Skip to main content

Illustration: francetv.fr

 

Quand je suis allé voir Un peuple et son Roi sur le conseil de mon professeur d’histoire M. Piketty, mes attentes étaient forcément un peu plus élevées que lors d’une séance de cinéma normale. Ce film, réalisé par Pierre Schoeller, constitue un panorama du début de la Révolution française. L’intrigue se focalise sur divers personnages, de la prise de la Bastille le 14 juillet 1789 à l’exécution de Louis XVI le 21 janvier 1793. En plus d’aborder un thème fédérateur, fondateur de la nation française, susceptible de rassembler des spectateurs de toutes les générations et de tous les horizons, le film repose sur un casting d’exception avec, pour ne citer que lui, Laurent Lafitte dans le rôle du monarque. De prime abord, cette œuvre a tout pour plaire ; malheureusement, le potentiel de la thématique n’a pas été pleinement exploité…

Tout d’abord, Pierre Schoeller a décidé de ne pas se focaliser sur un protagoniste unique mais de faire varier les points de vue ; ainsi, le spectateur suivra simultanément la progression d’un groupe de révolutionnaires, de Louis XVI et de la jeune Assemblée nationale. Ce choix apporte une vision relativement complète de la société française de la fin du XVIIIème siècle et des enjeux qui la traversent : la misère de la « populace » ainsi désignée par les nobles vivant dans l’opulence, le roi tiraillé entre l’héritage de ses ancêtres et le mouvement révolutionnaire progressiste inexorable, et surtout les sentiments mitigés envers son souverain d’un peuple partagé entre admiration, respect et haine.

 

En outre, Un peuple et son Roi est empreint d’une maîtrise technique impressionnante. Si les costumes et la musique à base de chants révolutionnaires nous plongent dans l’ambiance, certaines scènes sont comparables à des peintures de maître tant leur aspect esthétique est abouti. L’un des personnages, par exemple, est souffleur de verre ; les plans où il manie ce matériau incandescent et fragile afin de le sculpter sont à la fois beaux et impressionnants. Dans un autre registre, les batailles, à l’image de la prise des Tuileries par les sans-culottes le 10 août 1791, présentent un caractère aussi bien épique que tragique, montrant la glorieuse destinée du peuple français mais également à quel point il est déchirant de devoir tuer ses compatriotes. En effet, si les gardes suisses doivent faire feu sur les assaillants, on ressent leur tiraillement. Enfin, le découpage a été longuement réfléchi pour rythmer le film et donner une force à l’enjeu dramatique, tout particulièrement lors du procès du Roi. Il s’agit de courtes scènes entrecoupées de passages se déroulant au sein du groupe de révolutionnaires ; un à un, les députés prennent la parole devant l’Assemblée constituante et expliquent pourquoi il faudrait ou non condamner Louis XVI à mort.

Cependant, cette maîtrise technique ne parvient pas à combler une faille scénaristique majeure : le film est décousu. Certes, raconter de manière complète et exhaustive l’histoire de la Révolution de la prise de la Bastille à l’exécution du Roi, le tout en 2 heures, paraît irréalisable. En revanche, passer sous silence le vote de la loi promulguant l’abolition des privilèges me semble être une erreur, car il s’agit d’une étape essentielle du processus d’émancipation du peuple français ainsi que de la fin du régime féodal.

 

D’autre part, si passer d’un personnage à l’autre présente certains avantages, cela ne permet pas de les développer aussi bien qu’un unique protagoniste. Dans un film intitulé Un peuple et son Roi, il est légitime de s’attendre à un Louis XVI omniprésent ; à l’inverse, celui-ci ne parle que très peu, et des passages qui auraient pu être poignants (particulièrement son discours sur l’échafaud) sont réduits comme peau de chagrin. À l’image des personnages, l’évolution de leurs relations est précipitée car des éléments manquent ; par exemple, la détérioration de l’image de Louis XVI auprès des Français paraît précipitée. Afin de combler ce vide, le réalisateur a dû faire de ses personnages des archétypes : le noble méprisant et hautain, l’artisan souffleur de verre ignare et, par-dessus tout, le Roi. Louis XVI est encore et toujours enfermé dans cette image de Roi maladroit, plus laxiste que ses prédécesseurs et lâche au point de déserter son poste. Cette caricature développée après la Révolution a été nuancée par des historiens et il est dommage que Pierre Schoeller ait fait le choix de la véhiculer.

En résumé, ce film constitue un enchaînement de belles peintures de la Révolution française. Malheureusement, il manque un lien, un fil directeur consistant entre ces différentes scènes. Même si ce film n’est pas à proprement parler mauvais et qu’il est possible de passer un bon moment en le regardant, je pense que les passionnés d’histoire risquent de rester sur leur faim !

Other posts that may interest you:


Discover more from The Sundial Press

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Antonin Decrulle

Author Antonin Decrulle

More posts by Antonin Decrulle

Discover more from The Sundial Press

Subscribe now to keep reading and get access to the full archive.

Continue reading