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Illustration by Eric Chow/Nikkei Asia

“Guerre froide”, “Guerre économique”, “Guerre commerciale” : pléthore de termes qui caractérisent les récentes relations sino-américaines. Élu président, Donald Trump lança une guerre commerciale et technologique afin de contenir la montée de la Chine. “Les guerres commerciales sont bonnes et faciles à gagner” disait-il. Son calcul était le suivant : la Chine a exporté pour 558 milliards de dollars de biens vers les Etats-Unis en 2018 alors que les Etats-Unis n’ont exporté 178 milliards de dollars de biens en direction des consommateurs chinois. La balance commerciale étant donc déficitaire de 380 milliards, il s’est donné comme mission de rétablir cet équilibre. Alors que les relations sino-américaines se sont nettement dégradées, un bilan s’impose: les Etats-Unis sont sur le point de perdre face à la Chine. Quant à son successeur Joe Biden, la rencontre entre le nouveau secrétaire d’État américain Antony Blinken et son homologue chinois, Wang Wi n’a pas désamorcé les tensions.  Vers une nouvelle guerre froide entre la Chine et les Etats-Unis ?

Rappelons que la Chine est le premier partenaire commercial des États-Unis. Depuis la fin de la guerre froide, leur relation est particulièrement houleuse : la Chine voit les États-Unis comme un rival qu’elle veut supplanter mais aussi comme un partenaire indispensable pour développer notamment ses nouvelles technologies. Économiquement, les deux superpuissances représentent les deux premiers PIB de la planète, par conséquent ils sont interdépendants.

En cause de cette nouvelle guerre commerciale, la suprématie économique, scientifique et technologique. La relation paraît déséquilibrée au profit de la Chine puisque cette dernière exporte quatre fois plus vers les États-Unis qu’elle n’importe de son rival, un phénomène qui s’est accentué avec la pandémie de la Covid-19 provoquant la mise à l’arrêt de la machine économique américaine.

Par ailleurs, les investisseurs chinois sont les premiers créanciers de l’économie américaine. Mais l’Empire du milieu, aussi endetté, a naturellement besoin de son adversaire. Ce sont les exportations vers les États-Unis, de technologie, de textiles, qui font tourner la machine économique chinoise et donc nourrissent les habitants.

Les hostilités ont été lancées avec une hausse des taxes par les deux protagonistes dès le début du mandat de Donald Trump.  En effet, Trump a voulu taxer les produits importés de l’atelier du monde pour enrayer son déclin industriel. Depuis mars 2018, on peut noter une surenchère de taxes (annonce de la mise en place de droits de douane par Washington, réplique de Pékin, promesse de représailles). En mai 2019, 200 milliards de produits chinois sont taxés à hauteur de 25 % (acier, cuir, caoutchouc, électroménager, TV, ameublement, tissus). Alors que les taxes se multiplient, cette guerre commerciale révèle l’incapacité de l’OMC à réguler le commerce international.

Ainsi, Donald Trump ayant conscience de la dépendance des États-Unis aux importations chinoises a souhaité relancer l’industrie américaine.

Les conséquences de ce conflit apparaissent déjà : d’une part, Washington a beaucoup à perdre, comme trois fois plus de marchandises font le trajet de la Chine vers les États-Unis que des États-Unis vers la Chine. Cependant, cette dernière n’a que peu de leviers en termes de taxes et droits de douane. Elle peut surtout activer le levier de la dette américaine qu’elle pourrait vendre massivement (elle en détient près de 1000 milliards) ce qui fragiliserait l’économie américaine. Effectivement, l’Empire du milieu représente 17% de la dette souveraine américaine détenue par les investisseurs étrangers.

Ainsi, les consommateurs américains subissent donc les premières répercussions de cette guerre commerciale. Dans les grandes surfaces, tout est ‘Made in China’ engendrant une élévation des prix. C’est donc l’américain modeste qui subit directement cette escalade commerciale. Ironie du sort : c’est l’électorat de D. Trump qu’il avait promis de rendre plus riche.  Ensuite, cette guerre commerciale entraîne une diminution des échanges et donc un ralentissement de l’économie mondiale, touchant particulièrement le Vieux Continent.

Les négociations sont bloquées sous l’administration de Trump. Les taxes américaines impactent aussi la Chine (l’industrie de l’exportation a reculé de 2,7%). Cette tendance est encore plus lourde en direction de Washington qui frappe surtout l’industrie des composants électroniques.

Aucun des deux protagonistes ne peut se permettre de quitter la table des négociations. C’est pourquoi, en janvier 2020, les Chinois s’engagent lors par un accord bilatéral à réduire leur excédent commercial en augmentant les achats de produits américains de 100 milliards de dollars sur deux ans. De plus, les États-Unis ont renoncé à augmenter encore les taxes sur les produits chinois importés et force est donc de constater qu’ils ont mis sous le tapis les vrais problèmes de cette guerre.

 

Le ton de la rhétorique sous D. Trump était beaucoup plus cru, mais la stratégie reste la même (les tarifs douaniers sont maintenus; les mesures contre Huawei, ZTE sont renforcées). La guerre va même s’étendre sur le terrain des droits de l’Homme et de la démocratie, terrain favori du parti démocrate (persécution des minorités musulmanes au Xinjiang, Hong Kong, Taïwan etc.). Le principal contraste entre Biden et son prédécesseur réside sûrement dans sa volonté de protéger les droits de l’homme.

Concernant le terrain diplomatique incarné par Blinken, l’émissaire de Biden, il y a un renforcement des alliances et partenariats entre les USA et les pays de l’Indo-Pacifique. Washington soutient vivement l’Australie : il n’y aura pas d’avancées économiques sur la relation bilatérale avec la Chine tant qu’il n’y aura pas une levée des sanctions chinoises sur l’Australie. Ainsi, Blinken tente de rattacher la relation économique avec la Chine avec d’autres acteurs alliés aux Etats-Unis. Les tensions s’exacerbent d’autant plus que la Chine est le seul pays en compétition dans tous les domaines à la fois, diplomatique, militaire, économique et technologique.

Le premier sommet du Quad indopacifique (alliance créée en 2007 afin de contrebalancer la puissance chinoise) fut aussi un symbole fort de la volonté de la nouvelle administration de relever avec les alliés régionaux les défis posés par la Chine. Ils considèrent que le néolibéralisme, qui a accéléré la montée en puissance de la Chine sur la scène internationale et a nui aux emplois industriels des classes moyennes américaines, s’avère être une menace.
Contrairement à son prédécesseur, Biden souhaite promouvoir le multilatéralisme et renforcer la position américaine dans la politique industrielle et technologique. Il réinvestit les organisations internationales, où le vide créé par Trump a été comblé par la Chine. La véritable rupture avec l’administration précédente réside sûrement dans la sortie de l’unilatéralisme, pour proposer une alternative économique, technologique et stratégique à l’expansionnisme chinois.

 

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Joséphine Vial

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