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Par Léon Boulenger

Nous avons eu l’exclusivité d’un entretien avec l’un des rares rappeurs du campus de ScPo Reims, de son nom d’artiste Magst (prononcé “Majesté”). Une discussion approfondie quant à ses débuts, ses inspirations, son rapport aux études et ses prochains objectifs. 

Magst, de son ‘blaze’ tout aussi royal qu’intrigant, est francophone d’origine finlandaise, et a vécu la plupart de son enfance à Madrid. De par son amour pour les jeux de mots, son pseudonyme est né de l’idée de jouer sur la forme du nom ‘Magst’, aisément prononçable puisqu’il suffit de suivre la phonétique des  lettres du nom de scène (lire « M-A-G-S-T »). Il confie également son goût pour la dimension ‘ego-trip’ de ce nom, qui se traduit par ‘aime’ en allemand. 

« Un finlandais qui rappe, ça serait drôle », avaient remarqué ses amis. Il s’y est donc essayé en leur compagnie et sa passion pour le rap est alors née. Il conclut dans un premier temps des sons auto-produits qu’il publie sur la plateforme gratuite SoundCloud et, début 2021, diffuse pour la première fois un son sur toutes les plateformes de streaming via DistroKid. Récemment, Magst à dépasser les mille écoutes Spotify sur son morceau ‘Nauséabonde’.

Avec une honnêteté touchante, Magst nous explique qu’à chaque fois qu’il sort un morceau/projet, il est persuadé d’être “la meilleure version artistique de lui-même”. Il se rappelle avoir trouvé son premier projet intitulé ‘Ego Trip’ « incroyable » à son échelle de diffusion, un projet qui aura mis en lumière son aisance au micro et sur lequel il aura de nombreux retours positifs. Il est conscient d’une certaine monotonie qu’on pouvait lui reprocher dans son rap et ses flows, héritée certainement d’un exercice au slam et à la poésie antérieur à celui du rap. Dès son deuxième projet, ‘Cercle Vicieux’, Magst met un point d’honneur à s’en détacher et introduit des mélodies plus chantées couplées à une utilisation encore approximative mais efficace de l’autotune. En apparaît deux facettes de son art, une davantage rap kické, dans le style de ‘Poésie Noire’ et une davantage mélodieuse, nostalgique, dans le style de ‘Yeux’. Son dernier projet en date, un EP de 4 titres intitulé ‘Veille d’été’, est un mélange harmonieux de ces deux facettes qu’il cherche à perfectionner.

Son processus d’écriture, lui, n’a pas changé. Magst écrit seul le soir, en écoutant en boucle les “type beats” qu’il découvre ou les prods qu’on lui envoie. Il décrit son inspiration comme « hétérogène », pouvant parfois terminer ses deux couplets en quelques minutes mais pouvant procrastiner plusieurs jours dans l’écriture d’un même texte. 

Sa première collaboration avec ‘El Barto’ lui aura fait comprendre l’importance des prods, que l’on ressent par la qualité indéniable des instrumentales sur ses différents projets. Plus récemment, il a lui-même démarché des producteurs talentueux via Discord (“un foyer à talents” selon lui) et a notamment établi des liens avec des membres du collectif ‘Maison Malsaine’. Par exemple, le morceau ‘Fenrir’ est le résultat d’une proposition de l’un de ces membres, Kiram, qui l’incite à se tester à la drill, de par sa voix grave. De là s’est construite une certaine affinité avec ce même Kiram, les deux évoluant parallèlement en sortant de leur zone de confort respective. 

Passé par la trap, le cloud et la drill, Magst aimerait aujourd’hui tenter des morceaux propres à la « new wave » du rap, un style qui émerge ces derniers temps sur la scène rap français. Il exprime aussi un intérêt pour des morceaux plus « house » et aimerait s’essayer sur des prods style jazz. 

Dans cette optique de création, Magst sort dans les prochaines semaines un single bien différent de ce qu’on a l’habitude d’entendre chez lui, alors je vous conseille de ‘rester branchés’. En termes de projets, il souhaite développer une mixtape ou un album au courant de l’année 2023 ou 2024 et sortir durant cette même année un premier clip, qu’il désire authentique à la réalité de l’artiste qu’il est. Il évoque d’ailleurs l’idée de le produire en collaboration avec les différents réalisateurs/photographes de son campus, le clip faisant office de comm pour son projet à venir. 

Parmi ses inspirations et modèles, il cite notamment Laylow comme une référence en termes d’album, le projet ‘Trinity’ (2020) poussant Magst à se lancer. Le morceau ‘Burning man’, en featuring avec Lomepal, l’a notamment bouleversé et l’a amené à se pencher sur la discographie de Laylow. Il cite également ‘Deux Frères’ de PNL comme l’un des meilleurs albums de la décennie passée, ainsi que LMF ou Memoria comme ses albums appréciés dernièrement. 

Les ambitions de Magst dans l’industrie musicale sont contradictoires, partagé entre l’envie de produire toujours plus et une certaine “peur de percer”, qu’il caractérise comme une pression face à laquelle il ne se voit pas vraiment faire face. Il exprime une volonté de rester indépendant, de continuer à s’enregistrer dans sa chambre, sans contraintes peu importe ce que l’avenir lui réserve. Les chiffres d’auditions lui importent peu, conscient qu’il perdrait du plaisir à y porter trop attention. C’est aussi cette volonté de liberté qui l’a poussé à être un artiste ‘anonyme’, son identité étant inconnue sur ses comptes d’artiste. Cela ne l’empêcherait pas, s’il en avait l’occasion, de participer à des formats à l’instar de Booska P ou type Nouvelle école pour l’intérêt du concept. 

Ses études actuelles lui permettent de s’assurer le bagage nécessaire pour « ne pas vivre de la musique, mais continuer à en profiter ». 

L’univers de Magst se caractérise également par sa sensibilité exacerbée. La musique est devenue sa catharsis, une manière unique d’exprimer ce qui est impossible à exprimer autrement. Une purgation d’émotions autour des relations familiales, amoureuses, de la vie d’adulte à travers l’introspection musicale, en particulier dans le très émouvant et beau ‘Outrospection’ (s/o SPK) sorti en 2021. 

Il aime préciser que cette dimension introspective, parfois triste de sa musique (inspirée par la mélancolie poétique) est à contraster avec sa réalité heureuse et apaisée. 

On se rend compte en écoutant sa discographie que l’univers de Magst va au-delà de simples influences de culture hip-hop, il revendique l’influence de la science-fiction et des grandes sagas sur son art, ce qu’on retrouve par exemple dans les covers futuristes de ses projets. Il est également passionné par Baudelaire ainsi que, dans une toute autre veine, de la diction et du flow de George Brassens, qu’il considère éminemment similaires à ceux du hip-hop. 

Magst, c’est un rappeur prometteur aux influences diversifiées, qui a su découvrir et explorer sa passion musicale, tout en s’épanouissant dans des études assidues. Une rare maturité pour son âge, loin des objectifs matérialistes communs à beaucoup d’artistes, qui s’accompagne d’une audace artistique et d’une identité qui se construit au fil de sa discographie. Les morceaux qui arrivent prochainement sont symboliques de sa progression, ainsi l’on souhaite à Magst de pouvoir continuer à profiter de la musique pour un jour, qui sait, réaliser son feat de rêve avec Laylow. 

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