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Le 4 février dernier, le président du Salvador, Nayib Bukele, a été réélu pour un second mandat de 5 ans dès le premier tour, avec 84,65% des suffrages exprimés. Le jeune politique de 42 ans doit sa grande popularité à sa stratégie de lutte contre les bandes organisées. Le Salvador, petit État d’Amérique Centrale, a en effet été marqué, au cours des dernières décennies, par des violences perpétrées par “Mara Salvatrucha” et “Barrio 18.” Ces deux groupes criminels contrôlaient des quartiers entiers et y terrorisaient les habitants. Suite à son élection en 2019, Bukele a mené une “guerre contre les gangs,” faisant passer le taux d’homicide de 106 à 7,8 pour 100 000 habitants entre 2015 et 2022.

Cependant, la stratégie qui se cache derrière ce succès apparent n’est pas innocente. Après avoir essayé d’aboutir à un accord avec les gangs au début de son mandat, Bukele a profité de sa victoire aux législatives de 2021 pour déclarer, en mars 2022, un état d’exception qui est encore valable à ce jour. Cet instrument constitutionnel donne des pouvoirs exceptionnels au président et à la police, notamment en autorisant les arrestations sans procédure judiciaire. Plus de 71 000 personnes ont été ainsi arrêtées à ce jour, beaucoup sans recours à un procès. Selon de nombreux témoignages, des individus sont privés de liberté à cause “d’attitudes défiantes” ou même en raison de leurs tatouages, souvent associés aux gangs dans le pays. Le gouvernement salvadorien se vante également d’avoir fait construire le Centre de Confinement du Terrorisme, la plus grande prison sur le continent américain, qui héberge plus de 40 000 détenus. Selon quelques journalistes qui ont pu y accéder, les prisonniers n’y voient jamais la lumière naturelle, sont forcés de manger avec leurs mains et partagent d’énormes cellules avec près de cent autres détenus. En raison de ces manquements, le Haut Commissariat des Droits Humains des Nations Unies accuse le pays de violer le droit international, citant notamment 90 individus morts en détention et 7 900 plaintes déposées par les ONG locales. En un seul mandat, Bukele a donc fait du Salvador un état policier, ainsi que le pays avec le plus haut taux d’emprisonnement du continent.

 

Malgré toutes ces répercussions, les récents résultats électoraux semblent suggérer que le président demeure à ce jour extrêmement populaire. Toutefois, il faut prendre en compte le fait que son premier mandat a été dévastateur pour la fragile démocratie salvadorienne. En février 2020, alors que son parti, Nouvelles Idées, était minoritaire à l’Assemblée Législative, il y est entré en compagnie des forces armées pour s’assurer un vote favorable sur un certain nombre de textes. Ayant obtenu une large majorité depuis, il a employé son pouvoir pour emprisonner des juges et procureurs dissidents et les remplacer par des proches, notamment au sein de la Cour Suprême. 

 

Mais le plus grand coup aux institutions démocratiques du pays a été porté il y a quelques mois, lorsqu’il a annoncé sa candidature à l’élection. Selon la Constitution, la présidence est limitée à un mandat, et il faut attendre dix ans pour pouvoir se présenter à nouveau. Cependant, la Cour Suprême a revu cette clause en permettant à Bukele d’être présent sur les bulletins de vote à condition de céder symboliquement son poste à une des ses alliées, Claudia Rodríguez de Guevara, le temps de la campagne. Le processus électoral lui-même a été douteux : les partis d’opposition n’ont pas reçu les financements qui leur étaient dus, le système de comptage électronique a été suspendu dans la soirée, et Bukele s’est autoproclamé vainqueur avant les résultats officiels. Il a même annoncé 58 députés sur 60 pour son parti, alors que les données officielles ne lui attribuent en réalité “que” 54 sièges. Ce n’est peut-être pas très surprenant pour un homme qui se définit comme “le dictateur le plus cool au monde.”

 

Au-delà du Salvador, le succès de Bukele est une menace pour toute la région latino-américaine. Non seulement est-il proche de figures comme Javier Milei ou Jair Bolsonaro, mais son modèle inspire de plus en plus les leaders d’autres pays ravagés par la violence. En Honduras, pays voisin du Salvador, la présidente Xiomara Castro a annoncé un projet de construction d’une énorme prison sur une île pour y placer les membres de gangs. Daniel Noboa, élu président d’Equateur il y a trois mois, a également promis de la fermeté sur le plan sécuritaire, citant l’exemple salvadorien. Dans une région qui a tant souffert à cause des dictatures militaires à la fin du siècle dernier, les droits humains et la démocratie semblent encore une fois être remis en cause.

Sources principales:

 

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Pablo Martin Escuredo

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