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Martin Eden : un voyage à l’intersection du rap et du roman

By February 11, 2020No Comments4 min read

Ce nom vous dit quelque chose ? Le premier titre de Nekfeu dans son album Feu sorti en 2015 ? Pour ma part, c’est là que je l’ai entendu pour la première fois. Ce morceau aux paroles percutantes, évoque sans faux-semblants la montée en puissance de l’artiste dans l’industrie du rap. Il n’hésite pas à mettre en lumière la face cachée de l’iceberg en évoquant les violences symboliques qui accompagnent la réalité des inégalités sociales. En écho au titre Started From The Bottom rappé deux ans plus tôt par Drake, ce topos de l’ascension sociale ne semble pas avoir épuisé toutes ses ressources. Par ailleurs, on retrouve dans ses paroles le bon sens d’une personnalité entourée qui, en toute humilité, explique avancer avec les siens. Si dans ce titre, il utilise une métaphore maritime « On embarque tout l’équipage ou le bateau ne part pas », il prononcera dans Sous les nuages, issu de son dernier projet intitulé Les étoiles vagabondes, une métaphore aérienne : « J’ai la fusée mais j’repars pas sans les miens (Paris Sud) ». L’élévation n’a pas la même valeur lorsqu’elle n’est pas partagée. Le voyage est physique mais aussi intérieur. Il acquiert à ce titre une toute autre dimension. Lorsqu’il s’agit de voyager d’une classe à une autre, certaines compétences sont mobilisées plus que d’autres. Les manières, la gestuelle, le langage, mais aussi la répartie, sont autant de marqueurs sociaux qui peuvent différer d’une sphère à l’autre. Nous en revenons à ce nom. Dans le couplet 1, Nekfeu nous livre : « Mais plus je monte et je plus j’m’identifie à Martin Eden ».

Martin Eden n’est autre que le titre éponyme du roman best-seller de l’auteur américain Jack London. Sujet politique et social empreint de marxisme, son récit relate l’histoire d’un matelot frappé par l’amour qu’il éprouve pour une jeune femme d’un « autre monde », Ruth Morse. L’univers de la bourgeoisie, des lettres et du beau le met face à une altérité qui le révèle à une partie de lui-même dont il ignorait totalement l’existence. Cette possibilité d’être étranger à soi et de se vivre comme tel, constitue alors une source d’introspection à la fois déroutante et constructive. Martin Eden est dépeint comme un homme simple, mais à qui London s’attache à attribuer une sensibilité qui le distingue des autres. Un trait de personnalité unique qui le poussera à dépasser sa condition première. Ce dernier ouvre une boîte de Pandore. Il développe une forme de passion amoureuse voire métaphysique pour Ruth et ce qu’elle représente, la connaissance et finalement l’écriture (dur de savoir quand tout finit par se mélanger). Les avis se divisent quant au processus par lequel émane le talent et ce, au même titre que la dispute sur l’origine du génie. D’où vient l’inspiration? Foudre divine ou expérience du travail acharné ? Si Kant affirme que le génie est un don naturel, pour les Parnassiens, qui rejettent toute forme de lyrisme, le culte du travail prime. Le fait est que nos deux écrivains, à force de charbonner, ont fini par atteindre des sommets vertigineux. Je n’en dévoilerai pas plus sur l’oeuvre de Jack London pour ne pas vous gâcher le plaisir de ce voyage d’environ 500 pages. 

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Jane Weber

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