A la fin du vingtième siècle, la chute du bloc soviétique est vue par beaucoup comme la victoire définitive de la démocratie libérale qui se diffuse alors pour devenir l’idéologie dominante. Mais ce rêve de la démocratie apportant avec elle une Pax Democratica, fantasme du vingtième siècle, s’est vite heurté à la réalité.
Une démocratie à bout de souffle
Cette vision quasi messianique de la démocratie porteuse de paix est une simplification (qui s’est popularisée) de l’idée de Francis Fukuyama dans La Fin de l’Histoire pour qui le libéralisme économique ne peut qu’être facteur de démocratisation. “Partout où il y a du commerce, il y a des mœurs douces” écrivait aussi naïvement Montesquieu dans L’Esprit des Lois.
Cette vision utopiste de Fukuyama se trouve aujourd’hui contredite avec l’arrivée de la Chine au rang de première puissance commerciale mondiale ou encore l’émergence de régimes comme celui du Vietnam, où la libéralisation ne s’est manifestement pas accompagné d’un adoucissement des régimes qui y restent des plus autoritaires. Parallèlement, les démocraties n’ont jamais paru aussi faibles.
Est généralement pointé du doigt leur manque d’efficacité. La lenteur dans la prise de décisions, résultat du débat et de la discussion constante de ces dernières et inhérent au système démocratique en est l’illustration. Cela le devient d’autant plus en temps de crises. Seulement, les crises sont le propre du XXIème siècle, traversé par une crise écologique qui s’aggrave constamment et ponctuée de crises financières et, depuis peu semble-t-il, sanitaire.
Cette crise du Covid-19, par exemple, nécessite l’adoption de mesures fortes et rapides. Les interférences démocratiques deviennent alors des freins et des limites à l’efficacité des mesures prises. Le vote ce 4 novembre à l’Assemblée nationale d’amendements fixant la date de la fin de l’état d’urgence le 14 décembre et ne rendant possible un prolongement au-delà du 30 novembre du confinement qu’avec l’accord du Parlement est un exemple de l’irritante manière dont les parlementaires s’invitent dans le processus de prise de décision. “Les principes de la démocratie doivent d’autant plus être respectés, que les libertés des Français sont fortement restreintes” essaie de justifier Philippe Bas (sénateur LR). Une explication assez égoïste à l’heure où l’urgence prime et où il n’y pas de temps pour des interminables bavardages parlementaires (d’où la réaction agacée d’Olivier Véran).
De même, les questions d’atteintes aux libertés que soulèvent chez certains les mesures restrictives de confinement n’ont pas lieu d’être posées parce qu’elles sont prises pour empêcher la diffusion du virus et servent en ce sens l’intérêt général. Et qu’importe que cela se fasse au détriment de quelques libertés si cela permet de maintenir un certain ordre.
C’est ainsi que le confinement de Wuhan, en Chine, fut des plus stricts mais aussi des plus efficaces. L’enrayement de l’épidémie, qui impliquait le confinement de millions d’habitants du Hubei, accompagnée d’une campagne de dépistage massive, ne s’est pas faite dans le laxisme et la préoccupation des ressentiments de tout un chacun que nous avons pu rencontrer en Europe. Les citoyens ne se faisaient pas leur propre attestation de déplacement dérogatoire et ces dernières n’étaient données que pour des raisons strictement liées à la subsistance des individus par les autorités locales. Et le caractère autoritaire du régime vint assurer le respect des mesures prises, les conséquences d’un non-respect ne se limitant pas à une risible amende de 135€.
Évolution du nombre de cas de Covid-19 en Chine au cours des derniers mois
Dans le cas de la crise environnementale, le modèle de “dictature écologique” semble aussi être une solution. L’adoption d’un comportement dit “écologique” implique inexorablement des sacrifices dans nos modes de vie. Et si l’urgence est telle qu’on nous la décrit, pouvons-nous réellement attendre que chacun comprenne la situation et, de son plein gré, effectue ces sacrifices ? Pouvons-nous nous permettre d’agir graduellement ? La démocratie fait le pari de la sensibilisation qui permettrait une plus facile acceptation de certaines mesures et une conscientisation qui pousserait tout un chacun à agir. La dictature, en contrepartie, garantit l’adoption des mesures drastiques nécessaires. C’est finalement ne pas mettre l’avenir de la Planète et de l’humanité entre les mains d’une population égoïste et inconsciente et imposer à ces derniers l’écologie pour les sauver. La démocratie ne semble plus apte à répondre aux défis contemporains et doit laisser la place à d’autres formes de régimes.
De nouveaux “despotes éclairés”
De Moscou à Pékin en passant par Ankara et Kigali, une nouvelle génération de dirigeants émergent et sont vus par certains comme des alternatives au modèle démocratique. Ces nouveaux hommes forts, certes autoritaires, sont désireux de redonner à leur pays leur importance à l’échelle régionale ou internationale et se posent alors en artisans de la stabilité et du rayonnement de leur pays, si bien qu’ils sont souvent qualifiés de nouveaux “despotes éclairés”.
Cette dernière idée est véhiculée par les philosophes des Lumières qui sont étonnement favorables à la souveraineté d’un seul, éclairé des idées des Lumières (Frédéric II de Prusse ou Catherine II de Russie en ont été les représentants à l’époque). Aujourd’hui, le terme désignerait un dirigeant qui dans sa pratique autoritaire du pouvoir entend agir dans l’intérêt général.
Il en viendrait alors peut-être à imposer sa volonté et ses idées, non pas par excès de zèle mais parce que sur certains sujets, le peuple n’est pas à même de s’exprimer, car non seulement il ne maîtrise pas tous les facteurs, mais en plus son libre arbitre le pousse souvent – et cela relève de l’instinct – à considérer les questions d’un point de vue égoïste, le menant par exemple à descendre dans les rues pour une réforme des retraites pourtant nécessaire. Ainsi, alors qu’en démocratie, il faut le brosser dans le sens du poil, dans ces régimes autoritaires éclairés, le despote peut se permettre de n’écouter que d’une oreille la population pour pouvoir prendre les meilleures mesures d’un point de vue strictement expert.
Enfin, ce type de régimes se multiplient et se posent alors en alternative du modèle démocratique. L’exemple le plus parlant reste aujourd’hui celui du Rwanda. Dirigé d’une main de fer par Paul Kagamé depuis vingt ans, ce pays qui semblait condamné au lendemain du génocide des Tutsi, est aujourd’hui un modèle de développement sur le continent. Les opposants politiques, les journalistes dissidents et autres citoyens trop engagés au goût du pouvoir central y sont certes violemment réprimés, mais Kagamé reste pour la population celui qui a mis fin à l’horreur du génocide et qui a fait de son pays le “Singapour Africain” (Les services des ressources humaines des Nations unies classent Kigali au même niveau que New York en termes de confort de vie). Son autoritarisme à permis à Kagame de maintenir le cap des réformes économiques qui ont permis cet essor et qui aurait pu être changé par un opposant manquant de discernement.
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