Par Antonin Decrulle
Après la déconvenue du film Un peuple et son Roi de Pierre Schoeller sur la Révolution française, déception exprimée dans un article précédent, j’attendais beaucoup du prochain film historique français que je m’apprêtais à aller voir. Si L’empereur de Paris fait mieux que son prédécesseur, certains défauts majeurs subsistent, ce qui est vraiment regrettable car tant les éléments abordés que certains choix de réalisation laissaient présager un résultat plus prometteur.
L’empereur de Paris, réalisé par Jean-François Richet, retrace la vie de François Vidocq, un bagnard et détective emblématique de l’histoire de France. En 1805, il est emprisonné dans une galère au sein de laquelle il se fait un ennemi sérieux, Maillard, une figure importante de la pègre parisienne. Sur ordre de celui-ci, Vidocq est jeté par-dessus bord. Quelques années plus tard, il revient pourtant dans la capitale sous les traits d’un drapier. Il est alors reconnu par deux voyous qui l’accusent d’un crime qu’ils ont eux-mêmes commis. Afin de prouver son innocence et enfin obtenir sa lettre de grâce, il se met au service de la brigade de sûreté de Paris et se sert des connaissances acquises au contact des criminels pour appréhender ceux-ci. Pour l’épauler dans sa mission, il s’entoure d’un groupe de marginaux à la recherche de reconnaissance dont Annette, une voleuse avec laquelle il entretiendra une relation, et le duc de Neufchâteau, un noble déchu servant dans la Grande Armée de Napoléon Bonaparte. Ensemble, ils tenteront de stopper tous les hommes violents et dangereux de Maillard, souvent au péril de leur vie.
Tout d’abord, l’aspect immersif du film est maîtrisé à la perfection. La reproduction du Paris du début du XIXème siècle est convaincante bien que réalisée à l’aide d’outils informatiques. D’autre part, les costumes et les dialogues sont tout aussi excellents. Les nombreuses scènes se déroulant dans des marchés tel que les Halles de Paris permettent de mettre en valeur ce travail tant artistique qu’historique. En outre, le soin apporté à la mise en scène révèle toute l’ambition du projet porté par Jean-François Richet. En effet, le récit ne se cantonne pas aux bas-fonds parisiens et révèle également les intrigues et autres tractations dans les milieux proches du pouvoir impérial. Ainsi, une figure historique comme Joseph Fouché, le ministre de la Police de Napoléon, a un rôle prépondérant dans le déroulement de l’intrigue. De la même manière, le réalisateur n’a pas lésiné sur les scènes de combat, élément essentiel d’un film sur François Vidocq, et celles-ci sont techniquement très réussies. Pour n’en citer qu’une seule, celle de l’ultime affrontement ayant lieu dans une cathédrale est particulièrement bien menée.
Toutefois, si ces confrontations sont techniquement impeccables, elles peuvent se révéler plus violentes et sanguinolentes que nécessaire. Comme évoqué précédemment, le réalisme du film est bien maîtrisé et si ce film a pour vocation de toucher un large public et de faire connaître le personnage de Vidocq, il ne s’agit pas de la bonne stratégie. Il semble évident que de nombreuses familles vont être rebutées par l’interdiction aux moins de seize ans. L’argument selon lequel le film se veut le plus réaliste possible n’est pas défendable car, avant de finalement mourir, le duc de Neufchâteau reçoit plusieurs balles ainsi que des coups d’épée et de poignard afin de susciter l’empathie du spectateur. De plus, il ne s’agit pas de l’unique problème du film, le principal étant le personnage de François Vidocq. Dans l’œuvre de Richet, il est tout d’abord motivé par sa lettre de grâce mais est ensuite animé par une volonté de rendre Paris plus sûre. De la même manière, il affirme aux criminels qu’il est parvenu à capturer qu’il n’avait jamais « balancé » et qu’il ne faisait qu’un travail de détective. Or, au vu des éléments biographiques connus sur Vidocq, cette vision semble idéalisée. En effet, Vidocq se met au service de la police uniquement par intérêt et, avant d’atteindre la fonction d’enquêteur, effectuera les tâches peu nobles de « mouchard » et d’« indic », tâches peu compatibles avec le code d’honneur des bandits et avec la loi du silence.
En outre, sa romance avec Annette est amenée de façon très maladroite au travers d’une ou deux scènes uniquement et, une fois encore, ne colle pas avec le caractère du personnage. Ainsi, cette relation paraît artificielle et ne suscite que peu d’empathie chez le spectateur. Cette sous-intrigue peut être rangée dans la même catégorie que la quête de la Légion d’Honneur de Monsieur Henry, le chef de la brigade de sûreté, car celle-ci n’a rien à voir avec l’intrigue principale et n’est qu’un prétexte pour introduire les milieux sociaux supérieurs. Un autre élément superflu est la baronne Roxane de Giverny, un personnage venant d’un milieu très modeste qui devint riche et noble grâce aux actes discutables de Maillard. Elle a une influence disproportionnée sans raison apparente et elle semble être très importante pour Vidocq alors qu’une fois encore, leur relation n’est pas du tout développée.
Ainsi, malgré un personnage fascinant et une mise en scène de qualité, L’empereur de Paris ne constitue pas un film historique marquant. Le principal frein au succès est la volonté des scénaristes de dénaturer François Vidocq afin d’en faire un modèle, voire un héros alors qu’il ne s’agit aucunement de la réalité historique. De plus, certains éléments sont amenés de manière maladroite et d’autres n’ont pas vraiment de raison d’être, ce qui casse cette immersion qui aurait pu être la plus grande réussite du film. De la même manière qu’Un peuple et son roi, ce long-métrage historique avait le potentiel d’être excellent. Il ne reste plus qu’à espérer que le prochain ne décevra pas !
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