L’année 2023 a été pour moi la première occasion en dix-huit ans d’existence de prendre des résolutions à la nouvelle année. Auparavant trop cynique et fataliste pour établir une liste de choses auxquelles je savais par avance que je ne me tiendrai probablement pas, j’ai décidé au 1er Janvier de donner une chance à ces sempiternelles résolutions. Si je voyais avant dans ces dernières une vaine tentative de changer des habitudes chez soi ou de sortir de son quotidien (je le vois toujours ainsi pour être tout à fait honnête), je peux néanmoins admettre que j’ai pu en observerles bienfaits dans mon quotidien.
Dans cet article « universitarisant » nombriliste à souhait et échappant de peu au qualificatif de marronnier (la plupart des publications à ce sujet arrivant généralement en janvier ou en février pour faire le constat Ô combien surprenant que personne ou presque n’arrivait à s’astreindre à la très contraignante liste rédigée 3 semaines plus tôt) je souhaite vous transmettre mes sagesses à ce propos.
I- Genèse du projet
C’est un peu moins d’une semaine avant le nouvel an que l’idée de prendre des résolutions me vient à l’esprit, observant alors certains de amis friands de ce type de projets. Alors en retraite silencieuse en Isère et ennuyée au plus haut point, je décide de rédiger une liste d’objectifs de vie, d’abord très vague et long-termiste (pour ne pas dire d’une banalité consternante) de type : « être heureuse », « améliorer mes relations avec mes parents », « nourrir mes amitiés». La liste s’enrichissant, je me rends progressivement compte que cette dernière se voue à finir une sorte de poubelle de mon esprit où tout, je dis bien tout, ce dont j’avais envie ou besoin finirait par être écrit. Me rendant compte que ces buts louables et ces petites envies ne sauraient se réaliser sans tracer plus précisément le chemin m’y amenant, je divise cette liste selon plusieurs catégories afin d’obtenir ce qui deviendrait l’essence de mes résolutions.
- A) Tentative de définition
Face à ces objectifs et pensées jetées sur le papier, il me faut donc déterminer ce qui tient de la fameuse résolution du Nouvel An, de la To Do List, des envies immédiates et des aspirations humaines inhérentes : en clair, définir ce qu’est en soi une résolution.
Selon le Larousse une résolution se définit de la façon suivante : « Acte par lequel, après réflexion, on décide volontairement d’accomplir quelque chose ».
A la lumière de cette définition, quelques éléments se dégagent à mes yeux quant à la teneur de la résolution du Nouvel An :
– La résolution est une action au sens positif (ici entendue dans le sens large de faire quelque chose.) ou négatif (ici entendue dans un sens un peu similaire au concept de bonheur négatif chez Schopenhauer, c’est-à-dire la cessation du mal). Dans le cas d’une résolution, donc, l’abstention d’une pratique détrimentale. Si le but sous-jacent d’une résolution peut être passif (se faire plus souvent inviter en soirée ), la formulation d’une résolution permettant la réalisation de ce but ne peut qu’être active (participer de façon hebdomadaire à l’événement associatif).
– De cette première observation se dégage une seconde : la résolution est le fruit d’une action personnelle et réfléchie pour soi dans un but plus grand important. En d’autres termes la résolution se doit le moins possible d’avoir un caractère téléologique. La résolution semble donc difficilement pouvoir être toute forme d’action dont la réalisation suppose un achat.
– La résolution est quantifiable d’une manière ou d’une autre puisqu’elle a pour but d’être réalisable d’une manière ou d’une autre. Si votre résolution constitue ou vise à régler un problème philosophique majeur, spoiler alert, ce n’est pas une résolution.
– Une résolution du nouvel an est un objectif sur le long terme ou du moins étalé sur un an (cela va de soi mais permet néanmoins d’éliminer certaines grandes idées).
Voici un tableau permettant de classifier les choses marquées sur votre liste à la lumière de mes critères très arbitraires :
Long terme- Quantifiable- Action positive ou négative personnelle :
Exemple : Lire 40 livres cette année dont la moitié de non fiction.
Domaine de la résolution du Nouvel An.
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Court terme- Quantifiable- Action positive ou négative personnelle :
Exemple : Courir un semi-marathon
Domaine de l’objectif to do list mais peut être appuyé par une résolution du même domaine.
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Long terme-Quantifiable- Pas d’action personnelle :
Exemple : Partir en vacances en Grèce pendant deux semaines
Domaine de l’envie liste spécifique
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Court terme-Quantifiable- Pas d’action personnelle :
Exemple : Aller au cinéma voir le dernier Scorsese par principe.
Domaine indéfini c’est selon, les choses appartenant à cette case peuvent aller de la to-do List à la liste de course. |
Long Terme- Conceptuel :
Exemple : Trouver de la joie dans les petites choses.
Domaine du magma eudémoniste. Aucun conseil à vous donner sur ce point là, je ne suis sans doute pas beaucoup plus avancée que le lecteur. |
Court terme- Conceptuel :
Exemple : Je n’en ai pas trouvé.
Domaine du magma eudémoniste à l’heure de l’immédiat Pop a Lexomil et respirez. |
– Dernière observation tirée de la définition de la résolution : La résolution est un examen de soi. Elle suppose ainsi une réflexion personnelle. C’est précisément pour cela que les aspirations à l’amélioration de soi, au bonheur ou à la bonne santé, si formulées comme telles, sont à bannir : on pourrait les trouver sur la liste d’absolument tout le monde. C’est en fractionnant à notre propre lumière ce qui nous permettrait de tendre à un tel but qui constitue une résolution.
