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Déconnectée des réalités économiques, trop ambitieuse, inefficace…. Les failles de la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) française ne manquent pas. Les rapports se multiplient et une perspective unique semble se dessiner : loin de diminuer, la production de gaz à effets de serre a, bien au contraire, suivi le processus inverse depuis 2015, et ce, en dépit de la signature collective de la COP 21, à la genèse même de la SNBC.

À l’heure des réponses insuffisantes, l’urgence devient un euphémisme. Quant à l’héritage laissé aux générations futures, il s’étiole jusqu’à peau de chagrin. Alors même que la satisfaction entière des Accords de Paris (2015) ne suffirait pas à réduire suffisamment l’augmentation de la température globale et d’ainsi limiter la hausse de cette dernière à 1,5°C, quelle légitimité accorder à une stratégie incapable de se conformer tant aux exigences des accords en question qu’à la rigidité de notre système économique ? Dans un contexte de vives tensions sociales où sentiment d’injustice et ras-le-bol général se mêlent, l’exécutif peine à verdir son mandat, se contentant ainsi d’une planification vague et, in extenso, obsolète. En effet, sitôt la première tranche budgétaire du financement de la transition écologique achevée, se bâtit, dans la foulée, une seconde, censée tendre vers davantage de réduction d’émissions… sans plus de résultats néanmoins. L’échec nous interroge collectivement : est-il le produit d’une incapacité inhérente aux acteurs en quête lucrative de se plier aux attentes imposées ou à un manque de volontarisme de la part de l’État ? Sans nul doute, il apparaît comme la conjugaison de ces deux facteurs : telle une pièce à deux faces, le financement d’une croissance verte et soutenable doit sa perte tant à l’égoïsme de la sphère privée qu’aux insuffisances du public.

 

En témoigne, en premier lieu, la recrudescence surprenante d’une politique de financement massif des énergies fossiles, connues pour leur forte empreinte carbone, matrice du dérèglement climatique. Quand depuis 2011 une baisse des moyens alloués à ce secteur semblait s’amorcer, avec notamment une transition budgétaire de 81 à 65 milliards d’euros (2011-2014), l’année 2015, pourtant charnière en matière de lutte contre le réchauffement climatique, brisa net les efforts entretenus durant les trois années précédentes. Plus encore, elle marqua une nouvelle augmentation des fonds distribués, portant ces derniers à 73 milliards d’euros en 2017, retrouvant ainsi les niveaux de 2012 – et ses inconvénients. L’hypocrisie gouvernementale atteint finalement son paroxysme, quand en éludant les propositions de la SNBC, apparaît dans le volet « Production de l’énergie » la nécessité d’«éviter les investissements dans de nouveaux moyens thermiques à combustible fossile qui seraient inutiles à moyen-terme compte tenu de la croissance des énergies renouvelables ». Recette macronienne élémentaire : derrière les discours révolutionnaires sur le monde de demain et ses changements profonds se profile un néo-conservatisme écologique où le status quo devient la règle et la détérioration de l’environnement, une habitude. Pourtant, dans ce jeu politique, nul ne sort gagnant, pas même le monde économique. En filigrane, la montée des investissements – en gaz et charbon – guette, et la balance commerciale, elle, plonge avec un poids de 39 milliards d’euros de déséquilibre.

En contrepoint, les investissements en faveur de la décarbonation de l’économie s’amplifient certes, mais le compte n’y est pas. L’Institut de l’Économie pour le Climat rappelle ainsi que la satisfaction des ambitions de la SNBC nécessiterait entre 10 et 30 milliards d’euros d’investissements supplémentaires par an. Ce qui reviendrait, en considérant la fourchette haute, à conduire une augmentation de plus de 42% par an des financements en jeu, sachant qu’en 2017, ces derniers atteignaient 41,2 milliards. En d’autres termes, il faudrait, a minima, porter les investissements pour décarboner le système économique au même niveau que le montant accordé aux investissements dans les énergies fossiles. Au vu de la trajectoire actuelle, nous traitons davantage de chimères que de potentialités.

Pire encore, plus les années passeront, plus le retard pris sera conséquent et la possibilité de le rattraper, réduite. Les 30 milliards d’euros nécessaires en supplément par année seront autant de deniers publics à réinjecter à l’avenir. Or, rien dans la nouvelle perspective proposée dans la deuxième tranche budgétaire (2019-2023) ne laisse présager d’un tel volontarisme… D’autant qu’une partie des fonds déjà alloués, bien qu’utiles au processus général de transition, n’offriront guère une alternative au tout-carbone. En effet, sur les 41,2 milliards en question, 5 milliards, soit plus de 10% du montant total, sont de facto réservés au financement des énergies renouvelables, alors même que le mix énergétique français, du fait de la prédominance du nucléaire, se trouve déjà être largement décarboné.

En contrepoint, nombre de secteurs manquent cruellement d’un engagement étatique plus important. Il en va ainsi de l’investissement dans la production de véhicules bas-carbone – dénomination regroupant à la fois les véhicules électriques et les véhicules catégorisés hybrides – autant que de la rénovation thermique des bâtiments. Si tous deux connaissent un écart considérable entre les investissements documentés et ceux nécessaires, c’est bien le secteur de la rénovation qui doit tirer la sirène d’urgence. Avec un différentiel de près d’une dizaine de milliards d’euros, la demande presse et cristallise tant les attentes de parts importantes de la population, dont certaines font face à une précarité quotidienne due au mal-logement, que de l’ensemble de cette dernière par l’enjeu climatique que représentent les passoires thermiques et autres défaillances liées au bâtiment.

Une question fondamentale se pose alors. Pourquoi ne pas réattribuer une partie des fonds destinés au financement des énergies fossiles à ces secteurs prioritaires ? Pourquoi ne pas maîtriser, une bonne fois pour toutes, l’influence des lobbies et laisser l’intérêt général s’arracher des griffes de ses détracteurs ? Une politique plus juste serait ainsi à l’œuvre, privilégiant la protection des citoyens et la préservation des générations futures.

Et si, pour une fois, le réalisme résidait non pas dans un maintien d’une situation intenable, dont le sens nous échappe collectivement, mais, a contrario, dans l’innovation ? Ne tient qu’au gouvernement et à ses supposées visions avant-gardistes de nous en donner la preuve, si tant est qu’il accepte d’introduire des mesures inverses à celles actuellement déployées. Que ses calculs politiques l’y conduisent ou non, son devoir envers l’avenir l’exige. Car le moment T, celui de la rupture, celui de la désillusion, de l’irréversibilité, approche à grands pas. Mais le miracle, lui, ce deus machina, tant attendu dans toutes les productions cinématographiques contemporaines, n’apparaitra guère. Et ce n’est pas une énième part de SNBC qui le remplacera.

 

Cover Photo: © Eco Tree

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Dorian Burnod

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