Six semaines, c’est le temps que j’ai passé à découvrir la Bolivie. Un semblant long à priori, selon mes premières réflexions quelques jours après mon arrivée, et pourtant… Et oui et pourtant, car quelques semaines plus tard, assise dans l’avion, je ne pouvais réaliser que cette parenthèse était déjà achevée. Ce voyage avait un double objectif : il s’inscrivait bien sûr dans le contexte du stage civique de terrain, mais, avouons-le, me permettais aussi de découvrir les paysages et les trésors d’un pays qui était pour moi encore inconnu. Voici seulement un aperçu de quelques anecdotes et photos de ce voyage surprenant.
Je résidais dans la petite ville de Sucre, cœur historique du pays et ancienne capitale, toujours le siège du pouvoir juridique. Avec son architecture très coloniale, ses maisons et ses églises peintes de blanc, ses palmiers luxuriants, Sucre porte bien son nom : « la Ciudad Blanca », la ville Blanche en espagnol. Ses habitants en sont très fiers. Ils ne manquent pas de rappeler que leur ville est le berceau de l’indépendance du pays, poussant son premier cri de liberté le 25 Mai 1809 en la casa de la Libertad.
J’ai profité de quelques jours avant le début de mon stage pour m’habituer à la ville et découvrir ses monuments. Seule, n’ayant pas encore rencontré d’autres volontaires, je me suis aventurée dans le centre. J’ai beaucoup aimé la place centrale, « la plaza del 25 de Mayo », un vaste carré fleuri, planté au cœur de la vallée de Sucre. En son centre, un mémorial dédié aux héros de l’Indépendance préside ; autour, de hauts palmiers et autres arbres exotiques se joignent au décor.
La place a fait office de point de repère. De là, j’ai progressivement exploré les rues embranchées à chaque angle. Déambulant ainsi, j’ai découvert le très fameux marché central, un énorme espace couvert regorgeant de toutes sortes de choses : des amas de fruits et de légumes côtoyant des étals de charcuterie, longeant des caisses de vaisselles, d’électroménager bon marché, de chariots ambulants où des dames chapeautées vous hèlent pour vendre leur jus de fruits frais.
Mon stage commençait la semaine suivante. Résidant à une heure de route des locaux de mon projet, je me suis rendue à l’évidence que j’allais, bon gré mal gré, devoir m’adapter aux transports locaux. Les bus publics, communément appelés « les micros » sont le moyen de transport le plus populaire. Aussi comique que celui puisse paraître, j’envisageais mon premier trajet assez peur rassurée. Prenant mon courage à deux mains, je lançais ma première approche. Suivant les conseils de ma famille d’accueil, je me suis positionnée sur une artère fréquentée pour tenter d’en arrêter un : il n’y a pas d’arrêt de bus prédéfini dans la ville ; pour monter dans un micro, il suffit de se placer sur le trajet d’une ligne précise et espérer que le chauffeur veuille bien s’arrêter. Une fois dedans, il n’y a pas non plus de ticket, il faut payer directement le coût du trajet au conducteur. J’ai été surprise d’observer que la plupart du temps les portes du bus restent ouvertes (ou sont carrément inexistantes) ce qui permet aux chauffeurs de prendre plus de monde. D’ailleurs, certains passagers se contorsionnent tant bien que mal lorsque le bus est plein et se positionnent jusque sur le marchepied.
Une fois montée dans le bus, le plus dur restait à venir : la descente. Les arrêts n’étant ni marqués ni utilisés, l’habitude veut que le passager crie au chauffeur quelques mots lorsqu’il souhaite descendre. Je me suis donc souvenu des « parada por favor, una esquina » ou encore « voy a bajar » enseignés un peu plus tôt par ma famille d’accueil et ai tenté de les mettre en action. Plus de peur que de mal pour cette première fois ; j’ai par la suite fait du micro un usage quotidien.
Je rencontrai également très vite d’autres volontaires grâce à l’une d’entre eux, Rachel, qui habitait avec moi. La plupart étaient allemands ou autrichiens et restaient sur place pendant plus d’un an. Le mardi soir suivant, les accompagnant à ce qui pourrait véritablement s’appeler « le rendez-vous du mardi soir », pour sa parfaite récurrence, j’ai découvert une activé qui deviendrait un pilier de mon séjour : le cacho. Ce jeu de dés, typique d’Amérique latine, repose sur le hasard. Il se joue par pair et consiste à lancer les dés à tour de rôle et obtenir le meilleur score. Chaque mardi, le pub irlandais accueillait une compétition. Repère à la fois des habitués locaux mais aussi des volontaires, j’ai pris part à ce rituel pendant six semaines, heureuse de rencontrer hebdomadairement nos partenaires, habituels ou occasionnels, de jeux. Jeanne, autre française rencontrée sur place, est devenue mon binôme de Cacho, et par la suite, de voyage.
