Daniel Da Silva
« Pour la première fois, un grand pays pétrolier partageait la rente pétrolière au lieu de se l’approprier individuellement (…). Ils ont fait des choses extraordinaires pendant toutes ces années. »
Le 30 novembre 2017 sur le plateau de France 2, Jean-Luc Mélenchon vantait la politique sociale et économique d’Hugo Chavez au Venezuela. De quoi irriter les oreilles. Tournant le dos à Laurence Debray et refusant de s’exprimer sur le fond, Mélenchon a prouvé son incapacité à légitimer un régime dictatorial. Retour sur l’illusion de la « révolution socialiste » au Venezuela dans le monde politique français.
Particulièrement populaire au sein de la gauche au début des années 2000, le thème a cessé d’intéresser ses plus fervents supporters en 2017. Pointant un modèle à suivre au plus vite, l’extrême-gauche française soutenait un système fantasmagorique : redistribution économique en échange d’un totalitarisme politique. Mais quelque chose a changé.
En avril 2013, Mélenchon tweetait cela : « Venezuela bolivarien est une source d’inspiration pour nous, nous saluons la victoire de Maduro ». Mais bizarrement face à Bourdin, en avril 2017, il déclarait « Pourquoi, vous journalistes, passaient votre temps à m’interroger, moi et ma famille politique, sur le Venezuela ? »
C’est à en perdre la tête. Sans jamais le condamner clairement, l’extrême-gauche française n’assume plus le régime vénézuélien.
« Regardons la réalité telle qu’elle est » (Adrien Quattenens, 1er août 2017)
Qu’à cela ne tienne. La décadence du Venezuela commence à partir de l’élection d’Hugo Chavez. Avant, tout allait pour le mieux. Les années soixante fondent quarante ans de démocratie. Trois partis politiques s’échangent le pouvoir : la « Démocratie chrétienne », « l’Action Démocratique » et le « Mouvement Socialiste » respectivement de droite, centre-gauche et gauche. Cette période inscrit une forte croissance économique pour le pays, s’imposant comme modèle démocratique en Amérique du Sud. Néanmoins, ces quarante années marquent aussi l’hégémonie d’une classe politique dominante qui n’intègre pas la jeunesse. Le renouvellement politique est bloqué, créant un dégoût profond chez les jeunes. Hugo Chavez saisit alors l’opportunité de sa vie.
« Il y a une politique redistributive très forte et cela nous a inspiré. Hugo Chavez est une source d’inspiration pour nous » (Adrien Quattenens, 1er août 2017)
Observant ce dégoût s’installer, il rate deux coups d’Etats, en février et novembre 1992 et est emprisonné dans la foulée. Il inspire un renouveau politique avec une notoriété antisystème, populiste dira-t-on aujourd’hui. Ce moment est le grand basculement. Chavez est élu en 1998 avec une abstention très forte mais une majorité incontestable. A peine arrivé, il étouffe la séparation des pouvoirs, s’inspire de l’Union Soviétique et de Cuba pour installer un capitalisme d’Etat et créer l’illusion d’une politique redistributive juste. Les nombreux plans sociaux mis en place par Chavez étaient de très mauvaise qualité et accessibles uniquement à ces électeurs. De telle sorte que le slogan « Chavez a sorti des millions de personnes de la pauvreté » est faux puisque ceux qui en ont profité sont encore pauvres aujourd’hui. Les plans sociaux n’étaient que des façades légitimant un pouvoir totalitaire qui en réalité gardait les recettes publiques pour lui-même. Que reste-t-il de la politique sociale de Chavez ? Encore plus de pauvreté.
Refusant de diversifier son économie car idéologiquement opposé au capitalisme mondialisé, le pays s’engouffre dans la dépendance pétrolière et est frappé de plein fouet par la crise de 2008.
La grande erreur de la démocratie vénézuélienne ? Avoir laissé ses droits politiques à un militaire ayant voulu prendre le pouvoir par la force.
« On n’a pas d’un côté un camp qui mate son peuple, ça c’est pas vrai. On a une confrontation politique forte et une opposition qui est notamment aidée par l’international. Vous allez voir ce qu’on est en train d’organiser, on est en train de faire croire que c’est Maduro qui est responsable de la crise économique et bientôt vous verrez Trump intronisé comme sauveur économique de ce pays » (Adrien Quattenens, 1er août 2017)
En 2013 Chavez décède et désigne Nicolas Maduro comme successeur légitime. Pour une fois, Adrien Quattenens a raison : Maduro n’est pas le seul responsable de la crise économique. Il n’en est que le pantin. Ne vous y trompez pas. Il n’a fait que reproduire ce que Chavez lui a montré mais en durcissant la répression politique et en diminuant les plans sociaux. Ne pas changer de cap pour foncer droit dans le mur. Une hyperinflation atteignant plus de 3000%, une pénurie de médicaments, des importations inexistantes et une panne d’électricité quotidienne, tout cela explose pendant le mandat de Maduro. Cependant, Trump n’est pas encore venu « sauver » l’économie vénézuélienne. Pas sûr qu’il vienne un jour.
Refusant de reconnaître le président de l’Assemblée, Juan Guaido, comme légitime président par intérim, puisque que sa réélection ne fut pas reconnue internationalement, Maduro commet, encore une fois, une violation de la Constitution. Mais pour légitimer sa répression politique, il dénonce la violence de l’opposition. Evidemment.
« Nous avons au Venezuela une opposition barbare. Barbare ! » (Jean-Luc Mélenchon, 30 novembre 2017)
C’est l’argument le plus fallacieux que l’on puisse faire. Accuser l’opposition d’avoir délibérément assassiné 120 de ses propres militants lors des manifestations anti-gouvernement, en 2017, est tout simplement faux. C’est le régime lui-même qui engage des groupes paramilitaires, appelés « colectivos », pour traquer, emprisonner et « neutraliser » cette même opposition.
Propager des mensonges sur une opposition persécutée alors qu’elle-même se plaint d’être poursuivie en France pour « rébellion » et « acte d’intimidation » est très paradoxal de la part de l’extrême-gauche française. En vérité, elle rêve d’être considérée comme l’opposition vénézuélienne, victime d’une répression politique. Mais elle est incapable, aujourd’hui, de reconnaître qu’elle a soutenu un régime responsable de son autodestruction à cause d’un système qu’elle a plébiscité.
Il n’est jamais trop tard.
En attendant mieux vaut regarder « la réalité telle qu’elle est ».
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