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Robert Lucas said that « once you start to think about growth, it’s hard to think about anything else ». Well, my problem is not growth (at least not instantly). It’s time.

A notre âge, on nous dit souvent de profiter de l’instant, de cueillir le jour. Que ce sont les plus belles années de nos vies et qu’il nous faut les apprécier à leur juste valeur. Mais énoncer ces choses ne me les rend que plus difficiles à réaliser.

Je suis tenaillée par la conscience que chaque instant que je vis est unique, que je dois m’en saisir et en faire une chose utile. Talonnée par le fait que, quoi que je fasse, je vieillis. Chaque moment qui passe marque mon corps et mon esprit irrémédiablement. Il me semble pourtant terrible d’avoir ce genre de pensée à dix-huit ans, mais mon esprit ne me laisse y échapper. Cette obsession du temps qui passe et du profit que j’en tire me suit jusque dans mes moments intimes, mes secondes de bonheur. Depuis que je suis partie de chez moi, je ressens quand je rentre comme le besoin de recharger une jauge, de faire le plein de ma famille, de me remplir d’eux avant d’en être de nouveau séparée. Car plus la vie avance, moins de temps il me reste avec eux.

Mais même lorsque je parviens à vivre vraiment, à ressentir l’amour et la joie, cette pensée que tout n’est qu’éphémère me rattrape et m’emprisonne. Au lieu d’embrasser mes sensations, d’enlacer ces quelques instants si précieux, je m’éclipse hors de mon corps et observe comme de l’extérieur la fugitivité de ce qui est vécu. « Dans quatre secondes, ça n’existera plus, et je serai vide de nouveau. »

L’existence redevient fade, sans intérêt. Cet objectif que beaucoup ont de réaliser quelque chose, de laisser une trace d’eux, de « trouver un sens à leur vie » nait d’une considération exagérée pour le futur, qui peut parfois faire oublier le présent. Moi, au contraire, je vis dans le passé. Dans mes souvenirs, qu’ils datent d’il y a trois secondes ou trois années. Et mon seul but est d’en construire de nouveaux, de créer et recréer les conditions propices à leur formation. Je veux atteindre cet état de plénitude dont nous parlent les livres : cet état de pure concentration, de consécration au moment. Le suis-je actuellement, quand j’écris ceci ? Il me semble que je l’étais, jusqu’à ce que je le réalise. C’est comme si se rendre compte de notre bonheur nous faisait passer de l’actif au passif, et l’éloignait de nous. A présent, me replonger dans cette présence consciente relève du but et non plus de la réalité.

Où est la solution en ce cas ? Dois-je la chercher dans le conscient ou l’abandonner dans l’espoir qu’elle vienne d’elle-même ? Oublier ces préoccupations est tentant, mais réalisable, je n’en ai aucune idée. Peut-être que c’est juste une chose dont je suis incapable. Que c’est pour cela que j’aime tant la lecture : parce qu’elle me procure quelques instants hors du temps, où toute idée de sablier me quitte et où je suis entièrement dédiée à ce que je fais, qui est précisément ce que je ne vis pas. Les rêves et l’imagination sont mes plus douces échappatoires, et les seuls endroits où je ne sens aucun poids peser sur mes perceptions. Est-ce donc cela, ma malédiction ? Exister en dehors de ma vie, la regarder d’ailleurs et tenter désespérément d’y entrer, ne serait-ce que pour quelques secondes….

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Eve Robert

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