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Homo sapiens numericus, homo sapiens technologicus, homo sapiens technicus … De nombreuses dénominations viennent mettre depuis plusieurs années en évidence l’ampleur de la transformation que la technologie moderne a opéré sur notre civilisation. Une interrogation reste en suspens, il s’agit de déterminer si cette transformation est positive ou négative. Mes maigres réflexions sur le sujet m’ont amené à considérer que l’impact moyen est négatif.

Ce que certains qualifient aujourd’hui d’outils extraordinaires -j’entends par là Internet, les réseaux sociaux, les Private Computers et consorts- me semblent plutôt être des pièges dans lesquels nous avons sauté à pieds joints. De nombreuses études évoquent des parcelles des conséquences de ces « outils » : forte densité d’information, désintérêt pour les activités manuelles, addiction aux écrans et au contenu, modification (pour de pas dire diminution) des interactions entre humains, … La liste est loin d’être exhaustive ! Ces transformations, toutes bien considérées, font elles augmenter notre indice de bonheur ? Sont-elles positives ? Non ! Plus que jamais l’accès facilité à l’information rend notre génération procrastinatrice. Tout effort est annihilé, tout est servi sur un plateau d’argent si bien que la culture générale -considérée dans l’ensemble de la population- a baissé. La virtualité de ce Nouveau Monde nous pousse chaque jour à nous replier sur nous-même, à mettre nos écouteurs et à parcourir nos trajets le regard rivé sur l’écran de nos smartphones. Faites l’effort de résister à la tentation et vous commencerez à redécouvrir le monde qui vous entoure, à l’apprécier jusque dans des détails que vous n’auriez jamais pensé saisir. Vous rencontrerez tant bien des humains qui vous en apprendront bien plus que des articles de presse mais aussi des paysages eux même explicites. Nul besoin d’avoir dix ans de sociologie derrière soi pour constater l’assèchement des sols et la chute libre de la biodiversité.

Ce propos introductif est nécessaire pour mieux comprendre le sujet de cet article. Il permet de mettre en évidence le changement d’état d’esprit qui s’est opéré et d’ouvrir les yeux sur les réalités qu’il dissimule. Au-delà du tribut interactionnel qu’il exige, l’amende écologique à payer est considérable. En avons-nous conscience ?.

En 1979, le rapport Charney, ordonné par le président Jimmy Carter, se retrouve dans le bureau ovale sous les yeux de son successeur Ronald Reagan. Dans son préambule, on peut lire les paragraphes suivants:

“We now have incontrovertible evidence that the atmosphere is indeed changing and that we ourselves contribute to that change. Atmospheric concentrations of carbon dioxide are steadily increasing, and these changes are linked with man’s use of fossil fuels and exploitation of the land. Since carbon dioxide plays a significant role in the heat budget of the atmosphere, it is reasonable to suppose that continued increases would affect climate.”

“If carbon dioxide continues to increase, the study group finds no reason to doubt that climate changes will result and no reason to believe that these changes will be negligible.”

“A wait-and-see policy may mean waiting until it is too late”

Quarante-et-un an plus tard, la situation n’a guère évolué, sinon que l’évidence est plus grande encore. Non seulement l’administration américaine n’a rien fait, mais ses consœurs les nations du monde n’ont guère fait mieux ! Il faut cependant relativiser sur l’impact de ces administrations : nous sommes responsables de cette situation. Le confort de notre mode de vie justifie notre complaisance à l’égard de ce néant d’action. Si constater est une chose accessible à tous, même aux plus désintéressés, agir l’est beaucoup moins. La décroissance, la transition écologique et la fin du productivisme sont tant de choses que nous redoutons ! Par ailleurs, les initiatives que nous soutenons sont-elles toujours les bonnes ?

