Ce texte figurait initialement dans notre édition imprimée d’automne 2024.
Je sais pas si c’est de l’amour, après tout j’y connais pas grand chose
Au fond ça ne change rien, enfin je crois
Je crois l’aimer et c’est presque comme l’aimer pour de vrai
– encore faudrait-il qu’aimer pour de vrai ait un sens –
Qu’est-ce que j’aime : ses pensées, ses réflexions, son physique ?
Est-ce que c’est suffisant ? Est-ce qu’on est obligé d’aimer pour une raison ?
Est-ce que l’amour ça se justifie comme une formule de maths ou une peine de prison ?
Est-ce que je sais aimer ? Est-ce que ça s’apprend ? Est-ce que c’est inné, comme une sorte de talent qui ne peut pas être enseigné ?
Aimer c’est du temps
C’est sentir tomber les œillères… et savoir qu’on les a gardées malgré tout
Ça veut dire souffrir et s’ouvrir
Rester et partir
Se poser sur les épaules d’un être humain pour un délai incertain
Quitter sa propre tête et sa propre terre pour affronter des contrées étrangères, sans nom et sans couleur, goûter à d’autres sons, caresser des odeurs
Aimer une personne c’est toujours aimer ce qu’on plaque sur elle
Il y a des souvenirs
Des blessures cruelles
Parfois c’est un gros bric-à-brac de références éclectiques
Son tic à la lèvre te rappelle quelqu’un dans un film aussitôt vu, aussitôt oublié
Ses cheveux sont ceux de ta mère, en un peu plus bouclés
Son pull vert évoque les herbes folles de l’été, quand tu lisais à l’ombre des guêpes et des abricotiers
Aimer c’est du temps pour tenter de sortir de soi-même
Pour explorer l’autre et accepter
l’incohérence de ses identités
Ses contradictions, ses impatiences, ses ambiguïtés
J’ai pas de réponse à apporter
Je dis pas que tout est facile, mais qu’il faut se laisser aller
Sans lâcher prise, y’a pas de surprise
Sans abandon, y’a pas de passion
Il n’y a que des corps qui se tordent pour plaire et pas pour se révéler
Mais l’amour, ce n’est pas l’artifice
L’amour ça fait des taches de dentifrice
Parce qu’on a trop ri en se brossant les dents,
Parce qu’on a oublié d’arrêter de se comporter comme des enfants
L’amour c’est une régression
C’est un désapprentissage
Les masques tombent
Les sens se désarment
On dérégule tes émotions, alors ça te brûle et tu t’en fous parce que t’es fou, t’es fou et ivre de tout ce qui s’agite dans ton ventre
Et tu sais que ce qui vit en toi est toujours de bonne foi
Écoute ton ventre
Le reste suivra
Le temps t’explosera au visage
Alors n’hésite pas à partir en voyage
Tes pas survoleront des rives sauvages
Tu tourneras des milliers et des milliers de pages
Tu auras froid parfois, mais ne crains pas les engelures,
Après l’hiver viendra l’émoi et le temps des brûlures.
Other posts that may interest you:
Discover more from The Sundial Press
Subscribe to get the latest posts sent to your email.