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Mur de Berlin, East Side Gallery, anonyme : “Tu as appris ce que la liberté signifiait et ça ne l’oublie jamais”. © Amandine Hess

“La plus grande extravagance culturelle qu’on puisse imaginer”. Cette description de la capitale allemande par David Bowie remonte aux années 70 mais n’a pas pris une ride. Extravagance culturelle et excentricité assumée, les Berlinois sont libres d’exhiber leur individualité. A Berlin, la normalité ne se conjugue pas seulement au singulier. Être mainstream serait justement de ne pas l’être. Et cette tendance n’est pas nouvelle. En 1800, le compositeur Autrichien Franz von Suppé incitait déjà tous ceux ayant encore un petit grain de folie à se rendre à Berlin : “Du bist verrückt mein Kind, du musst nach Berlin!” (Tu es fou mon enfant, tu dois te rendre à Berlin !).

Chaque bar se targue de sa propre identité et les ambiances sont aussi multiples que les variétés de bières proposées (à consommer avec modération). Que vous soyez amateur d’art ou noctambule en plein pèlerinage de musique électro, la capitale allemande saura vous marquer. Bien que l’offre culturelle ne manque pas, avec plus de musées que de jours de pluie, nul besoin de payer pour se cultiver : la ville est elle-même une galerie historique à ciel ouvert. Le nom des stations de métro ou des avenues vous rappelleront ainsi les lointains souvenirs de vos révisions du bac d’histoire, dont l’incontournable chapitre “Berlin dans la guerre froide”.

Voici une liste non-exhaustive des incontournables et des coups de coeur de trois Sciencespistes qui ont opté pour Berlin comme destination de “Spring Break” … sans avoir prévu la vague de froid sibérien qui traverserait l’Europe. Si vous voulez éviter les -20°C, nous vous conseillons de visiter Berlin au printemps. Si, comme nous, vous avez tout de même envie de braver le froid de février, ne manquez pas de réserver bien en avance votre place pour une projection à la Berlinale, le festival international de cinéma de Berlin. Créé à l’origine en 1951 dans le contexte de guerre froide, le festival devait représenter une “vitrine du monde libre”. Son fondateur, Oscar Martay, était un officier américain travaillant au gouvernement du secteur américain. Les femmes étaient à l’honneur lors de cette 68ème édition du festival et le film Touch Me Not de la réalisatrice roumaine Adina Pintilie a remporté le célèbre Ours d’or.

“Est-ce qu’on pourrait visiter des endroits normaux ?” me demande, lassé, mon compagnon de route. Honnêtement, qu’est-ce que la normalité ? La raison de la dispute qui s’ensuit est mon coup de coeur numéro 1 mais son cauchemar numéro 1. Je vous décrirais le parc de Mauerparkt comme incontournable, alors que mon acolyte vous le décrirait comme l’endroit à éviter à tout prix. Nous sommes alors un dimanche après-midi, il fait -15°C, et nous nous promenons dans ce parc fétiche des Berlinois à travers le Fleemarkt, le marché à puce. Là, vous pouvez y dénicher des vestes Adidas flamboyantes des années 80, des manteaux en jean du temps de la RDA, du café turc bien chaud, des bijoux indiens et autres objets en tout genre. Le froid et l’absence de public n’empêchent pas un jeune guitariste de jouer comme s’il performait à la Waldbühne, célèbre scène de concert. Le froid pousse les visiteurs frigorifiés à se regrouper autour d’un réchaud ou dans un bar en bois où un saxophoniste joue aux côtés d’un rappeur qu’il vient de rencontrer dans la rue. Etrangement, le froid délie les langues et rend l’atmosphère extrêmement chaleureuse. Mon voisin, un local de 60 ans, nous donne son adresse, numéro de téléphone et adresse email au cas où nous revenions pour nous faire visiter “Berlin, l’Allemagne et la République Tchèque !”. En été, le parc accueille un gigantesque karaoké en plein air qui attire les foules. Une expérience à ne pas rater !

Plus traditionnel mais tout aussi immanquable, East Side Gallery est le vestige le plus célèbre du Mur de Berlin. Avec le béton brut pour support, les artistes du monde entier se sont réappropriés ces pans de mur pour transmettre leurs messages de paix et de liberté. Un acte typique est de s’embrasser devant la peinture “My God, Help Me to Survive This Deadly Love !” de l’artiste de rue russe Dmitri Vrubel représentant le baiser de la fraternité entre les ex-dirigeants respectifs de l’URSS et de la RDA, Brejnev et Honecker. Je ne peux alors m’empêcher de me remémorer les lignes du poète Sud-Africain Oswald Mitshali :

“Man is a great wall builder

The Berlin Wall

The Wailing Wall of Jerusalem

But the wall most impregnable

Has a moat

flowing with fright

around his heart

A wall without windows for the spirit to breeze through

without a door for love to walk in”.

 

Voici quelques itinéraires pour organiser vos excursions.