Prenons l’exemple de la fin de l’ère des moteurs thermiques, plus ou moins théorisée pour 2040. Elle repose sur un constat indéniable : le moteur thermique pollue et les stocks de pétrole s’épuisent.  Cette pollution se mesure en émissions de CO2 et de NOx. L’homo technologicus, à l’apogée de son art, s’est donc penché sur une alternative : le moteur électrique ! Le remède miracle était tout trouvé. Renault a développé la Zoé, les ventes de Toyota hybrides et de Tesla ont explosé (en particulier dans les milieux aisés) et les états ont commencé à attribuer des primes à la conversion vers ces véhicules. Où est donc l’erreur ? Comme le souligne Guillaume Pitron dans son livre « La guerre des métaux rares », l’Homme s’est souvent retrouvé face à une situation de pénurie. Dans ces instants, au lieu de remettre en question son mode de vie et ses habitudes, il a cherché des alternatives. Conséquence : la remise en question est repoussée encore et toujours, jusqu’au jour où il n’existera plus d’alternatives et où il sera dans une situation plus qu’embarrassante. C’est le cas de la voiture électrique : au lieu de remettre en question les mobilités massives, l’organisation des villes, la centralisation des commerces et des loisirs et l’orchestration des trajets réguliers, on s’oriente vers une nouvelle solution à moyen, voire à court-terme. Dans ce même ouvrage, Guillaume Pitron nous informe du rôle crucial des terres et métaux rares (et notamment du néodyme, jouet favori des pécheurs à l’aimant et des pseudos expériences scientifiques maison) pour le fonctionnement de ces moteurs. Or, comme leur nom nous laisse deviner, ils sont RARES ! Certains composants comme l’antimoine ou le néodyme ont des réserves estimées à 6 ans (croissance du marché de l’automobile électrique considéré). Le lithium, métal semi-rare, principal composant des batteries, a des ressources estimées à 300 ans d’exploitation. L’histoire de quelques générations ! Ce modèle n’est pas viable, surtout si on considère que ces même terres et métaux rares sont utilisés dans les disques durs, les écrans et la plupart des appareils électroniques. Autant dire que l’on fonce dans un mur, certes sans bruit, mais quand même !

Défendre la sobriété numérique et le retour à une vie « comme avant » est souvent jugé comme un geste aberrant, stupide, inconsidéré et nostalgique. C’est pourtant une solution qui, même si elle semble douloureuse, est raisonnable. Un jour ou l’autre, l’homo numericus sera débranché. Il ne suffit pas d’attendre que cette échéance vienne à nous, qui dans notre égoïste Carpe Diem, continuons à nous goinfrer de viande en dépit des rapports du GIEC. Car cette transition concerne avant tout nos descendants. On pourra continuer à dire « Ok boomer » quelques temps, mais on va vite réaliser que le problème, c’est aussi notre génération. Le rapport Charney, précédemment présenté, soulève ces questions intemporelles:

“In order to address this question in its entirety, one would have to peer into the world of our grandchildren, the world of the twenty-first century. Between now and then, how much fuel will we burn, how many trees will we cut? How will the carbon that is released be distributed between the earth, ocean and atmosphere? How would a changed climate affect the world society of a generation yet unborn?”

Nous sommes irresponsables sans en avoir conscience. L’inaction dans laquelle nous nous complaisons est purement égoïste. Souvenons-nous du rapport Bruntland (Our Common Future), qu’il est bon de ressasser encore et toujours :

“Sustainable development is development that meets the needs of the present without compromising the ability of future generations to meet their own needs.”

C’est la SURVIE -je dirai même la VIE- des générations futures qui est en jeu. L’écologie est un enjeu d’aujourd’hui et de demain. Rimbaud lui-même disait que le futur est ce qu’il y a de pire dans le présent. Est-ce ce que nous souhaitons ?

J’ai eu la chance de grandir dans des lieux où la nature est encore prépondérante, où l’Homme est harmonieusement intégré dans le cours des choses. J’ai eu la chance d’avoir un grand-père apiculteur. J’ai vu la population d’abeilles diminuer d’années en années, la diversité des insectes et des oiseaux se réduire et j’ai vu la terre demander à l’aide. Ce n’est nullement de l’arrogance de penser savoir, c’est de la bienveillance. Quand on vit en ville, il est parfois difficile d’observer de tels indicateurs. Notre responsabilité est avérée, pour le plaisir de la métaphore le changement de climat est comme une constitution révolutionnaire, le cours normal des choses s’apparentant à l’évolution d’une constitution qui ne renie pas ses prédécesseures.

S’il subsiste de nombreuses inconnues sur les boucles de rétroaction, nous avons l’opportunité de changer les choses une bonne fois pour toutes à l’issue de cette crise sanitaire qu’est le COVID 19. Le monde comportera toujours en son sein des individus réticents qui prétendent qu’il faut faire les choses progressivement. A la bonne heure ! Mais le temps manque, et les opportunités sont rares.

Tel notre cher président, j’en appelle à votre civisme. Il est de notre devoir de ne plus se limiter à réfléchir, mais d’agir.

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Martin Javerzac

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  • Javerzac florence says:

    Tu as parfaitement raison il est peut être temps que l’on se remette tous en question pour préserver ce que nous avons de plus cher au monde et qui nous fait vivre : la nature
    Je te remercie pour ton article qui m’apprend à mieux te connaître

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