Trois ans plus tard, la situation est toujours aussi incertaine que le 23 juin 2016, au lendemain du vote qui a ébranlé l’Europe. Trois ans de tortueuses négociations plus tard, personne ne semble encore savoir comment le Royaume-Uni va quitter l’Union européenne, le dernier accord ayant été rejeté par l’écrasante majorité des parlementaires de Westminster.
Les partisans du Remain avaient, pendant et après le référendum, averti des conséquences cataclysmiques qu’un départ de l’UE entraînerait. Bien que la plupart des observateurs prévoit un effet délétère sur l’économie d’outre-manche, il convient de relativiser les visions apocalyptiques de certains. En effet, de nombreux économistes, à l’instar de Paul Krugman, les ont critiqués comme étant excessivements pessimistes, épinglant notamment une étude de la Banque d’Angleterre qui prédisait une chute de 3.6 % du PIB. De plus, selon Bloomberg, l’exode attendu des banques Londoniennes n’aura finalement pas lieu à l’ampleur initialement prévue. Il est donc difficile de déterminer l’impact économique direct qu’entrainera le Brexit.
Mais c’est au niveau international que le Royaume-Uni semble avoir le plus à perdre. Certains Brexiteers comme Nigel Farage espèrent que la sortie permettra au pays de reprendre une place centrale, s’ouvrant vers le monde en tant que Global Britannia, en contraste avec la fermeture et les contraintes soi-disant imposées par Bruxelles. Cette nouvelle stratégie globale semble s’articuler autour d’un certains nombre d’axes, la plupart commerciaux. Parmi les plus importants, il y a la supposée “special relationship” entretenue avec les États-Unis. En s’affranchissant de la politique commerciale commune et des ses régulations strictes, beaucoup espèrent pouvoir étendre les échanges transatlantiques, le pays étant déjà le deuxième partenaire européen des Américains derrière l’Allemagne.
De même, le Brexit pourrait être une occasion d’approfondir les liens avec d’autres acteurs économiques, comme la Chine et les pays du Commonwealth. Malheureusement, comme le note Julien Toureille de l’Universite de Montreal, ces espoirs risquent de se briser face à la dure réalité des relations internationales.
Les pays du Commonwealth ne représentent aujourd’hui que 9 % des exportations britanniques contre 44% vers l’Union européenne. Il est clair que même si, comme l’espère l’ancien Foreign Secretary Boris Johnson, les liens se renforcent, ce ne sont pas les anciennes colonies qui pourront prendre une place prépondérante dans les échanges du Royaume-Uni.
Quant à la Chine et les Etats-Unis, les difficultés seront d’une autre nature. Alors que la perspective d’un no deal se fait de moins en moins impensable, le Royaume-Uni est et sera clairement en position de faiblesse lors de négociations avec les mastodontes économiques que sont les deux plus gros marchés du monde. D’autant plus que l’administration Trump ne cache pas son intention de défendre avant tout ses propres intérêts (“America First’’), ce qui s’est vu dans sa politique commerciale vis-à-vis non seulement de la Chine, mais également de ses alliés occidentaux, dont la Grande Bretagne.
De la même façon, comme l’argumente Olga Alexeeva de la revue Diplomatie, la Chine compte aussi “en profiter pour négocier de meilleurs deals et augmenter sa présence économique sur les îles britanniques”. Le Royaume-Uni risque de devoir accepter des conditions défavorables, par exemple en étant forcé de revoir à la baisse ses réglementations alimentaires et sanitaires.
Un pays de 60 millions d’habitants aura certainement moins de poids qu’avait l’Union européenne – un bloc économique avec une population de 500 millions – dans des négociations commerciales. Comme le dit l’ancien premier ministre John Major, le Royaume-Uni n’est aujourd’hui plus qu’une “nation de taille et de rang moyen”.
Les britanniques ont aussi beaucoup à perdre au niveau politique. Un des objectifs des Brexiteers était de réaffirmer la souveraineté du pays, s’affranchir des liens jugées étouffants avec le continent, et ainsi retrouver une plus grande liberté d’action, pour jouer un rôle plus central dans les questions internationales.
Bien sûr, le pays restera une puissance non négligeable sur la scène mondiale, détenant un des cinq sièges du conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies (bien que l’importance de ce dernier est contestable dans un monde ou les actions unilatérales prolifèrent et l’influence des organisations internationales s’amenuise), et, détail non insignifiant, une force de frappe nucléaire. Mais son statut de grande puissance risque néanmoins d’être mis en cause.
Premièrement, en perdant son statut de membre des programmes européens, qu’ils soient militaires, policiers ou diplomatiques, le Royaume-Uni sera privé d’un de ses principaux instruments d’influence au niveau européen et global. Par exemple, le pays risque de voir son accès au bases de données Europol restreint, et de nombreux partenariats, tels que ceux avec la France en développement d’armements, pourraient être mis en cause.
Deuxièmement, le Brexit risque, paradoxalement, de compromettre certains aspects de la relation stratégique avec les États-Unis. En effet, ces derniers, comme le soutient Peter Harris de l’Université du Colorado, ont souvent vu les Britanniques, de par leurs affinités historiques et linguistiques, comme une sorte de “porte d’entrée” vers l’Europe servant leur influence sur le continent. Le Brexit pourrait donc diminuer, en partie, l’importance du Royaume-Uni aux yeux de leurs cousins transatlantiques. L’ancien président Obama avait en effet averti que ce retrait britannique de l’Union européenne mènerait à une “baisse de l’importance stratégique” du pays.
La sortie de l’Union européenne risque donc de comporter de nombreuses difficultés sur le plan international. Coincée entre les géants chinois et américains, l’île pourrait être obligée d’accepter des conditions commerciales très peu favorables. À celles-ci s’ajoutent les coûts stratégiques, de la complication des rapports avec l’Amérique de Trump, aux inquiétudes vis-à-vis de la puissance grandissante de Pékin. Les débats autour du Brexit se sonts souvents distingués pour leur omission de ces sujets, en se concentrant systématiquement sur la relation avec l’Union européenne, en dehors du contexte global. Il est primordial de réaliser les enjeux mondiaux auxquels feront face le Royaume-Uni. Nous sommes bien loin des jours de puissance impériale ou le pays dominait le monde économiquement et commercialement, et ce dernier ne sera plus qu’un pays parmi d’autres, et cela devra être prise en compte par le gouvernement britannique dans sa nouvelle stratégie globale.
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