Itinéraire 1 : Commencez par cet autre vestige de la guerre froide et rendez-vous incontournable des touristes, Checkpoint Charlie, célèbre poste-frontière entre le secteur Ouest américain et le secteur Est soviétique. A proximité se trouve le Musée du Mur – Musée Maison de Checkpoint Charlie – qui retrace la division de la ville, la construction du mur et les luttes pacifistes. Rendez-vous ensuite au Mémorial aux Juifs Assassinés d’Europe. Un lieu de commémoration, de réflexion et de mise en garde. Le visiteur s’aventure et s’enfonce dans le labyrinthe parfois angoissant de 2711 inégales dalles de béton. Le centre d’information situé en dessous tente de sortir les victimes de leur anonymat. Dans la “salle des noms” sont lus les noms et courtes biographies des victimes juives originaires de toute l’Europe. La lecture sous cette forme prendrait six ans, sept mois et 27 jours pour faire le récit de la vie de toutes ces victimes. La porte de Brandebourg surmontée de son quadrige, située non loin, est un symbole de Berlin. Inaugurée en 1791 pour le roi de Prusse Frédéric Guillaume II, elle a été centrale dans l’histoire de l’Allemagne et la construction de l’Etat. Elle ouvre à l’Ouest sur la Place du 18 Mars, où débute à cette date éponyme, en 1848, le Printemps des peuples germaniques, qui n’est pas sans rappeler nos cours d’histoire du premier semestre de première année … De nombreuses manifestations sont organisées aujourd’hui encore sur cette place, en référence au révolutions de 1848. Le jour où nous passons, des manifestations pacifiques pour la Syrie et pour Cuba y prennent place. Le palais du Reichstag, qui abrite le Bundestag ou Parlement, se situe non loin et se visite sous réservation.

 

Itinéraire 2 : Débutez votre journée au Berliner Dom. Cette imposante église protestante est magnifique de l’intérieur comme de l’extérieur et son sommet offre une vue saisissante sur toute la ville. Des concerts de musique classique y sont régulièrement organisés. L’île aux Musées, sur laquelle se trouve la cathédrale, est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. En face se trouve le musée de la RDA qui présente la vie et la culture populaire sous la République démocratique Allemande. Vous pourrez ensuite évoluer dans les ruelles du quartier médiéval de Nikolaikirche et vous régaler d’un gulasch dans l’une de ses nombreuses tavernes.

 

Itinéraire 3 :

Si vous parvenez à résoudre ce rébus historique, vous obtiendrez une invitation pour cette destination. Indice : Voltaire a été hôte de marque de ce château, résidence d’été du roi prussien Frédéric le Grand … Un jour le philosophe reçoit une missive du Roi contenant cette énigme qui, déchiffrée, signifie  “Venez souper à Sanssoucis”. Ce à quoi il lui répond : “Ga”, soit “J’ai grand appétit”.

Optez donc pour une journée au palais rococo de Sanssouci à Potsdam, que vous soyez parvenu à résoudre l’énigme ou non, accessible en 45 minutes en train depuis Berlin. Ce “Versailles prussien” mérite bien son nom, loin de l’agitation du centre-ville. Vous aimerez vous perdre dans ses immenses jardins, l’orangerie ou découvrir ses multiples pavillons.

 

Intense, stimulante, surprenante… Chacun décrira la vie nocturne berlinoise à sa façon, mais une chose est sûre, Berlin mérite sa réputation de “clubbing city” et de capitale de la musique techno. Certains disent que la retenue est tombée en même temps que le mur. La culture du clubbing s’est développée alors que les Berlinois célébraient leur liberté retrouvée. Trésor, Kitkatclub, Berghain… Ces noms ne vous sont sûrement pas inconnus. Alors que le Trésor est le club par lequel la musique techno est arrivée à Berlin, libertinage et musique électro se combinent au Kikatclub et au Berghain. Comme le dit le dicton populaire, “Ce qui se passe au Berghain, reste au Berghain”. Cependant, chaque bar et discothèque présente sa propre ambiance, à vous de trouver celle qui vous correspond le mieux. Avertissement : l’air est souvent irrespirable puisqu’il est légal de fumer à l’intérieur.

 

Concernant la gastronomie locale, la currywurst est une institution. Comme son nom l’indique, c’est une saucisse au curry. Un musée et une chanson éponyme lui sont même dédiés. Une autre institution est le döner ou kebab, créé dans les années 70 par la communauté turque à Berlin. Les touristes n’hésitent pas à patienter plusieurs heures dans la file d’attente de Mustafa’s Gemüse Kebab pour en obtenir un. Pour éviter l’attente, privilégiez les heures en dehors des repas.

Enfin, il y a de ces mots intraduisibles. “Gemütlich” est l’un d’eux. On dirait “confortable” en français, mais le sens en sort néanmoins appauvri. Donc, si vous recherchez des coffeeshops bien “gemütlich”, aventurez-vous dans les quartiers un peu bohème de Kreuzberg ou Friedrichshain.

Quand j’étais petite, mon père me racontait l’histoire du Rattenfänger von Hameln, le joueur de flûte qui attirait les enfants et les rats hors du village d’Hamelin avec sa musique envoûtante. La capitale berlinoise saura aussi bien que le Rattenfänger vous attirer avec ses airs d’excentricité, d’extravagance et de liberté. Le son de la flûte a seulement été remplacé par la musique électronique et la techno. Alors on danse ?  

Mur de Berlin, East Side Gallery : Ratenfänger ou joueur de tuyau ? ©Amandine Hess

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