Après les turbulences du printemps dernier, entre blocages, grèves pour la faim, et appel aux forces de l’ordre, le dialogue a officiellement été relancé entre la direction et les médias de Sciences Po.
Jeudi 29 août dernier, en plein engouement de la semaine d’intégration, un point presse a été organisé entre la direction de Sciences Po et le Sundial Press, Sciences Po TV, et RCB, ainsi que les médias locaux. Le but était clair : échanger pour amoindrir les tensions, et aller de l’avant. Jean Bassères, directeur provisoire de Sciences Po, Jeanne Lazarus, doyenne du Collège universitaire, et Crystal Cordell Paris, directrice du campus de Reims, étaient tous présents à cette occasion.
Nouveaux étudiants et nouveau semestre riment avec nouveaux enjeux et nouvelles ambitions. Mais éviter le passé semblait impossible, tant les mobilisations de mai dernier ont créé des remous et des tensions entre étudiants et direction. Ainsi, le malaise était indéniable quand est venue la question des rassemblements pour la Palestine. Malgré cela, la direction a insisté sur la nécessité de regarder vers le futur du « projet formidable » de Sciences Po, ainsi que le besoin de « dire ce qui [ne] va pas, et aussi dire ce qui va très bien ».
Jean Bassères sur l’appel aux forces de l’ordre : « c’était un échec, mais si c’était à refaire, je le referais »
La fin de l’année dernière a été marquée par une période d’examens plus que mouvementée. En raison des blocages, des examens sur le campus de Reims avaient été reportés, et ceux du lendemain ont été organisés à l’Université de Reims Champagne-Ardenne, dans l’espoir d’éviter un nouveau report. Alors que des étudiants lancent un nouveau blocage, le recours aux forces de l’ordre a été effectué par la direction de l’URCA, afin de permettre le passage de l’examen.
Jean Bassères a expliqué n’être pas « satisfait d’une crise » et a exprimé quelques regrets, notamment « en termes de communication » et de manque de dialogue.
Tout de même, le directeur provisoire de Sciences Po a évoqué des revendications « impossibles » à satisfaire, à savoir « arrêter de parler avec des universités israéliennes ». Il a aussi justifié la gestion de la crise par le franchissement de la « ligne rouge », c’est-à-dire la tentative de blocage et d’annulation des examens. Ainsi, il a exprimé un regret concernant « [l’]échec » de l’appel aux forces de l’ordre, tenant tout de même à souligner que « si c’était à refaire, [il] le referai[t] ». Son argument : le bon déroulement des examens au sein d’une université, pour « l’intérêt des étudiants », afin de mieux les former au marché du travail, et de ne pas « dévaloriser » leur diplôme.
Alors que cette mobilisation des forces de l’ordre, le 13 et le 14 mai dernier, a été largement critiquée, Crystal Cordell, directrice du campus de Reims, a au contraire maintenu que « Sciences Po [Reims] n’a […] jamais demandé l’intervention [des forces] de l’ordre ».
Sur le sujet des sept étudiants du campus de Reims toujours en commission de discipline, Jean Bassères, d’un ton vif, a été sans appel, estimant que l’étudiant qui a revendiqué de manière illégale doit « s’attendre à des sanctions ». Insistant sur sa compréhension de la portée émotionnelle du conflit Israël-Hamas pour les étudiants, il a ajouté que les événements de mai dernier, seraient, selon lui, le résultat d’une « radicalisation des expressions et [de la] polarisation ».
Jean Bassères a conclu en insistant sur le besoin de renouer un lien de confiance avec la communauté étudiante et les associations du campus, à travers les town hall, un dialogue plus soutenu, et une communication plus assidue à réaliser sur l’implication de Sciences Po dans « le soutien des étudiants palestiniens, des chercheurs ».
Crystal Cordell, de son côté, a reconnu l’année passée compliquée en raison de « plusieurs mobilisations » mais a salué le « dialogue ouvert très respectueux », selon elle, tenu à Reims.
Nouvelle direction de Sciences Po : « ce qui est important, c’est le projet »
Jean Bassères, en poste depuis fin mars 2024 et la démission de Mathias Vicherat, a préféré mettre les choses au clair dès le début, précisant qu’il n’était pas candidat à sa propre succession. À la place, il a détaillé le processus de sélection des candidats, qui sont à présent trois en lice pour être directeur, ou directrice de Sciences Po : Arancha Gonzalez Laya, la doyenne de l’école des affaires internationales de Sciences Po, Rostane Mehdi, directeur de l’Institut d’études politiques (IEP) d’Aix-en-Provence, et Luis Vassy, diplomate et directeur de cabinet du ministre démissionnaire des affaires étrangères.
