur de journée qu’ils souffriront probablement du chômage lors de leur entrée sur le marché du travail. Certains considèrent qu’étudier aussi longtemps sans avoir la certitude d’obtenir un emploi derrière, « is too much effort for a damn piece of paper, when life’s right there for the living! », selon les mots de Brandon.

« Continue, ta démarche est bonne. Mais ne te trompe pas. » Voici la réponse donnée à un internaute qui avait posté un message sur le forum Lonely Planet indiquant son souhait de partir, malgré son « excellente situation mais un travail stressant et une vie dépourvue de sens. »

Évidemment, l’entreprise est risquée. Abandonner ses études, démissionner ou encore vendre son logement pour partir vivre l’aventure à l’étranger peut sembler attirant. Cependant, les conséquences de tels actes ne sont pas toujours celles escomptées. Le film de Sean Penn, Into the Wild, par exemple – attention spoiler – ne connaît pas de fin heureuse. Les risques sont multiples : quitter un emploi stable sans perspective professionnelle derrière, peur de décevoir ses proches, de s’écarter du modèle « traditionnel » de réussite, difficultés à se réinsérer si l’expérience s’avère décevante… Toutefois n’est-ce pas aussi en commettant des erreurs que l’on apprend à réussir ?

La vidéo Youtube « Everybody Dies, but not everybody lives » du slameur américain Prince Ea nous invite à réfléchir sur le sujet. Il y mentionne une étude menée auprès d’une centaine de personnes âgées qui ont été amenés à réfléchir sur leurs plus grands regrets. Les résultats montrent qu’ils ne regrettent pas nécessairement ce qu’ils ont fait, mais plutôt les risques qu’ils n’ont jamais pris et les rêves qu’ils n’ont pas poursuivis.

Le questionnement demeure : vaut-il mieux prendre le risque de se lancer, quitte à se tromper, ou celui de regretter ?

 

Lien vers le blog de Brandon: https://formlessdreamer.wordpress.com

Lien vers le blog d’Antoine: https://www.antoinesurlesroutesdumonde.com/qui-sommes-nous/

 

Résultats du sondage du Sundial Press:

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