Son jeune âge n’a pas dissuadé Guetwendé Romaric Compaoré de vouloir aider son village, Yakin. Symptômes : sécheresse ; pauvreté ; accès restreint aux soins et à l’éducation ; agriculture limitée à la saison des pluies car irrigation réduite en saison sèche. Diagnostic : Yakin souffre d’un déficit en eau, la source même de tous ses problèmes. Pour résoudre ce problème, il y a trois ans, l’élève en première au Lycée international de Ouagadougou crée le Yakin Water Tower Project, une association s’attachant à lever des fonds dans le but de construire un château d’eau. Nous avons rencontré Romaric Compaoré, initiateur de ce projet, aujourd’hui étudiant en deuxième année du programme Europe-Afrique de Sciences Po et titulaire de la bourse Mastercard.
- Développer l’agriculture et endiguer le terrorisme
“Yakin reste mon village même si je n’y ai jamais vécu. Chez nous, on retrace nos origines à un village donné. Mon grand-père y a vécu. Ce sont mes racines. Mais la première fois que j’y ai mis les pieds, j’avais 15 ans. Je suis né et ai grandi à Ouagadougou”.
Yakin se situe au sud de Ouagadougou – la capitale burkinabè – dans la région du Centre-Sud. La route goudronnée la plus proche passe à neuf kilomètres. Aussi, celui qui s’y rend doit emprunter des sentiers rendus impraticables en cas d’inondations. La plupart de ses 700 habitants travaillent dans l’agriculture. Ce schéma reflète la réalité économique du pays puisque le secteur agricole représente 35 % du PIB et emploie près de 82% de la population active à l’échelle nationale. À Yakin, carottes, choux et concombres sont essentiellement vendus sur les marchés locaux. “Les agriculteurs au village auraient assez d’expertise pour satisfaire à la fois la demande locale et extérieure mais ils n’ont pas les moyens financiers de se développer”, explique Romaric. Les cultures du village sont donc en grande majorité vivrières, destinées à la consommation locale. Le seul point d’eau est cependant insuffisant pour répondre aux besoins de tous et la pompe à motricité humaine servant à l’exploiter tombe bien trop souvent en panne. L’agriculture, dépendant de l’irrigation et donc des précipitations, est ainsi limitée à la saison des pluies s’étendant de juin à octobre. Le reste de l’année, la saison sèche marque une interruption critique de l’activité agricole, responsable d’une baisse des revenus et donc de l’incapacité d’avoir un accès décent à la santé et à l’éducation. Romaric a décidé de briser ce cercle vicieux : “Construire une infrastructure garantissant l’accès à l’eau en permanence va contribuer à diminuer notre dépendance aux précipitations et résoudre beaucoup de problèmes de pauvreté, d’accès à l’éducation et d’accès à la santé”.
Si l’objectif premier du projet était de renforcer l’agriculture, un autre volet s’y est ajouté : lutter contre le terrorisme à travers le social. En effet, le pays fait face depuis 2016 à la montée de la menace terroriste, étant devenu la cible de groupes djihadistes opérant dans le Sahel. La dernière attaque remonte au 25 janvier dernier et a causé la mort de dix personnes dans un village du nord du pays.
“Personne de mon village n’a été enrôlé, mais il faut prévenir. Les groupes terroristes recrutent parmi les filles et les fils du pays pour mieux se fondre dans la population et être plus efficace. Ça a commencé au nord du Burkina, ça s’est exporté à l’Est, au Sud-Ouest et même au centre, en plein coeur de Ouagadougou. Le pays a été attaqué. […] Au Burkina et un peu partout, les groupes terroristes recrutent par le social. Le jeune qui est là, qui est désespéré, qui n’a ni travail ni revenus, est approché par ces groupes qui lui proposent ce qu’il n’a pas. Ces jeunes sont désoeuvrés, vulnérables et donc c’est plus facile de les monter contre l’Etat”, explique Romaric. Leur discours revient à dire “L’Etat n’a pas pu faire ceci, l’Etat n’a pas pu faire cela, donc viens avec nous et tu vas l’avoir”.
