Après le confinement dû à la crise du coronavirus, événement aux conséquences économiques et sociales désastreuses dans de nombreux domaines, la culture doit se trouver “au coeur du plan de reconstruction de notre pays”. Ce sont les mots utilisés par Roselyne Bachelot, lors de son discours de passation avec Franck Riester. Ainsi, la nouvelle ministre de la culture fait du “déconfinement de la culture”, la priorité de son mandat. Elle assure d’ailleurs que “L’urgence absolue en ce début d’été sera d’aider à la remise en route et en état des lieux de culture: festivals, musées, cinémas, monuments historiques”.
En effet, le milieu culturel s’est vu mettre en pause pendant plusieurs mois, jugé inessentiel dans un pays “en guerre” contre le virus. Fermeture des salles de cinémas et des musées, annulation des concerts, festivals et pièces de théâtre… Bien sûr, ces mesures étaient inévitables. Dans la conjoncture sanitaire actuelle, il faudrait être inconscient pour rassembler des milliers de personnes dans une salle de spectacle close. Cependant, ces restrictions nécessaires ont mis en danger de nombreux emplois tout en amenuisant le lien des Français avec la culture.
Depuis le 11 Mai, date du déconfinement, l’activité reprend peu à peu. Mais, entre respect des gestes barrières et réticences de citoyens encore traumatisés par une pandémie qui bat toujours son plein dans le monde entier, comment s’adapter pour remettre la culture au goût du jour? Dans quelles conditions se dérouleront les “vacances apprenantes” souhaitées par Emmanuel Macron?
Afin d’obtenir quelques éléments de réponse, je me suis entretenue par mail avec Muriel Defives, chargée des relations médias du Louvre Lens, un musée emblématique de la décentralisation culturelle, promouvant l’accès à la culture pour tous.
The Sundial Press: Comment le musée s’est-il adapté à la situation sanitaire ? Quelles mesures ont été mises en place afin de respecter les gestes barrières et d’assurer la sécurité de chacun?
Muriel DEFIVES: D’abord, la reprise s’est faite de manière graduelle avec l’ouverture du parc et de la Galerie du Temps le 3 Juin, suivie de l’ouverture de l’exposition temporaire Soleils Noirs le 10 Juin. Le plan de réouverture du Louvre-Lens permet d’assurer une visite dans des conditions sereines, maîtrisées et sécurisées pour le public, grâce à une réouverture progressive et adaptée des espaces, suivant un principe de parcours balisé et en sens unique. La jauge des espaces d’exposition est réduite de façon à respecter une surface moyenne élargie par visiteur (plus de 10 m2 de surface résiduelle par personne).
La capacité maximale fixée pour le mois de juin est de 200 visiteurs dans la Galerie du temps et 110 visiteurs dans l’exposition Soleils Noirs. Qui plus est, les groupes sont limités à 5 personnes.
Evidemment, le port du masque est obligatoire dans tous les espaces du musée et du gel hydroalcoolique est mis à disposition des visiteurs à l’entrée et à la sortie du musée.
Enfin, la pédagogie et l’information des visiteurs sont au cœur du dispositif d’accueil, pour maintenir une expérience de visite douce.
Les témoignages reçus lors de la réouverture révèlent le manque créé par la fermeture du musée :
« Le Louvre-Lens, c’est notre bouffée d’oxygène » (Jean-Claude, visiteur)
« Contempler, rêver, admirer… On attendait ça depuis trois mois ! » (Elisabeth Watine, A2L)
« C’est un grand bonheur, je ressentais un gros manque » (Jacqueline Lequilbec, 71 ans “amoureuse du musée et de la culture” et habituée à venir “une fois par semaine” pour des visites mais aussi des conférences, rencontres, spectacles ou animations)
TSP: La fréquentation du musée est-elle revenue à la normale ? Dans le cas inverse, des mesures spécifiques ont-elles été prises afin d’attirer les visiteurs ?
