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“Si les abattoirs avaient des murs en verre, tout le monde deviendrait végétarien,” a dit Paul McCartney dans les années 70. Décider d’arrêter de consommer de la viande, voilà une idée qui, même dans les sociétés occidentales, ne date pas d’hier, même si l’on en entend de plus en plus parler ces dernières années. Selon une étude de Xerfi datant d’il y a deux ans, entre 2018 et 2019, les entreprises ont vu leur chiffre d’affaires augmenter de 24% quant aux produits végétariens (et également végétaliens), et, certains le remarquent peut-être dans leur entourage, cette tendance ne cesse de monter—une évolution qui coïncide avec une prise de conscience collective sur certains enjeux, notamment écologiques et antispécistes. 

Je me place moi-même, comme environ 2,5% de la population française selon cette même étude, sur ce spectre du végétarisme. Militante écologiste depuis début 2019, cela faisait longtemps que je songeais à arrêter la viande et le poisson. Cependant, je n’ai pas grandi dans une famille où de nombreuses personnes ont fait ce choix. J’ai commencé en demandant à mes parents de limiter notre consommation familiale de viande, allant donc vers un régime flexitarien; puis, pendant le premier confinement, j’ai décidé de devenir entièrement végétarienne, toute seule, du jour au lendemain. Jusqu’à présent, c’est une décision que je ne regrette absolument pas, et je n’ai fait que quelques écarts (souvent par nécessité); j’ai cette chance de ne pas être tentée par un hamburger plus que par des falafels et, surtout, j’ai fait de mon mieux pour m’informer le plus possible sur un régime sans viande sain.

Quand je suis arrivée à Sciences Po, j’ai été très agréablement surprise par la mobilisation autour du thème de l’environnement. Dans mon lycée, j’étais l’une des rares à m’engager pour la justice climatique, et voir autant de personnes concernées à Reims m’a fait l’effet d’un vent de fraîcheur. Quant au régime végétarien, qui va souvent de pair avec ce genre de convictions, j’avais un peu plus de mal à cerner la dynamique de groupe. Le régime végétarien est assez commun dans mon groupe d’amis. Cependant, afin d’obtenir un point de vue plus représentatif de l’ensemble du campus, j’ai décidé de m’appuyer sur un sondage étudiant la distribution des différents régimes alimentaires sur le campus rémois et les motivations derrière ceux-ci. Je l’ai partagé sur différents groupes Facebook étudiants et j’ai obtenu une centaine de réponses. Je compléterai également avec mes propres expériences pour égayer un peu les statistiques. Et puis, étant donné que j’écris cet article en collaboration avec Sciences Po Environnement, je reconnais aussi avoir pour objectif d’encourager les étudiants à consommer moins de viande et de poisson, puisque, d’après une étude de WWF, devenir végétarien permettrait aux Français de réduire de 51% leurs émissions carbone liées à l’alimentation… 

Commençons donc par un constat qui me paraît important dans l’étude que j’ai pu mener: seulement 12% des répondants sont des hommes, ce qui influe certainement sur les résultats. Mon sujet a-t-il davantage intéressé les femmes? De manière générale, les questions environnementales sur le campus ont l’air de toucher davantage les étudiantes que les étudiants. À Friends of Alterrenatives, seul regroupement écologique du campus qui n’est pas soumis à des quotas, on compte seulement 24 garçons sur 94 membres du groupe Messenger. Je ne sais pas si c’est révélateur de la prévalence du végétarisme sur le campus, mais je pense que cela démontre quand même une certaine tendance liée au genre.

Parmi les personnes qui ont répondu à mon sondage, j’ai été très agréablement surprise de voir 37% de végétariens! Une fois encore, je pense qu’il faut prendre cette information avec du recul, puisque je “prêche aux convertis”; à mon avis, les personnes qui ont répondu à mon sondage se sentaient concernées par le sujet. Néanmoins, cela représente tout de même une petite quarantaine de personnes sur un échantillon d’un peu plus de cent, ce qui montre en tous cas que je suis loin d’être seule.

Rentrons maintenant dans le vif du sujet. J’ai posé trois questions aux non-végétariens: “pourquoi continuez-vous à manger de la viande?”, “à quelle fréquence en consommez-vous?”, et “comptez-vous changer vos habitudes?”. 

