Lors de la dernière Mostra de Venise, le film Priscilla, dernier long-métrage de la réalisatrice Sofia Coppola, remportait le prix de la meilleure interprétation féminine pour la performance de Cailee Spaeny, actrice américaine qui joue l’épouse du chanteur Elvis Presley. Lors de sa sortie dans les salles françaises, le film connaît pourtant un succès modéré avec seulement 145 000 entrées durant la première semaine.
Mon attention fût piquée de voir apparaître un nouveau biopic à propos de la famille Presley à peine deux ans après la sortie du film Elvis de Baz Luhrmann. Il n’est pas difficile de constater qu’il ne s’agit absolument pas d’un accord des deux réalisateurs tant les deux films diffèrent sur leurs visions de l’artiste.
Elvis retrace la carrière du King de ses premiers pas sur scène jusqu’aux années 1970, avant son décès, par le biais de sa relation complexe avec son impresario, le Colonel Parker. Le style cinématographique “bling-bling” et renversant de Baz Luhrmann est bien évidemment omniprésent, et concorde parfaitement avec les scènes se déroulant à Las Vegas. Elvis Presley y est globalement décrit comme victime de l’homme lui ayant ouvert les portes de la célébrité et le tenant sous emprise affective. Le film dépeint également la longue chute de l’artiste dans le néant de la drogue, ainsi que sa paranoïa grandissante.
Fidèle à son univers, Luhrmann met également un point d’honneur sur la bande originale du film, principalement composée des chansons de renommée mondiale du chanteur, dont certaines ont été remises au goût du jour, comme Hound Dog, rebaptisée Vegas et interprétée par Doja Cat.
Elvis Presley est joué par Austin Butler, qui s’est démarqué par un second rôle dans Once Upon A Time In Hollywood de Quentin Tarantino. Toutefois, c’est bel et bien son interprétation du King qui le projettera directement sous le feu des projecteurs d’Hollywood puisqu’il remporta alors le Golden Globe et le BAFTA du meilleur acteur, accompagnés d’une nomination aux Oscars dans la même catégorie. L’œuvre était également nominée pour le prix du meilleur film.
Ce long métrage reste intéressant pour en apprendre davantage sur la vie du chanteur, ses aspirations musicales et les différents retournements de sa carrière. Toutefois, le scénario du film ne laisse rien au hasard et certains détails primordiaux sont laissés de côté.
A l’inverse, s’il existe un film qui déconstruit le personnage d’Elvis, c’est bien Priscilla. Adapté de son autobiographie, Elvis and Me, publiée en 1985, inutile de mentionner que le chanteur n’y est pas décrit sous son meilleur jour. Le film se positionne à l’opposé d’Elvis, avec une colorimétrie beaucoup plus douce et pastelle, que nous pouvons retrouver dans d’autres œuvres de Sofia Coppola, tel Marie Antoinette. Le film retrace la vie de Priscilla Presley, née Beaulieu, depuis sa première rencontre avec le chanteur en Allemagne, en 1959, alors qu’elle est âgée de 14 ans, jusqu’à leur séparation en 1971.
C’est donc un Elvis plus que machiste qui apparaît à l’écran. La relation entre une jeune adolescente et un homme de 10 ans son aîné est dérangeante, et révèle l’emprise morale que la star possédait sur celle qui deviendra son épouse en 1967, soit 8 ans après leur première rencontre. Pendant ce lapse de temps, Elvis termine son service militaire en Allemagne, et rentre aux Etats-Unis dans l’optique d’entamer une carrière à Hollywood. Priscilla lui rend une première fois visite en 1962 et finit par s’installer définitivement à Memphis, où elle terminera ses années de lycée. Le film décrit donc l’entrée de l’adolescente à Graceland : elle y découvre la drogue, les tromperies, et la violence d’Elvis.
L’ambiance musicale du film est également révélatrice des intentions de la réalisatrice: aucune musique d’Elvis Presley ne figure dans l’œuvre. Si Sofia Coppola a confirmé qu’il s’agissait plutôt d’un problème de droits d’auteur, ceci ne fait que mettre en lumière la personnalité de Priscilla. La bande originale du film a été réalisée par Thomas Mars, du groupe Phoenix, et se trouve parfaitement en accord avec l’ambiance cinématographique coppolienne et celle des années 1960.
Toutefois, Priscilla n’a pas su conquérir l’ensemble de la famille Presley, à l’instar d’Elvis. Tandis que Priscilla Presley est créditée comme productrice déléguée du film et aurait laissé une forme de liberté artistique à Sofia Coppola, tout en conseillant Caileen Spaeny sur son interprétation. En revanche, Lisa Marie Presley, disparue au début de l’année 2023, s’était fortement opposée au scénario du film quelques mois avant son décès, dénonçant une vision particulièrement malsaine de son père et mettant en avant le coup que cela porterait à sa famille.
Plus globalement, les deux films apportent des approches bien différentes mais tout aussi intéressantes et qui me semblent complémentaires. Malgré tout, il me paraît clair que Priscilla apporte un aperçu nécessaire à la vision trop lisse d’Elvis Presley. Le film permet de mettre en lumière le caractère de Priscilla Presley, et nous procure la vision d’une femme ayant placé son bien-être devant les conventions sociales de l’époque.
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