- The Yakin Water Tower Project : un “devoir citoyen”
Romaric crée son association, The Yakin Water Tower Project, il y a trois ans, alors élève en classe de première à l’Ecole internationale de Ouagadougou. “J’étais un des rares à croire en ce projet au début. Qui va participer à nos activités au Burkina ? Même s’il y a de la bonne volonté, les habitants n’ont pas les moyens de nous soutenir. En premier lieu, je pense que c’est le gouvernement burkinabè qui devrait prendre en charge de tels projets. Le citoyen contribue au développement de son pays à travers l’impôt. L’État est au premier plan : distribuer de l’eau au citoyen, les intrants aux agriculteurs, c’est le minimum… La diaspora a également son rôle à jouer. Chacun devrait s’impliquer à la hauteur de ses moyens. Notre pays fait face à une situation exceptionnelle de terrorisme, aussi en plus de payer leurs impôts, les citoyens devraient contribuer un peu plus de manière exceptionnelle : développer l’élevage et l’agriculture dans les zones à risques, entre autres”. L’étudiant considère donc son initiative comme son “devoir de citoyen”.
Il obtient le soutien de professeurs, dont Madame Sylvie Pauzé, et de l’administration de son lycée. Une fois le statut d’association obtenu, l’équipe contacte des entreprises pouvant réaliser le château d’eau et organise des évènements en partenariat avec le Bureau des Elèves pour commencer la levée de fonds. L’entreprise choisie est burkinabè : “J’insiste beaucoup sur ce point, c’était mon vœu principal”. L’entreprise devait être locale pour que l’argent investi dans ce projet continue à bénéficier au pays via le ruissellement. Entre 9 000 et 15 000 euros sont nécessaires afin de lancer le chantier. Au jour d’aujourd’hui, près de 5 000 euros ont déjà été récoltés. “Les villageois applaudissent le projet, nous envoient toute leur bénédiction pour qu’il se réalise. Mon père me soutient, il est l’interlocuteur privilégié au village car culturellement, les aînés sont plus respectés”. Certains ont cependant douté quant au réalisme du projet : “Concilier études et le Yakin Project leur semblait impossible. J’étais boursier, la priorité allait donc à mes études. Mais l’urgence était réelle. Mon engagement était une motivation supplémentaire”.
Le bachelier décroche ensuite la bourse Mastercard et intègre en 2017 le programme Europe-Afrique de Sciences Po, afin d’étudier les problématiques africaines, rencontrer des étudiants qui comme lui partagent un intérêt pour le continent, et se construire un réseau de futurs acteurs du développement africain. D’autres sciencepistes ont rejoint le projet, des étudiants aux profils et origines variés, ayant l’altruisme et la solidarité comme qualités communes. La marche pour l’eau était leur principale action menée l’année dernière, symbolisant les distances parcourues par les villageois en saison sèche pour se procurer cette ressource. Le principe est simple : tel Francis Joyon, vainqueur de la Route du Rhum 2018 sponsorisé par IDEC Sport ou Geraint Thomas et gagnant du Tour de France 2018 sponsorisé par la Team Sky, chaque coureur participant à la Marche Pour l’Eau devait se trouver des sponsors.
Match de football, dîner caritatif et vente de Tote Bags à 8 euros sont les actions prévues pour ce semestre. Il est également possible de donner directement sur leur compte Go Fund Me si vous souhaitez soutenir cette initiative. L’objectif fixé est de réunir les fonds d’ici la fin du semestre. La construction de l’édifice, qui sera suivie de près, devrait prendre trois mois. Afin d’assurer l’entretien du château d’eau, l’équipe pense imposer une contribution mensuelle de 500 à 1000 Francs CFA (entre 75 centimes et 1,50 euros) par ménage utilisant l’infrastructure. Poursuivre son engagement après la construction du château d’eau coule de source pour l’équipe du Yakin Water Tower Project. L’idée serait ensuite d’aider à perfectionner les moyens de production des agriculteurs et étendre le projet à d’autres villages.
Pour donner au Yakin Water Tower Project : https://www.gofundme.com/yakinwaterproject
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