Si je ne le réalise pas tout de suite en établissant ma liste, je conçois avoir utilisé de façon spontanée quelque chose qui, à la relecture, est un hybride entre de l’organisation matricielle et la méthode SMART. Nous y reviendrons un peu plus tard.
- B) Observation des ruines fumantes de son existence dans l’objectif d’obtenir une liste personnalisée :
Suite à ces précisions, il me faut à présent procéder à un examen sans pitié de moi-même afin de compléter ma liste de résolutions bien amaigrie par l’exercice de classement précédent. Je m’emploie donc à former une entreprise qui n’eut jamais d’exemple, et dont l’exécution n’aura point d’imitateur. Je veux montrer une femme dans toute la vérité de la nature ; et cette femme, cela sera moi. Si vous n’êtes pas obligés d’être aussi dramatiques que Rousseau, tâchez d’établir vos priorités et de vous détacher des résolutions classiques.
J’observe dans mon cas que j’étais plus inculte qu’en surpoids et qu’en temps que non fumeuse un arrêt de la cigarette serait une résolution inadaptée. Je décide donc que ces dernières se portent principalement vers mon rythme de lecture trop faible plutôt que l’absence de six pack ou quelques cigarettes grillés en soirée.
Voici les résolutions que je finis parprendre au regard de ce qui m’est possible et souhaitable de faire :
– Regarder un minimum de 52 nouveaux films cette année
– Lire 40 livres en plus de mes lectures obligatoires
– Faire une séance de sport encadrée par semaine
Si 3 résolutions sont un détail pour vous, sachez que pour moi elles veulent dire beaucoup. En tant que néophyte de la résolution et flemmarde confirmée, je veux être en mesure de pouvoir m’astreindre à ce que je me suis ordonné. Grande amoureuse des listes de toute sorte, j’ai décidé de consigner les films vus cette année sur le site Letterboxd dans une liste prévue à cet effet et de faire de même avec les livres lus dans une liste prévue à cet effet. Pour le sport je ne l’ai pas fait et ai seulement gardé l’objectif en tête.
II ) Application et angles morts de la méthode initiale
- A) Compte rendu
Si mes résolutions passent le premier test, elles n’ont pas toutes le même succès en raison d’angles morts et d’une certaine absence de volonté de ma part.
La première résolution est celle dont j’ai la certitude qu’elle sera réalisée (il me reste 8 films à regarder jusqu’au 31 décembre). C’est en partie parce que je tiens le compte à l’aide de la liste mentionnée ci-dessus et parce que l’objectif d’un nouveau film par semaine demeure amplement réalisable tout en étant relativement important.
La seconde résolution est plus éloignée du compte : j’ai lu pour l’instant 22 livres cette année. Ce n’est pas par manque de temps si l’on regarde décompte celui que je passe sur mon téléphone. C’est donc par manque de volonté en partie mais aussi en raison de mes habitudes de lecture. Je considère un livre comme lu si lu dans son intégralité or, ma pratique littéraire consiste en règle générale à commencer un grand nombre de livres en même temps et y revenir bien plus tard. Si de temps à autre je connais un binge reading durant lequel je ne lis qu’un seul ouvrage et ce très vite, en règle générale mon éparpillement freine mes lectures. Cette non-considération ou non-modification de mes habitudes ont donc partiellement empêché la pleine réalisation de cet objectif.
La dernière résolution enfin constitue mon échec principal. Lissé à l’année, j’ai dû pratiquer une activité sportive environ une fois toutes les deux ou trois semaines et non de manière hebdomadaire. Les raisons sont pour les deux tiers à trouver dans mon absence de volonté. Le tiers restant est à chercher dans mes déplacements fréquents entre mai et août : je n’avais pas reconstruit d’habitudes sportives lors de mes vacances ou de mon retour chez mes parents.
En résultat, ce n’a donc pas été exactement ce que l’on pourrait qualifier de succès, résultat un tant soit peu attendu : le fait de ne pas tenir sa résolution est quasi consubstantiel au fait de l’avoir prise . Ce n’est cependant pas un échec complet. J’ai visionné plus de films que l’année dernière et probablement plus lu aussi, livres que j’ai pu consigner et ainsi assouvir mon amour des listes. J’ai pu en tirer une relative fierté ainsi qu’une once de discipline en plus.
B ) Et maintenant, que vais-je faire ?
La fin d’année approche et je suis à nouveau titillée par l’envie de prendre des résolutions symboliques au 1er Janvier. Les questions fusent cependant dans mon esprit : Comment vais-je faire pour prendre des résolutions défiantes mais réalisables ? Comment être réaliste sur mes capacités et ma volonté sans tomber dans la complaisance ? Est-ce grave que presque un quart des livres lus cette année soient des œuvres de Houellebecq ? Suis-je addict aux listes ?
Cette année, je choisis d’accueillir pleinement la dissonance cognitive supposée par les résolutions de la nouvelle année. Je vais les prendre après y avoir réfléchi attentivement et m’y astreindre en me laissant la possibilité qu’elles ne fonctionnent pas (et sans me flageller trop activement dans l’éventualité de ce cas).
J’utiliserai donc, en plus de ma formidable matrice, la méthode SMART (Spécifique, mesurable, ambitieux, réaliste et temporel) pour construire des objectifs qui jetteront, aux alentours de novembre prochain, une lumière crue sur mon incapacité à tenir mes engagements. Pour le moment, je ne sais pas exactement ce qu’ils seront. Je crois cependant que, comme toutes bonnes résolutions, elles seront peu ou prou les mêmes que l’année dernière.
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