Interrogé sur ce que pouvaient espérer les étudiants sur l’identité de leur nouveau directeur, Jean Bassères est resté évasif, préférant s’appuyer sur l’importance du projet, et sur la « personnalité de la future directrice ou du futur directeur », qui, selon lui, déterminera la gestion d’enjeux prochains.
La gestion des violences sexuelles et sexistes (VSS) : « objectivement, […] beaucoup de choses ont été faites », mais un travail supplémentaire s’impose.
Alors que l’affaire des violences sexuelles et sexistes autour de Mathias Vicherat avait brisé la confiance entre la direction et les étudiants, ces derniers espèrent plus d’effort en matière de gestion des VSS. Pourtant, le directeur provisoire de Sciences Po a préféré insister sur les « dispositifs de qualité » de Sciences Po, soulignant que « objectivement, beaucoup de choses ont été faites ».
Selon lui, les syndicats étudiants n’ont pas « soulevé beaucoup de critiques et d’oppositions » sur les dispositifs visant à supprimer les VSS. De plus, pour lui, il serait dur d’améliorer l’efficacité des formations, des « dispositifs d’écoute, d’accompagnement, internes, externes, [des] lignes d’écoute, [et des] dispositifs d’enquête » .
Toutefois, conscient du mécontentement et de l’inquiétude des syndicats et d’une grande partie des étudiants, Jean Bassères a reconnu la nécessité de continuer à travailler sur la prévention des VSS, et a affirmé vouloir relancer les échanges, en travaillant sur l’« écoute » et le « soutien ».
Pierre Catalan, directeur de la vie étudiante, a aussi montré sa volonté de travailler sur le sujet en entretenant la « bonne complémentarité » avec les associations étudiantes.
Pour l’année à venir : retrouver « la culture du débat, de l’écoute, de la compréhension »
Ainsi, alors que la pression médiatique avait été de mise sur Sciences Po après les évènements de mai dernier, Jean Bassères n’a pas considéré qu’il y aurait de « conséquence grave » pour l’attractivité de l’école. Il a notamment rappelé la hausse de 9% des candidats pour le collège universitaire via Parcoursup cette année, par rapport à celle d’avant. Il a notamment présenté l’objectif de maintenir le rang de deuxième université mondiale en science politique.
Tout de même, les candidatures étant envoyées en avril, et les blocus ayant eu lieu environ un mois après, il est possible que l’effet réel de cette crise n’ait pas encore été réellement mesuré.
Interrogé sur les nouveautés pour l’année à venir, Jean Bassères a insisté sur le besoin de retrouver une « culture du débat » notamment « dans le respect du pluralisme » et « de l’écoute ». Il a également évoqué la nouvelle réforme de processus d’admission à Sciences Po, qui accorde 50% de la note finale à l’oral; laquelle, selon lui, permet de « percevoir réellement une personnalité ».
Le directeur provisoire de Sciences Po a tout de même précisé qu’il ne serait plus à son poste à partir d’octobre 2024, conseillant à la prochaine direction de travailler sur la confiance avec la communauté étudiante, en proposant notamment, par rapport à la crise actuelle, des « grandes conférences sur l’histoire du Proche-Orient ».
Jeanne Lazarus, doyenne du collège universitaire de Sciences Po, bien que satisfaite du « formidable projet » de l’école, a de son côté évoqué pour l’année à venir un besoin de « poser des questions de façon franche ».
Afin de finir sur une note positive, Crystal Cordell a préféré aller de l’avant, insistant sur le besoin de « dire ce qui [ne] va pas, et aussi dire ce qui va très bien ». Sur ce, la directrice du campus de Reims s’est montrée pleine d’enthousiasme pour l’année à venir, évoquant « un sentiment de fierté des étudiants, et des associations lors de la semaine d’intégration, faisant de Reims un « campus de cohésion ». Pour l’année à venir, son objectif est clair : montrer que la « ressource Sciences Po, c’est quelque chose de très précieux ».
Ce point presse avec la direction de Sciences Po a été réalisé le jeudi 29 août 2024, à 11h30, grâce à la présence de Sciences Po TV, Reims Campus Broadcasting, The Sundial Press, et de médias locaux. La direction de Sciences Po avait été informée des questions la veille.
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