Quatre raisons sont revenues très fréquemment quant à leur choix de garder une alimentation basée sur les produits animaux, soit, dans l’ordre: “manger de la viande fait partie de ma culture” (35%), “j’ai peur d’avoir des carences” (33,3%), “je n’en ai tout simplement pas l’envie” (31,7%), et “j’aime trop la viande” (30%). Je vais donc essayer de déconstruire ces arguments en m’appuyant sur mon expérience personnelle. 

Pour ce qui est de la culture, c’est une question compliquée qui dépend vraiment de la personne. Je vais donc parler en tant que jeune fille issue d’une famille française typique, qui a donc une alimentation plutôt organisée autour de la viande et du poisson que des légumes. Il est vrai que, lorsque l’on a passé toute sa vie à manger du poulet à midi et des croquettes de poisson le soir, et que personne dans la famille n’a jamais remis cet ordre en question, on a du mal à imaginer un changement. Cependant, du moins à mon échelle individuelle, il est facile de réaliser bon nombre de recettes typiquement françaises (hachis parmentier, crêpes, ou même bœuf bourguignon…) en supprimant ou en remplaçant les éléments carnés. De plus, certains de nos plats sont déjà végétariens, comme par exemple la ratatouille ou la truffade. On peut donc—et je parle ici du cadre franco-français—continuer à savourer nos plats traditionnels en faisant quelques aménagements ou tout simplement en sélectionnant ceux que l’on peut maintenir tels quels. Le seul problème ici a été dans mon cas la réaction de ma famille, qui relevait de l’incompréhension et parfois même de l’intolérance, mais j’ai pu constater (également à travers les témoignages d’autres nouveaux végétariens) que cette réticence initiale tend à s’atténuer au fur et à mesure que votre entourage s’habitue à votre nouveau mode de vie. 

Parlons maintenant des carences. Je ne suis pas nutritionniste, mais j’en ai consulté une, à la demande de ma mère, très consciente de la nécessité d’être en bonne santé et un peu inquiète pour moi. La spécialiste m’a assuré que la plupart des personnes consomment trop de protéines et que le risque d’en manquer en devenant végétarien, si on en apporte à travers des œufs, des produits laitiers ou encore des légumineuses, est vraiment minime. Finalement, il est tout à fait possible de ne manquer de rien en devenant végétarien (la question des suppléments se pose davantage pour les végétaliens). Je vous joins ici les informations qu’elle m’a fait parvenir qui résument ce en quoi consiste un repas équilibré sans viande ni poisson, vous verrez que c’est tout à fait faisable:

(c) Joséphine Bertoux

Pour ceux qui n’ont absolument pas envie de devenir végétariens, j’avoue que je ne peux pas faire grand-chose à part vous encourager à vous informer davantage sur le sujet; peut-être que des arguments basés sur l’écologie ou la cruauté des conditions de l’élevage intensif vous feront changer d’avis. Sinon, vous êtes bien évidemment libres et j’écris cet article pour vous convaincre et non vous forcer!

Puis, pour ce qui est de trop aimer la viande… croyez-le ou non, j’étais une “grosse viandarde” de mon enfance à mon “réveil militant”; ce que j’aimais le plus manger, c’était des steaks bien rouges et du saucisson. C’était d’ailleurs pour ça que je ne m’étais pas tellement posé la question du végétarisme; pourtant, quand j’ai arrêté la viande d’un coup, elle ne m’a plus jamais manqué. Ce que je vous conseille, c’est d’essayer de manger, pendant une semaine, des plats sans viande ni poisson sans chercher à remplacer ces éléments par des saucisses végétales ou des faux steaks hachés mais plutôt en essayant de trouver des recettes végétariennes à base de plantes que vous aimez. Vous verrez sûrement que vous pouvez vous passer de viande bien plus que vous ne le pensiez.

