Mardi, vers 20h15, alors que je faisais défiler mon fil d’actualité Facebook, j’ai découvert une image que nous finirons tous par voir d’ici la fin de la soirée : la cathédrale de Notre-Dame de Paris en proie aux flammes. Je ne sais pas exactement ce que j’ai ressenti. J’étais surprise, triste et je ne réalisais pas vraiment ce qui se déroulait. Toute la soirée, j’ai suivi en direct le live du Monde. Je ne sais pas ce qui m’a conduit à faire cela, j’imagine qu’une part de moi se rendait compte que je vivais un moment important.
Cependant, au fur et à mesure qu’apparaissent des publications sur l’incendie, certaines informations prenaient un goût amer. Si j’écris aujourd’hui, ce n’est pas tant pour partager mon désarroi à la vue de cette partie d’histoire qui partait en fumée, mais plutôt parce que les paroles et actions suite à cet évènement ont réduit l’espoir que j’avais placé en l’humain à un sort similaire.
Ce soir-là, le Président Emmanuel Macron était supposé faire une allocution concernant les mesures liées au grand débat et à la crise des Gilets Jaunes. Suite à l’annonce de l’incendie, il se rend à Notre-Dame de Paris et reporte le discours à mercredi. Je ne rentrerai bien sûr pas dans les théories complotistes, qui voient ici une façon de détourner l’attention et trouvent donc sa décision pertinente. Suite à son discours de mardi soir, mon sentiment est plus partagé. Depuis des mois une partie des français descend dans la rue chaque samedi en revendiquant des réformes ; maintenant qu’elles sont décidées, pourquoi ne pas les révéler ? Bien qu’il explique qu’ “il faut respecter un temps de recueillement et avoir la responsabilité qui s’impose dans ce moment de grande émotion nationale”, l’impression qu’il nous donne et celle de fuir ses propres responsabilités et notamment celles qu’il a envers le peuple français, dont une partie s’impatiente.
Cette phrase s’aligne avec une posture prévalente adoptée dans la couverture médiatique de l’incendie, qui m’a posé problème. Partout dans la presse nationale et internationale, l’événement est couvert de la même façon qu’ont pu l’être les attentats du 13 novembre et bien plus qu’ont pu l’être ceux de Charlie Hebdo, ou n’importe quel attentat dans un pays non-occidental. On parle de deuil, de drame, comme si la perte d’un bâtiment historique était similaire à celle de centaines de vies humaines. C’est un monument historique, certes un symbole religieux et national, mais c’est avant tout un bâtiment : il sera reconstruit, et en parler comme d’une vie humaine à quelque chose d’exagéré, d’indécent.
À 1h du matin, la famille Pinault débloque 100 millions d’euros pour la reconstruction de la cathédrale. De nombreuses familles françaises et internationales suivent cette initiative, tous ces dons réunis montent à 750 millions d’euros. Je ne sais pas si c’est une façon de faire leur publicité et de montrer leur générosité ; un geste stratégique étant donné que ces dons sont déductibles des impôts ; une sorte d’obligation car les autres l’ont fait, ou encore un geste désintéressé, guidé par l’amour porté à l’édifice.
Mais même si faire des dons pour reconstruire est un beau geste, cela montre aussi un sens des priorités navrant. Quand on sait que ces personnes peuvent débloquer autant d’argent sur un coup de tête, on pourrait espérer qu’elles en dédient autant pour d’autres actions, que ce soit pour aider les sans-abris ou l’éducation dans les pays en développement. Le même constat peut être fait en ce qui concerne l’ouverture de la Halle des Blancs Manteaux aux riverains ne pouvant pas accéder à leur logement en leur fournissant lit et nourriture. Leur offrir un endroit où dormir et normal au vu des circonstances, mais étant donné qu’il s’agit d’un des quartiers les plus riches de Paris, ces personnes auraient sans doute pu se nourrir par leurs propres moyens, et ces repas auraient pu être offerts à des personnes dans le besoin.
Quid des pompiers qui se font applaudir par la foule mais qui se feront agressés en intervention dès les prochains jours, comme les forces de l’ordre après chaque attentat. Quid de Christophe Castaner qui rentre à Paris comme si aller voir la cathédrale était plus important que de s’occuper des problèmes actuels en Mayotte, comme s’il ne pouvait pas vivre ces événements aux cotés des Mahorais, touchés au même titre que tous les français. Quid de toutes ces personnalités politiques qui considèrent que cet incendie a regroupé tout le monde, et que la population ne s’intéresse plus à ses divisions, à ses problèmes quotidiens.
Vous l’aurez compris, j’ai été touchée comme beaucoup d’entre vous par cette événement, mais j’essaie de rester rationnelle. Certes, l’édifice est en partie détruit, mais pas le symbole ni l’histoire qu’il représente. Je ne suis pas contre la récolte de dons, ni contre la reconstruction de la cathédrale, ni contre le désarroi d’une grande partie de la population. Je déplore tout simplement la réutilisation de cette incident à toutes les fins possibles, le sens des priorités de certains acteurs et les réactions disproportionnées qu’on a pu observer dans les deux derniers jours.
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Cover Picture: © Geoffroy Van der Hasselt
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