Nommé à sept reprises pour la cérémonie des César vendredi dernier, Chien de la Casse en a finalement remporté deux. Et pour raison.
Dans un bourg délaissé de l’Hérault (34), Mirales (Raphaël Quenard) et Dog (Anthony Bajon) se connaissent depuis toujours et forment quasiment une fratrie. Ces jeunes hommes passent leurs journées au Pouget, ce petit village bucolique où rien ne se passe, et où la jeunesse peine à se dégager un avenir sûr.
Mais leur quotidien – habituellement passé devant la console, dans une cité de Sète, ou alors sur la place haute de la bourgade à fumer des joints – se voit bouleversé par l’arrivée d’Elsa (Galatéa Bellugi), étudiante venue de Rennes pour économiser sur son loyer le temps de l’été. Dog, celui qui ne sait rien, qui ne dit rien, et qui ne fait rien, tombe amoureux de cette dernière, s’éloignant progressivement d’un Mirales meurtri par sa jalousie.
Loin d’être une simple histoire d’amour, Chien de la Casse ouvre la voie à une réflexion très politique sur les chances accordées aux jeunesses de nos campagnes. Joué à merveille par Raphaël Quenard, primé aux César comme meilleure révélation masculine, Mirales est un personnage étonnant : alors qu’il occupe son temps à citer Montaigne, tout en sachant bien rétorquer Elsa avec des références littéraires obscures, il est pourtant sans diplôme et sans perspective. Tout comme son ami qui serait bon-à-rien, Mirales illustre les anxiétés les plus profondes des jeunes adultes qui se retrouvent face au chômage dans les périphéries de notre pays.
Loin des banlieues de Paris ou de Marseille, vous témoignerez de la pauvreté de cette France-là, mais pas dans le premier sens du terme. En effet, il manque quelque chose à ces jeunes qui déambulent à longueur de journée sur les pavés de leur village : une direction. Chien de la Casse nous montre cette autre France qui souffre, alors même que le reste du cinéma semble s’attarder sur les quartiers sensibles des grandes villes.
Mais dans son premier long métrage, Jean-Baptiste Durand pose une autre question, plus implicite. Qui est-ce véritablement le Chien de la Casse ? Est-ce Dog, celui qui porte le nom de « chien » et qui n’a aucun sens de la motivation ? Est-ce Malabar, le boxer de Mirales ? Ou est-ce même son propriétaire, qui, malgré le charisme et l’énergie qui lui sont impulsés par Quenard, est rongé par sa jalousie et son profond désir de trouver un projet de vie ? Ce qui est certain, c’est qu’ils sont tous déjà aux portes de la casse.
A voir et à revoir, Chien de la Casse c’est le meilleur de ce cinéma français qui ose raconter la vérité de la société, qui interpelle, et qui crie « au secours » au nom de ceux qui en ont le plus besoin.
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