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Depuis 7 heures, mardi 5 novembre 2019, les Norvégiens peuvent consulter, en toute légalité, une partie des registres de l’Office des impôts et se renseigner sur la fortune de leurs voisins ou les revenus touchés par leurs collègues en 2018. La transparence comme fondement de la société avec un objectif simple : décomplexer son rapport à l’argent. Alors qu’aux Etats-Unis l’accumulation de capital est symbole de succès et réussite sociale, en France l’argent suscite jalousie et mépris. La Norvège semble avoir créer un juste milieu entre vantardise et honte. Tout cela grâce à la transparence. Quel miracle !

En réalité, la transparence ne fait que rendre public les informations privées. La France, les Etats-Unis et la Norvège ont bien sûr un rapport différent à l’argent car ces pays ont des règles juridiques, un contexte socio-historique et surtout une culture différente. Ainsi, la Norvège est souveraine de sa politique afin d’atteindre la stabilité. Si elle souhaite élever la transparence totale au rang d’idéal sociétale, grand bien lui fasse. Cependant, cela serait complètement inadapté et inefficace en France pour une raison simple : le complexe de la France envers son argent est en réalité sa force.

Contrairement aux Etats-Unis, la France est un pays complexé par son argent. Complexé par le regard des autres qui jalouse une fortune personnelle. Cependant c’est une force car il empêche qu’il soit le moteur principal de réussite. En effet, il est assez mal vu en France d’exposer sa fortune surtout par peur d’être considéré comme avare et égoïste. Tout le contraire de la culture américaine. Or, il est alors évident que l’argent n’achète pas le bonheur. En effet, selon le Paradoxe d’Easterlin, une hausse du Produit intérieur brut (PIB) ne se traduit pas nécessairement par une hausse du niveau de bien-être ressenti par les individus.   Ainsi, l’argent n’est plus le principal moteur de réussite. Souvent ce complexe peut paraître superficiel voire hypocrite, cependant il est intimement lié à notre modèle social.

George Simmel, dans Philosophie de l’argent, écrit que l’argent est le fondement de toute société moderne mais qu’il ne crée qu’un seul niveau de réalité sociale. De même Charles Péguy montre dans L’Argent que celui-ci est responsable du malheur populaire, qu’il étrangle le peuple car la libération des forces économiques soumet désormais le travailleur à des mécanismes qui rompent sa quiétude d’antan.

Loin d’être aussi extrême, le tabou français sur l’argent démontre qu’il est possible de fonder une société sans qu’elle soit, ostensiblement, sur l’argent. L’étendue et l’efficacité de notre sécurité sociale prouve qu’une société peut être construite sur les valeurs de la solidarité et l’entraide. Étant souvent davantage de la fausse modestie qu’un réel tabou sur le rapport à l’argent, ce complexe empêche l’excès américain et sa démesure. Montrant un équilibre entre fierté, mérite et ostentation, le rapport français à l’argent est souvent décrit comme infantile, naïf et agressif alors qu’en réalité il fonde une transparence personnelle. Chacun est libre, à sa guise, de dévoiler ou non ses revenus.

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Daniel Da Silva

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