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Le jeudi 21 septembre, la Cour suprême du Brésil a pris une décision historique. Elle a décidé que la thèse du « cadre temporel » était inconstitutionnelle et a défendu les droits des populations autochtones à disposer de leurs terres ancestrales. C’est ici une prise de position symbolique contre le lobby de l’agro-négoce brésilien et contre la déforestation amazonienne, essentielle pour limiter le réchauffement climatique en dessous des 1,5 degrés. 

Mais en quoi consiste cette thèse du « cadre temporel »? C’est l’idée que la démarcation des terres autochtones du Brésil est celle que ces peuples occupaient en 1988, l’année de l’adoption de la constitution brésilienne après la dictature militaire (1964-1985). 

Or, en 1988, et même à partir des années 1960, ces peuples avaient été expulsés de leurs terres ancestrales par la dictature militaire appelée ‘Cinquième République’ qui avait le projet de « faire entrer l’autochtone dans le “monde civilisé”»

La Cinquième République a également cherché à introduire l’Amazonie dans l’économie nationale brésilienne, commençant à construire l’autoroute transamazonienne (BR-230) de quatre mille kilomètres reliant les villes de Cabedelo et de Lábrea; construction qui fut un échec et un désastre écologique. 

Entre 1990 et 2000 les taux de déforestation auraient atteint 25 000 kilomètres carrés de forêts par an, et la déforestation causée par cette route continue jusqu’à aujourd’hui. 

La forêt devait être colonisée et transformée en terres agricoles. Cependant, du fait de l’épaisseur trop faible de la couche fertile du sol, les rendements se sont avérés décevants, déclenchant un processus de déforestation sans fin pour trouver de meilleurs sols. Bolsonaro a notamment déclaré vouloir reprendre la construction de la route, sans succès. 

Cette période dictatoriale n’a pas seulement été dramatique pour les réserves indigènes et pour la biodiversité mais aussi pour les populations elles-mêmes car la “Commission nationale de la vérité” du Brésil estime qu’au moins 8 500 indigènes auraient été tués par cette dictature. Les terres occupées par les peuples autochtones en 1988 excluent donc les terres ancestrales desquelles ils ont été expulsés. 

Le jugement du jeudi 21 septembre dernier concernait le territoire de la réserve indigène des Xokleng dans l’Ibirama-Laklano situé dans l’État de Santa Catarina (Sud). 

En Français: ‘zone disputée dans l’affaire xokleng-laklãnõ (SC)’ 

Les Xoklengs ont saisi la Cour Suprême brésilienne après que leurs terres aient perdu le statut de réserve indigène en 2009. Un tribunal a jugé que ces terres ne leur appartenaient pas car ils ne les occupaient pas en 1988, appliquant la thèse du «cadre temporel». 

La Cour suprême a donc démenti cette thèse, en plus de rendre directement leur statut aux terres des Xoklengs. Un choix qui empêchera l’industrie de l’agro négoce de toutes appropriations futures de ces terres. Un choix qui renforce également les droits indigènes protégés sous l’article 231 de la constitution de 1988 qui reconnaît «leurs droits originels sur les terres qu’ils occupent traditionnellement» et qui protège leurs ressources de toute exploitation non consentie et sans dédommagement.  

Un jugement symbolique notamment car il advient après la présidence de Bolsonaro qui n’a cessé de mettre en danger les droits indigènes. Sous sa présidence on note une hausse de 180% des invasions illégales des réserves indigènes. C’est un président qui a également transformé l’organisation gouvernementale ‘Funai,’ chargée de protéger les populations et de démarquer les terres autochtones, en “organisation anti indigène” en réduisant son budget et en mettant à sa tête  des officiels inexpérimentés et insensibles à la défense des droits indigènes.   

Ces tentatives anti-indigènes du Parti de la République de Bolsonaro continuent aujourd’hui dans ce jugement, car les deux seuls magistrats qui ont défendu la thèse du cadre temporel… ont été nommés par Jair Bolsonaro. 

Si cette décision représente une grande victoire pour les peuples qu’on a pu voir pleurer de joie et célébrer devant la Cour lorsqu’ils ont entendu la décision, ce n’est que le début. 

Un grand nombre de questions sur l’application de ce jugement restent sans réponses, notamment quant au statut des propriétaires de terres maintenant considérées comme appartenant aux réserves indigènes. Ces territoires continuent d’être menacés par des intrusions de trafiquants de tous types qui volent leurs ressources et répondent violemment à toute résistance à leur encontre. La protection de ces réserves n’est donc pas assurée. 

Ce sera au nouveau président Luiz Inácio Lula da Silva de mettre en place une politique de défense plus efficace de ces réserves, qui sont garantes de la plus grande concentration de biodiversité de la planète.

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Elea Baptiste

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