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(c) EPA – Michael Reynolds

Mercredi 6 janvier, la foule trumpiste prend forme pour assister au meeting de Donald Trump. Une foule qui n’est persuadée que d’une chose, le “vol” des élections, et n’en adule qu’un, Donald Trump. Ce n’est autre que le 45ème Président des Etats-Unis qui, depuis deux mois, crie haut et fort à la trahison, au mensonge, à la tromperie : les élections présidentielles du 3 novembre 2020, donnant Joe Biden vainqueur, ont été “volées”. Pourtant, ces élections n’ont été l’objet d’aucune fraude, et tout recours à la justice a échoué. Mais ça, Donald Trump n’en a que faire. Balayant une nouvelle fois tout principe démocratique, il refuse une passation de pouvoir pacifique. Une défaite est impensable. Ainsi, c’est bien sur son électorat, ou plutôt sa branche la plus radicale, qu’il compte se reposer. Ce mercredi 6 janvier, il clame à ses partisans “Nous n’abandonnerons jamais. Nous ne reconnaîtrons jamais la défaite. Nous allons arrêter le vol de l’élection”. Il en vient même  à leur ordonner de marcher sur le Capitole, une tentative désespérée d’empêcher la séance de certification de Joe Biden par les parlementaires. Cependant, l’idée d’envahir le Capitole ne date pas du 6 janvier. Cette dernière a en effet circulé  publiquement dans les médias pendant plusieurs semaines et Trump s’est lui-même réjoui sur Twitter d’un mercredi “sauvage” en perspective. Ainsi, le Capitole se trouve pris d’assaut par des centaines de militants pro-Trump, brisant les fenêtres et forçant les portes, déambulant dans les couloirs, s’installant dans les bureaux des parlementaires et, surtout, répandant la violence, causant la mort de cinq personnes. Ces miliants formaient un ensemble hétérogène, où plusieurs groupes d’extrême droite se rejoignaient : des membres de la milice Proud Boys, des suprématistes blancs, des adhérents de la théorie complotiste Qanon, des néo-nazis ou encore des membres de la milice Oath Keepers, ainsi que des électeurs de Trump qui n’appartenaient, semble-t-il, à aucun groupe. Malgré la tournure des évènements, les parlementaires sont tout de même parvenus à mener à terme cette certification.

 

Épisode violent, l’assaut du Capitole est l’incarnation de quatre années de présidence vouées à attiser la colère, la haine, les fractures de l’Amérique. En somme, il ne s’agit pas d’un événement isolé mais plutôt du paroxysme de mois et d’années de tension. En effet, les suprématistes et nationalistes blancs répandaient d’ores et déjà leur venin lors de manifestations à Charlottesville les 11 et 12 août 2017. Ces derniers protestaient contre le retrait de la statue du Général Robert Lee, symbole de la Confédération. Sans surprise, la violence fut de mise, et s’accompagna du drapeau confédéré, de signes nazi, ou encore de militants vêtus de la tenue officielle du Ku Klux Klan…De plus, le mélange explosif – et dangereux – des divers groupuscules d’extrême droite qui ont assailli le Capitole s’était réuni tout au long de l’année 2020, lors de manifestations anti-confinement ou de manifestations “Stop the Steal”. De nombreux reporters ont d’ailleurs pointé du doigt le décalage frappant entre les moyens déployés par la police lors des manifestations Black Lives Matter et leur désarroi face aux militants pro-Trump ce mercredi 11 janvier. “J’ai vu plus d’arrestations lors des manifestations à Minneapolis cet été [contre le décès de George Floyd] que je n’en ai vu en regardant les gens prendre d’assaut le Capitole américain”, fait remarquer le journaliste de CNN Omar Jimenez. Mais cette fois, l’impunité ne peut pas être de mise. C’est la démocratie même qui est en danger, et si les Etats-Unis veulent tenir le bateau à flot, tous les responsables doivent rendre des comptes devant la justice, à commencer par Donald Trump.

 

En effet, le mandat de Donald Trump s’achève sur un jour de honte, reflet de sa présidence chaotique. Il est indéniablement parvenu à diviser l’Amérique en deux : celle qui respecte l’Etat de Droit et celle qui s’en affranchit, noyée dans les théories complotistes qu’il s’est efforcé à entretenir. Directement responsable de l’assaut du Capitole, invitant ses partisans à la violence (« il va falloir se battre plus durement », « vous allez devoir montrer votre force, et vous allez devoir être forts »), il doit répondre de ses actes. Ainsi, fait inédit dans l’histoire américaine, Donald Trump subit une deuxième procédure de destitution. Le mercredi 11 janvier, deux cent trente-trois membres de la Chambre des représentants ont approuvé la mise en accusation de Trump pour “incitation à l’insurrection”. Cette mise en accusation porte également sur l’appel téléphonique de Trump à des responsables de l’élection de Georgie, leur demandant fermement de “trouver 11 780 voix”. La suite de la procédure de destitution doit se faire au Sénat, qui est en passe de basculer en faveur du camp démocrate. La majorité devra ensuite compter sur le soutien d’au moins 17 membres du parti républicain pour que le président Trump puisse être légalement reconnu coupable. Cela n’est pas impensable. En effet, le parti républicain commence à se fracturer :  une minorité se détache du Président tandis qu’une majorité continue de se ranger de son côté. Force est de constater que Donald Trump ne partage pas à lui seul la responsabilité du chaos du 6 janvier. À quelques exceptions près, les élus républicains ont entretenu le mensonge d’un scrutin piégé, soit en gardant le silence, soit en y participant activement. Même après l’invasion du Capitole, cent trente-neuf membres de la Chambre des représentants et huit sénateurs républicains ont refusé la certification. S’il est difficile, à ce jour, de prévoir l’avenir, une chose est sûre: le vote des sénateurs républicains sera décisif dans la reconnaissance ou non de la culpabilité de Trump dans cette insurrection, véritable page noire de l’histoire américaine.

 

Si la démocratie américaine a vacillé mercredi 6 janvier, elle n’est pas tombée. Il reste maintenant à Joe Biden l’immense tâche de réunir les Américains, de transcender leurs divisions. Une étape nécessaire pour reconstruire la démocratie américaine et redorer l’image des Etats-Unis aux yeux du reste du monde.

 

Sources :

From Charlottesville to the Capitol: how rightwing impunity fueled the pro-Trump mob | US Capitol breach | The Guardian

Complotistes, néonazis, négationnistes… qui sont les insurgés du Capitole ? (lemonde.fr)

Violences au Capitole : jour de honte aux Etats-Unis (lemonde.fr)

Donald Trump, premier président des Etats-Unis à subir deux procédures de destitution (lemonde.fr)

« Trump mérite les oubliettes de l’histoire, les trumpistes interrogent l’avenir de la démocratie » (lemonde.fr)

La chute vertigineuse de Donald Trump en 80 jours (lemonde.fr)

Assaut du Capitole : le dilemme démocrate face à une possible mise en accusation de Donald Trump (lemonde.fr)

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