DEFIVES: La réouverture du musée était très attendue par nos visiteurs qui manifestaient sur nos réseaux sociaux l’envie de se reconnecter à la culture. On observe également depuis la réouverture, la présence de nombreux primo visiteurs.
L’exposition Soleils Noirs suscite également beaucoup d’intérêt. Pour rappel, elle devait ouvrir une semaine seulement après le confinement.
Les capacités d’accueil des visiteurs à un même moment ont été révisées afin de permettre aux visiteurs de découvrir sereinement l’exposition Soleils noirs et la Galerie du temps :
90% des visiteurs reçoivent favorablement les dispositions sanitaires mises en œuvre au musée, 59% des visiteurs se disent à l’aise, 35 % à expriment se sentir en sécurité.
La réouverture du musée et l’exposition Soleils noirs ont fait l’objet d’une importante couverture médiatique et d’une campagne de communication (affichage, publicité). Le Louvre-Lens a su s’adapter et proposer de nouvelles formes de médiation, spécifiques aux conditions de réouverture.
De plus, pendant le mois de Juin, l’accès au musée était gratuit.
TSP: Quel impact économique le confinement a-t-il eu pour le musée ?
DEFIVES: Nous n’avons pas assez de recul à ce jour pour évaluer finement les dépenses engagées.
TSP: Pendant le confinement, des visites numériques ont-elles été organisées afin de maintenir le lien culturel avec la population?
DEFIVES: Dès le début du confinement, le Louvre-Lens a souhaité garder le lien avec le public en créant très rapidement un blog, Le Louvre-Lens Chez Vous pour proposer des activités à faire à la maison. L’équipe de médiateurs culturels du musée a publié quotidiennement des histoires et des tutoriels d’activités à réaliser, autour des œuvres de la Galerie du temps. Des podcasts ont également été conçus par les commissaires de l’exposition Soleils noirs.
Parce que le maintien du lien social avec les personnes malades ou isolées est plus que jamais essentiel en cette période particulière de crise sanitaire, le Louvre-Lens a lancé – avec le Groupement Hospitalier de Territoire de l’Artois – un dispositif de visites virtuelles à destination des patients et résidents des hôpitaux de Lens, Béthune Beuvry, Hénin-Beaumont et La Bassée ; des sessions interactives et sur-mesure, pour créer des échanges et apporter un bol d’air culturel, à distance.
TSP: Dans quelle mesure le ralentissement du tourisme international risque-t-il d’affecter le Louvre Lens ?
DEFIVES: Contrairement au Louvre qui attire 70% de visiteurs étrangers, le visitorat du Louvre-Lens est en majorité régional (70%) et français (86%).
TSP: Le confinement a-t-il donné l’occasion au musée de repenser l’accès à la culture ? Si oui, de quelle manière ?
DEFIVES: Ce qui s’est passé pendant confinement est riche en enseignements et nourrit notre réflexion : aller vers des formes plus simples, presque artisanales, humaines.
Cette période a été placée sous le signe du soin ainsi que du lien et du sens de l’action en toute modestie : Comment garder notre humanité, notre accessibilité dans ce contexte sanitaire très contraint ?
La réaction du Louvre Lens face à la crise sanitaire est probablement représentative des actions menées par les espaces culturels aux quatre coins de la France. Par exemple, à Reims, le Palais du Tau a mis en place le même type de mesures sanitaires avec un nombre de visiteurs limité, un circuit de visite adapté, le port du masque obligatoire à partir de 11 ans, la mise à disposition de gel hydroalcoolique, la priorisation du paiement par carte bancaire et le rappel des gestes barrières.
Reste à savoir si le confinement aura permis d’apporter un renouveau dans le domaine de la culture en favorisant la réflexion et le recours à l’inventivité. Par exemple, si les visites numériques se sont développées durant le confinement, le déconfinement a, lui, vu fleurir quelques “ciné-parc” ou “drive-in”. Alors, tendance éphémère ou véritable révolution culturelle? L’avenir nous le dira.
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