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C’est un soir d’été où la bruine miséricordieuse pleure sa nostalgie de l’hiver enneigé. C’est un soir d’été où, en haut de la colline nue d’arbustes, soupire un vieux chêne qui a eu peur toute sa vie d’un jour étouffer de solitude. C’est un soir d’été où les nuages d’un temps passé se posent en couverture sur l’herbe humide, habitée d’enfants fourmis. Puis, tout à coup, sans que la nature elle-même, dans son repos éternel, ne l’entende venir, une bicyclette au grincement strident fend l’herbe de ses roues usées et vient s’accouder, de tout son épuisement, contre le chêne qui n’a rien demandé. C’est un soir d’été. 

Et toi, toi la colline qui porte cette image, toi la colline qui porte cet enfant terrassé, toi, tu pleures davantage encore, en pâquerettes qui éclosent, tu pleures de ne pouvoir l’aider, cet enfant encapuchonné de son manteau noir. Et toi, toi la colline des rêves stéréotypés, toi la colline de tous les livres de mes fabriques préférées, toi, tu pleures de ne pouvoir t’échapper. Et toi, toi la colline d’un soir d’été, toi la colline sous la bruine passagère, toi, tu étouffes aussi, étranglée par toutes ces racines si vieilles et si maladroites, qui sont en ton corps autant de chaînes que la nuit compte d’étoiles. Et toi, toi, la colline. 

C’est l’œil de cet enfant qui attire le regard du ciel. C’est l’œil de cet enfant, triste et mélancolique, qui attire la lumière du soir. Car dans le fond de cette pupille, brûlent des flammes qui se battent en duel sur le ring du désespoir. Puis, flammes en cendres, cendres d’un espoir sur lequel on a soufflé trop fort. C’est le regard d’un jeune homme qui a trop vu, le regard d’un jeune qui sait que les pâquerettes sont des larmes et les racines des chaînes. C’est un regard luisant d’une larme que l’enfant retient, sans jamais la ravaler complètement. C’est l’œil de cet enfant, celui qui vous dévisage avec un air de reproche, comme si votre ignorance se lisait sur vos visages. Mais, sous sa capuche mouillée, il sourit, sans que vous ne le voyiez. C’est un enfant qui sourit toujours du beau papillon, tatoué au creux de la main qui le frappe. C’est l’œil de cet enfant, et tout ce que la colline en comprend, qui attire le regard du ciel. 

Alors, l’enfant reprend sa bicyclette, remet son manteau noir correctement et s’en va, sans un regard en arrière. Ni pour le chêne, ni pour le soleil. Il s’en va. Il prend la pente en pleine face, il la descend sans virage, sans détour, car il n’a pas peur de tomber  ; il sait se relever. Ses muscles vibrent sous le soubresaut des roues déjantées, et sa capuche griffe sa tête pour espérer tenir encore un peu. Son cœur sursaute à chaque nouvelle pierre sous le pneu troué du vieux vélo, mais ce cœur, de toute façon, n’a déjà plus de place pour de nouvelles cicatrices. Alors l’enfant laisse ses pieds aux quatre vents, il laisse les pédales s’emballer, il les laisse embrasser le vent à la vitesse de la lumière, loin de la lenteur de la paresse que l’enfant ne connaît pas.

L’enfant roule, et la colline, qui sait ce que cache ce manteau noir, est triste de ne pouvoir l’en sauver. Alors, en étouffant des cris d’impuissance, elle se recroqueville sur elle-même et prie dans le langage des fées, 

“Que l’enfant ait quelques braises d’espoir pour survivre encore ce soir.”

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    Galliane Langsweirt

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