Enfin, l’aspect “compliqué”. En vous référant au graphique que j’ai réalisé à partir des conseils de ma nutritionniste, vous pouvez constater que les ingrédients nécessaires à l’élaboration d’un plat végétarien équilibré étaient plutôt facile à trouver. Il y a finalement assez peu de changements à faire en venant d’un régime carnivore. Vient ensuite la question du prix; nombreux sont celles et ceux qui ont dit ne pas vouloir devenir végétarien parce que “ça coûte trop cher”. En fait, tout dépend de la manière dont vous consommez. Selon les magasins où vous allez faire vos courses, les aliments vont vous coûter plus ou moins cher, ce qui est d’ailleurs vrai pour tous les types d’alimentation. Vous avez également intérêt à acheter certains produits de longue conservation en gros. Par exemple, chez Naturalia, 250g de tofu pressé nature coûtent 2,15€ alors que vous pouvez en obtenir le double pour 3,30€, ce qui est une bonne stratégie puisque, si vous avez une alimentation variée, cela vous tiendra facilement une à deux semaines. Le prix de vos sources de protéine est également variable; les légumineuses coûtent par exemple beaucoup moins cher que le tempeh ou le seitan. De toute façon, puisque le régime végétarien se démocratise de plus en plus en France comme ailleurs, il est maintenant tout à fait possible de changer son alimentation pour tous les budgets!

Néanmoins, mes amis carnivores, j’ai été plutôt soulagée de voir que la plupart d’entre vous souhaitait changer ses habitudes (même si, dans la plupart des cas, il s’agissait plus d’une réduction que d’une suppression) et que, globalement, vous ne mangiez pas de la viande à tous les repas mais plutôt quelques fois par semaine ou dans le mois. Même si un régime végétarien est préférable pour réellement réduire son impact sur l’environnement, une simple réduction ou une limitation des produits dérivés des animaux est déjà un grand pas.

Penchons-nous maintenant sur le cas de ceux qui se positionnent sur le spectre du végétarisme. Les végétariens sont environ quatre fois plus nombreux que les végétaliens. Les motivations qui ressortent le plus quant au passage à un régime végétarien sont les suivantes: protection de l’environnement et cruauté animale dans la vaste majorité des cas (93,2% et 84,1% respectivement), puis santé pour presque la moitié des répondants. Cependant, il y a une certaine réticence à devenir végétalien principalement parce que “c’est trop compliqué” ou par amour du fromage. 

En tous cas, même si tous n’ont pas les mêmes restrictions alimentaires, leurs opinions quant à l’accessibilité d’un régime sans viande ni poisson à Sciences Po Reims sont assez unanimes: si 76,1% des répondants disent qu’il est facile de le maintenir dans la ville de Reims, seulement 13,9% d’entre eux trouvent que le Crous du campus subvient complètement à leurs besoins. Quant aux problèmes plus généraux qu’ils rencontrent dans le cadre de leur alimentation, on retrouve souvent les mêmes, notamment liés à la nécessité de bien se renseigner sur les apports nutritifs de différents ingrédients afin de ne manquer de rien ou au fait qu’il faille parfois se rendre dans plusieurs supermarchés pour avoir des courses complètes. Cependant, le thème qui revient le plus souvent est celui de la convivialité: manque de choix au restaurant (surtout dans les plus petites villes), regard négatif des proches (surtout, comme l’ont précisé plusieurs commentaires, ceux des générations plus âgées), colocataires peu accommodants, ne pas pouvoir manger du tout à certaines fêtes… finalement, il semble que la difficulté majeure rencontrée par les végétariens soit le manque d’adaptation de la part des carnivores.

Pour conclure, j’espère que vous en sortirez un peu plus informés sur ce sujet et que ceux qui n’étaient pas déjà concernés tenteront l’expérience. Si j’ai réussi à convaincre une seule personne de diminuer sa consommation de viande, en commençant, par exemple, par la mise en place d’un “lundi vert” ou l’arrêt des produits animaux à la maison, je considère que c’est une réussite. Je vous laisse avec quelques conseils des végétariens du campus pour bien débuter:

“Essayez de trouver des plats sans viande qui vous faisaient déjà plaisir avant de devenir végé et accrochez-y vous, puis trouvez des nouveaux plaisirs végés.”

“N’essayez pas de reproduire des plats en enlevant simplement la viande, il y a des tas de recettes végés croustillantes et équilibrées!”

“Essayez d’arrêter en plusieurs étapes: d’abord la viande rouge, puis le poulet, puis le poisson.”

Regardez des vidéos de cheap meal ideas parce qu’il en existe de très bonnes!”

“Ne vous mettez pas trop de pression, chacun évolue à son rythme.”

 

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    Joséphine Bertoux

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