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Alors qu’Emmanuel Macron déclarait il y a quelques semaines que « l’OTAN est en état de mort cérébrale », la question de la défense européenne est une nouvelle fois posée. Certes, Donald Trump a servi d’électrochoc à une Europe de l’Ouest endormie, trop sûre de ses acquis en matière de défense. Sa constante accusation d’un manque de participation au système de “burden-sharing” mis en place au sein de l’OTAN a notamment permis de rappeler aux Européens la fragilité de leur défense, celle-ci reposant sur une puissance étrangère de moins en moins encline à supporter cette charge. Toutefois, cette question de défense n’est-elle pas en réalité qu’un élément d’une question qui serait plus globale, celle de la construction européenne dans son ensemble ?

Pour Denis Mercier, ancien commandant de la Transformation de l’OTAN, la prochaine guerre froide aura lieu entre les Etats-Unis d’un côté, et la Chine de l’autre. On peut dès aujourd’hui prédire que cette nouvelle guerre froide, dont les prémices sont déjà perceptibles, aura pour élément commun avec celle d’après-guerre la place inexistante de l’Europe, prise en sandwich entre deux superpuissances, incapable d’avoir la crédibilité et la puissance qui lui permettrait de compter. En effet, le Vieux continent, séparé en deux durant un demi-siècle, n’a su que rarement suivre sa propre voix et assumer seul son destin, comptant d’un côté sur les Etats-Unis, de l’autre sur l’URSS. Cependant, cette situation n’est pas une fatalité. L’Europe, première puissance économique, peut réagir en repensant notamment toute son organisation.

Une Europe fédérale permettrait d’affirmer sa place dans l’échiquier international. [Cependant, pour quoi faire ? Comme dans toute politique, le but recherché doit être indiqué clairement dès les débuts du projet. L’Europe des peuples qui se tiennent main dans la main dans le but de créer un monde meilleur est alléchante, mais pas très prometteuse. A l’inverse, l’Europe des peuples qui s’unissent pour défendre leurs intérêts et promouvoir un modèle politique semble plus concret.] En effet, l’Europe des nations que les précédentes générations ont connues a permis la reconstruction d’après-guerre, le maintien de la paix entre ses membres et la création alors inédite du premier espace d’échange au monde. Mais la dernière étape d’intégration de Béla Balassa, économiste hongrois, doit prendre forme à présent ; après l’intégration économique, place à la réelle intégration politique. En effet, comment défendre les intérêts européens lorsque les pays agissent de manière désunie, sans voix claire et légitime pour les représenter dans leur ensemble. Le résultat en est brouillon, et dessers les pays de l’Union. La gestion de crise de 2008 en est un exemple, avec des politiques budgétaires menées séparément et qui n’ont eu pour effet que d’affaiblir  les tentatives de reconstruction économique des pays européens. L’Europe du sud est déjà une proie accessible pour des puissances comme la Chine. Que l’Allemagne ou la France veulent résister, c’est bien, mais à quoi bon si ce n’est pour se retrouver à deux autour de la table ?  

La question qui suit est à quoi doit ressembler cette Europe politique. Elle doit avoir un représentant fort et légitime. L’Europe des nations a longtemps été préférée à l’Europe unie. Au sein de chaque Etat nouvellement fédéré, des régions seraient dessinées à partir des découpages administratifs déjà existants. Chaque Etat fédéré aura son président, représentant de l’unité de l’Etat et donc de ses régions, et chargé de coordonner les politiques entre celles-ci. Aux Etat fédérés la charge de s’occuper des affaires intérieures, de l’éducation primaire, de la culture ou encore de la justice. A l’Etat fédéral de s’occuper des affaires internationales, de la monnaie et des affaires économiques, de l’armée et de l’union des Etats fédérés. Les chefs d’Etat étrangers ne s’adresseraient pas au Président de la République française, pays de 60 millions d’habitants, mais au représentant des Etats unis d’Europe, regroupant près de 600 millions d’habitants, première puissance économique au monde. Avec un budget européen, la défense pourrait être correctement assurée, mais surtout la souveraineté européenne écartée de danger. Denis Mercier, fort de son expérience au sein de l’OTAN, indiquait récemment que les prochains enjeux en matière de défense sont dès à présent la cyberguerre, mais aussi et peut-être surtout la guerre spatiale. Or, un « ticket d’entrée » excessivement élevé fait qu’aucun pays européen n’a encore eu accès aux technologies suffisantes pour peser dans cette guerre. Les Etats-Unis, la Chine, la Russie et même l’Inde l’ont. Pas l’Europe. Vendre des avions d’assaut est bien, mais ne suffit plus pour assurer la sécurité et avoir un déploiement armé pertinent. Le budget européen le permettrait.

A ceux qui objectent que les barrières culturelles, linguistiques ou même historiques empêcheraient cette construction, un autre argument leur serait répondu. En France, les régions telles que la Bretagne, l’Alsace ou la Provence n’avaient ni langue, ni culture, ni histoire commune avant l’unification du territoire au XIXème siècle selon l’historien E.Weber. Une intégration européenne n’est pas forcément synonyme d’acculturation des peuples. Rien n’empêche la préservation des spécificités de chacun.  Toutefois, l’objectif de l’Europe doit avant tout être l’intérêt commun est la défense des intérêts souverains et des valeurs démocratiques et libérales partagées.

Enfin, il y a trois principaux enjeux pour notre siècle : l’écologie, la souveraineté numérique et le maintien de nos valeurs démocratiques. Aucun de ces enjeux ne peut se relever sur le long terme à l’échelle des nations. Il est difficile d’imaginer comment l’Estonie pourrait  se défendre face à une entreprise du numérique dont le profit surpasse les recettes de celle-ci. De même, il est compliqué de penser que la France peut peser de manière déterminante dans la lutte contre le dérèglement climatique hormis en organisant des conférences dont la ratification est remise en cause sitôt qu’un nouveau président est élu dans un des pays signataires, ou même peser dans le respect des clauses prévues.  Ainsi, la réponse paraît simple : s’unir pour être plus fort. Une des limites à ce projet pourrait être le changement d’échelle des relations internationales. Si les nations de chaque continent s’unissaient, les relations géopolitiques en seraient modifiées, et l’escalade vers une guerre mondiale potentiellement beaucoup plus rapide. C’est pour cela que la coordination doit également continuer d’exister, avec des institutions comme les Nations Unies. L’Europe fédérale pourrait seulement mieux défendre ses peuples.

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Thomas Blanda

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