Mamie a toujours mis de l’eau dans son vin pour atténuer le goût de l’alcool. Et j’ai toujours trouvé cela incongru. Mon grand-père affirmait que ce mélange était tout simplement infect. Mais elle lui rétorquait qu’elle ne perpétuait qu’une vieille tradition médiévale. « Jadis…» commençait-elle. Elle n’avait jamais le temps de terminer : « Tu nous l’a déjà raconté cinquante fois ! ».
La première fois que j’ai goûté du vin, j’étais âgée de treize ans. C’était aussi la dernière fois. « Juste un fond ! » avait ordonné ma mère. J’ai dix-huit ans et je bois toujours du jus d’orange sans pulpe.
Avant de me voir en soirée, on prétend souvent que je ne suis pas drôle, un peu trop raisonnable et bien dans le rang. Mais je crois qu’à partir du moment où tes parents t’incitent eux-mêmes à boire de l’alcool, c’est que le problème ne vient pas de là. Non, non, en soirée, je n’ai jamais eu besoin d’alcool pour m’échapper de mon quotidien un peu plat. Ceux qui m’y ont déjà vu le savent, au point de ne pas me croire quand je leur affirme que je n’ai pas un nanogramme d’alcool dans le sang. Oui, oui, quelques amis et un bon son de R&B m’ont toujours suffi.
Pas une goutte d’alcool dans mon verre donc. Rien du tout même, puisqu’aucun adulte ne prévoit du jus d’orange sans pulpe pour une soirée entre copains. Mais je ne suis jamais morte de soif pour autant. À défaut de me remplir d’alcool, je me remplis de cris, de danses et d’éclats de rire. C’est, au fond, ce dont j’ai vraiment soif. Alors si tout le monde croit que mon verre est vide, moi je le vois toujours bien plus qu’à moitié plein.
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