Casque de moto sous le bras, petit air de Frédéric Mion – en un peu plus jeune -, démarche nonchalante. C’est avec l’assurance de celui qui sait parler en public que Gaspard Gantzer, invité en amphithéâtre le jeudi 13 septembre, s’empare du micro. La venue de celui qui fut conseiller en communication de François Hollande est l’oeuvre conjointe de Lucas Leroy, président des Engagés, mouvement politique a-partisan récemment implanté sur le campus, et de Clémentine Mariani, co-présidente de l’antenne d’En Marche. Cette dernière m’avait confié, en juin dernier, qu’elle rêve d’entendre Gantzer sur le campus ; et l’enthousiasme du public est à la hauteur de l’événement.
On arrive parfois à une conférence sans savoir à quoi s’attendre ; parfois, avec des idées préconçues. J’avais justement lu, quelques mois plus tôt, le passionnant ouvrage de Fabrice Lhomme et Gérard Davet, Un président ne devrait pas dire ça, et mon avis se résume en une phrase : le contenu du livre n’a rien à voir avec son titre, provocateur, dédaigneux et plein de jugement. Au contraire, le propos des deux journalistes d’investigation est le suivant : le brillant François Hollande aurait pu être un grand président de la Ve République, a certainement été le plus honnête, mais il a aussi été le plus incompris. Sa ‘normalité’ a été prise pour de la banalité ; son sens du compromis, pour une faiblesse ; sa discrétion, pour une mollesse. Bref, sa communication fut pour lui ce que le cheval fut à Troie. C’est donc dans l’expectative, voire avec un soupçon de curiosité méfiante, que j’attends avec impatience les explications, voire les justifications, du principe artisan de cette communication.
Et le premier message délivré par Gaspard Gantzer, c’est qu’on ne peut pas le réduire à cela. L’homme, charismatique et suffisamment confiant pour être humble, évoque avec humour son parcours comme une succession d’opportunités saisies. Sorti de Sciences Po au début des années 2000, il prépare ensuite l’ENA avec des amis pendant un été complet, réussit le concours, sort de l’ENA « avec un classement suffisamment bas pour éviter les grands corps de l’Etat et faire quelque chose qui me passionne ». Il passe trois ans au ministère des affaires sociales ; un an, à s’occuper de culture et de cinéma. Puis, grâce au contact donné par un professeur – « gardez toujours contact avec vos maîtres de conférences », ajoute-t-il, espiègle -, il rejoint pendant cinq ans la mairie de Paris, travaille pendant deux ans comme conseiller en communication de Delanoë « qui lui apprend tout ». Il poursuit dans la communication. Pendant un an et demi, il parcourt le monde avec Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, pour préparer la COP21, le quitte après une période passionnante mais épuisante, devient porte-parole du gouvernement. Et trois jours plus tard, le président de la République l’appelle pour lui proposer de devenir son conseiller en communication. Tout le monde lui recommande de ne pas y aller. François Hollande bat alors des records d’impopularité. Mais pour Gantzer, c’est comme rentrer dans un match alors qu’on est mené 5-0 à la mi-temps ; si on marque 6 buts, on est un héros ; si on en marque 2, on a sauvé l’honneur et tout le monde regrette qu’on ne soit pas entré plus tôt ; et si l’équipe perd, on n’y est pour rien. « Par esprit de contradiction », et par admiration pour le président « si différent en privé de son image publique », il accepte.
Pendant trois ans, responsable de la communication de François Hollande, il doit réfléchir à comment faire comprendre les décisions du président ; que dire ? quand ? comment ? En parallèle, il coordonne les prises de parole de l’exécutif et, en tant que porte-parole de l’Elysée, il répond aux journalistes au nom du président. Un métier captivant mais éprouvant ; en effet, c’est sous le mandat de Hollande que la France doit affronter l’horreur des attentats, et rien n’aurait pu préparer son équipe à ces situations de crise.
On passe aux questions. Gantzer, qui pendant une heure, debout ou assis sur la table, répondra du tac-au-tac, nous prévient que s’il « a beaucoup de défauts, il n’est pas susceptible ». Quand on lui cite un article le décrivant comme l’archétype du bobo parisien, il s’en dit extrêmement fier. On lui parle de François Hollande, il cite des erreurs, comme la gestion de la sortie d’Un président ne devrait pas dire ça ou la promotion de la politique économique, mais aussi des fiertés, la COP21 et les moments extraordinaires de concorde nationale. Gantzer conclut, avec le genre d’humilité qui ne réduit pas, mais grandit celui qui l’emploie, que « s’il avait bien fait son job, Hollande aurait été candidat à la présidentielle. Evidemment que j’ai fait des erreurs, que j’ai foiré des choses. »
Pourtant, aujourd’hui, celui qui enseigne au collège universitaire et en master de Sciences Po Paris, ainsi que la communication de crise à HEC, poursuit toujours dans la com. Sa compagnie, 2017, conseille des entreprises sur le sujet et sur comment réagir à des crises. L’équipe est passée en très peu de temps à dix collaborateurs, qui soutiennent des boîtes aussi fameuses que Konbini.
Quant à la politique, le virus l’a rattrapé, lui qui veut « rassembler des gens, rencontrer, changer les choses ». Celui qui a choisi la gauche « pour la lutte contre les inégalités et l’universalisme » s’est vu proposer de se présenter pour En Marche aux législatives de Rennes ; il a refusé. Il souhaite, malgré tout, que Macron et son équipe « réussissent, car s’ils réussissent, c’est le pays qui réussit ». Pourtant, son pays, Gantzer confesse qu’il l’aime moins que Paris. Pour cela, il a créé un mouvement local : « Parisiennes, parisiens », pour régler des problèmes précis par le rassemblement citoyen. Avec lui, il veut faire baisser la pression sur l’immobilier, nettoyer la ville et surtout, étendre le Grand Paris, cette « plus petite des grandes capitales d’Europe », qu’il souhaite voir devenir « la ville la plus intelligente du monde ». Il voit les municipales comme une étape ; les jeux olympiques en 2024, comme l’opportunité ou jamais » de développer la capitale.
Mais ce n’est pas tout! En terme d’échéance plus proche, Gantzer est la preuve même qu’un sciencespiste reste à vie « pluridisciplinaire ». Cette semaine, sort au cinéma Le poulain de Michel Sapin, dans lequel il incarne… un jeune conseiller en com.
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