Le troisième weekend de mon arrivée, Jeanne et moi sommes parties à Tarija, une ville située au sud de la Bolivie, à quelques heures à peine de la frontière avec l’Argentine. Pour nous y rendre, comme beaucoup de voyageurs, nous avons traversé le pays de nuit, en bus. L’achat des tickets relève de l’anecdote. 24h avant notre départ, nous nous sommes rendues au terminal. Aménagé de façon surprenante, on y observe une multitude de compagnies représentées par des petits stands et des crieurs déclamant les différentes destinations proposées. Chacune d’elle dispose en effet de vendeurs qui proposent les tarifs à la criée. Comme partout en Bolivie, ils sont à négocier. Payer le prix normal (et non celui réservé aux touristes) ainsi qu’obtenir le type de bus adéquat (de préférence les camas plus confortables que les semi-camas) requiert de véritables talents de négociateur et une forte conviction. Le soir du départ, bien que peu rassurées, nous montions dans notre bus cama, préparées à affronter nos dix heures de trajet marqué de routes sinueuses à travers les bas-reliefs de la Cordillère des Andes. Le périple fut plus calme qu’envisagé dans l’ensemble. Une fois sur place, nous avons pris le premier micro en direction du centre. Peu après avoir déjeuné dans le seul café ouvert à 7h30, nous avons réservé un tour touristique pour visiter les vignobles, Tarija étant l’une des plus grandes villes productrices de vins boliviens. Nous avons visité plusieurs Bodega (domaines) et testé le vin local, plutôt mauvais, avouons-le, incomparable aux vins produits en Argentine ou au Chili, pays voisins.
Malgré cette déception, la ville de Tarija réserve quelques surprises architecturales comme la « casa » ou « catillo azul », appelée ainsi par les riverains. Cette bâtisse toute bleue a été construite au début du XX siècle par une grande famille minière. Elle présente à l’intérieur un design typique des années 20 spectaculaire. La petite fille du premier propriétaire a gentiment accepté de nous la faire visiter.
Deux semaines plus tard, nous partions à la découverte du Salar de Uyuni, destination incontournable. Sans aucune réservation, nous avons pris le bus un jeudi soir avec l’idée de visiter ce désert de sel et ses alentours en trois jours, comme cela se fait le plus souvent. A Uyuni, les agences touristiques ne manquent pas et sont le seul moyen pour visiter le désert. Le matin même, avant les départs, nous avons fait le tour des agences pour identifier celle qui paraissait la plus fiable. Ayant reçu des recommandations de toute sorte et en particulier concernant certains chauffeurs adeptes de feuille de coca, la prudence était de mise. Finalement plus ou moins convaincues, nous avons rejoint le 4X4 de l’agence choisie, dans lequel étaient déjà assis quatre autres touristes prêts à partir.
Après une bonne demi-heure de voiture, le Salar se déployait devant nous. Le sel d’abord peu abondant, le devenait de plus en plus après quelques kilomètres, pour finalement recouvrir l’ensemble du sol. Se présentait alors une immensité blanche et plate, à l’absence de relief frappante à 3600 mètres de haut. Ce spectacle magique s’observe encore mieux du sommet de l’une des îles aux Cactus, des petites parcelles de terre, exemptées de la couche de sel.
Les deux jours suivants, nous nous sommes enfoncés dans le sud du pays, éblouies par les paysages fantastiques, et plus particulièrement la multitude de lagons : lagons peuplés de flamands roses, d’autres multicolores comme la « laguna colorada » dont l’eau présente un dégradé allant du violet au rouge-orangé pour finalement monter à plus de 5000 mètres d’altitude.
« en Bolivia todo es possible pero nada es seguro » phrase que j’ai entendu maintes fois, répétée de bouches en bouches par les boliviens, un sourire aux lèvres. Annonçant la couleur du pays, j’ai compris la maxime très vite, parfois à mes dépens ou pour mon plaisir : séances de cinéma annulées sans explication, manifestations contre le gouvernement d’Evo Morales bloquant les rues, changement impromptu du trajet des micros ou encore parades bruyantes d’enfants joueurs de pipeaux ou de trombone. Surprenante, la Bolivie est aussi un pays insolite, regorgeant de trésors naturels comme le lithium récemment découvert dans la région de Potosi, elle est dotée de réelles possibilités d’enrichissement grâce au tourisme encore balbutiant, mais cependant marquée par la pauvreté ou encore la discrimination envers certaines ethnies, tels que les Quetchua ou les Aymara : elle reste avec le Paraguay le pays le plus pauvre d’Amérique du Sud.
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