Elle était seule, dans la nuit, à danser sous les étoiles argentées. Elle se balançait dans l’air nocturne, recouverte d’une robe de rosée et les pieds nus. Elle fuyait les grands bals costumés où les masques et les murmures dictent les humeurs comme une tyrannie insipide. Elle en avait fait les frais. Ça l’en avait dégoûté. Alors elle dansait seule, s’accordant parfaitement avec elle-même. Elle vivait et tournoyait sur ses propres mélodies, dans la sérénité de la solitude, sans la moindre crainte que quelqu’un ne puisse la faire vaciller. Elle vivait ainsi, à l’abri de la foule, à l’abri des regards, à l’abri des autres, invincible.
Jusqu’au jour où un être bien singulier vint l’inviter à danser. Il avait des pas à lui et dansait à contre-temps des autres. Les médisances ne l’atteignaient pas, la mélasse à son entrée faisait place et il semblait pouvoir valser sans la moindre contrainte dans ce bain de foule. Elle était émerveillée. Elle aimait danser sous la lune, mais danser sous le soleil des projecteurs, c’était encore mieux.
Alors, elle renfila sa robe de soirée et revint sur la piste de danse, portée par son partenaire, et bientôt, elle n’eut plus peur de rien. Elle s’enivrait des sourires qu’on lui tendait et des tendresses qu’on lui offrait. Les regards sévères ne l’inquiétaient plus, et même, ils l’amusaient. Toutes ces épines ne pouvaient atteindre son cœur, protégé par une paroi de cristal forgée par la lune. Elle n’en était que plus ravissante, cette jeune fille mystérieuse, tombée de la lune et plus forte que le tempo. Et elle dansait sur ce ternaire délicieux qui semblait rythmer son triomphe et dont elle dictait les pas. Tout le monde la suivait et tout le monde l’admirait.
Mais la fête est bien longue et à force de trop d’ivresse, elle trébucha, mal habituée à ces talons mondains. Personne ne la releva. Personne ne vint à son secours. Son partenaire était trop loin, il ne la vit pas. Les autres trouvèrent vite d’autres occupations et la fête se poursuivit alors qu’elle restait au sol. Et c’est à cet instant que ça la frappa, comme une ultime leçon de vie. À quoi bon s’élever sous le soleil, à quoi bon recevoir mille compliments, si personne ne vous relève de vos chutes. À quoi bon, si personne n’est là quand vous perdez le rythme.
Alors, elle retourna sous la lune et dansa jusqu’au matin, sur sa propre musique. Elle mit sa tristesse dans ses mouvements et elle savoura la nuit, seule, mais libre. La lune lui murmura alors que rien n’égalerait jamais la savoureuse magie qui la faisait briller dans le noir.
Other posts that may interest you:
Discover more from The Sundial Press
Subscribe to get the latest posts sent to your email.