En 2014, lors des élections européennes précédentes, l’abstention en France était de 56,5%. Le véritable enjeu pour ces nouvelles élections, au-delà de celui des résultats, concerne donc la mobilisation des électeurs, en particulier dans un contexte de Brexit et de remise en cause de l’Union Européenne.
La nouveauté du scrutin français, impliquant le retour aux listes nationales et l’abandon des 8 circonscriptions régionales, voté en juin 2017 par l’Assemblée nationale, a pour vocation de mobiliser les électeurs davantage. En passant à un modèle basé sur une unique circonscription nationale, nous pouvons nous attendre à une couverture médiatique plus importante étant donné que les listes candidates seront les mêmes pour tout le territoire. D’après le gouvernement, cette mesure permettrait d’accroître l’intérêt des Français pour ces élections et d’en faire un moment de vie démocratique nationale.
Autre nouveauté de ces élections européennes 2019, la réduction du nombre de députés. Le passage de 751 à 705 parlementaires européens s’explique par le présumé départ des députés britanniques, suite à leur sortie de l’Union européenne attendue fin mars, laissant ainsi 73 sièges vacants. Il a été question de transformer ces sièges laissés vacants en mandats élus par des listes transnationales communes à tous les pays membres, ce qui aurait donné lieu aux premiers représentants élus par une unique circonscription européenne. Bien que cela puisse sembler anecdotique, de telles listes transnationales seraient un changement important dans la conception de la souveraineté européenne, aujourd’hui inexistante ou réduite à l’addition des souverainetés nationales des pays membres. Le Parlement européen a finalement préféré une autre alternative : supprimer 46 sièges et répartir les sièges restant aux pays membres en fonction de l’augmentation de leur population. La France a ainsi gagné 5 sièges, passant de 74 à 79 députés. Cela serait l’occasion pour des petits partis d’accéder au Parlement européen.
Dans le climat actuel du mouvement de contestation, voire d’insurrection des gilets jaunes, les élections européennes pourraient être traduite en un “vote sanction” envers le Président Emmanuel Macron et sa majorité LREM (La République En Marche) à l’Assemblée. Le risque serait de voir ces élections détournées de leur but premier et se muer en règlement de compte national.
Le 2 février, le Journal Du Dimanche révélait qu’un scénario de référendum en réaction à la crise des gilets jaunes, organisé le même jour que les élections européennes, serait en préparation par le gouvernement. Ce scénario fait également craindre une mise au second plan des enjeux européens au profit des enjeux nationaux. Par ailleurs, la possibilité exprimée par plusieurs personnalités gilets jaunes de constituer une liste gilet jaune et de la présenter aux élections européennes montre que ce mouvement s’est saisi de la question européenne. Selon plusieurs sondages Ifop, Ipsos, Oxada et Elabe, une telle liste “gilets jaunes” accueillerait entre 7,5 et 13%.
Le groupe LREM-UDI et le Rassemblement national restent tout de même largement en tête. Le groupe LREM-UDI est crédité de 19 à 23% des intentions de vote selon ces mêmes sondages. En présence ou non d’une liste gilet jaune, ces intentions de vote restent inchangées, ce qui n’est pas le cas pour le Rassemblement national. Selon le sondage Ipsos, le Rassemblement national recueillerait 14% des suffrages en cas de liste gilet jaune, contre 17% sans liste gilet jaune. Une perte de 3% qui se vérifie également dans les autres sondages, notamment dans le sondage Oxada annonçant le Rassemblement national en tête avec 24% des suffrages, contre 21% en présence d’une liste gilets jaunes.
Pour ce qui est de la situation à gauche, les votes sont dispersés en raison d’un paysage politique éclaté, ce qui ne permet pas encore l’émergence d’une liste de gauche pouvant s’affirmer comme une concurrente sérieuse dans la course entre La République En Marche et le Rassemblement national pour la place en tête des suffrages.
Ailleurs en Europe, on assiste également à une montée inquiétante des partis eurosceptiques d’extrême droite. En Italie, la progression de La ligue du Nord (parti eurosceptique d’extrême droite) est frappante. Alors que ce parti n’avait reçu que 6,2% en 2014, il est annoncé en en tête pour les élections de 2019 avec 31% à 34% des voix selon des sondages Piepoli et Euromedia. Selon ces mêmes sondages, l’autre parti de la majorité gouvernementale, le Mouvement 5 étoiles (parti populiste et eurosceptique) est un peu derrière, dans une fourchette avec entre 24% et 28% des voix. En 2014, le Parti démocrate de centre gauche avait recueilli 40,8% des suffrages mais depuis l’échec du référendum constitutionnel en 2016 qui a entraîné la démission du gouvernement de Matéo Renzi et une crise interne du parti, celui-ci a perdu beaucoup d’électeurs et n’est aujourd’hui crédité que de 16% à 18% des votes.
En Pologne également, le parti eurosceptique Droit et justice est en prise de vitesse. En 2014, le parti pro-européen de centre-droit Plate-forme civique était arrivé au coude à coude avec Droit et justice, remportant chacun 19 sièges. Cependant, depuis la défaite aux élections présidentielles de 2015 de Bronisław Komorowski (Plate-forme civique) face à Andrzej Duda (Droit et justice), le parti eurosceptique de ce dernier s’est imposé comme la force politique majoritaire du pays. Selon Der (europäische) Föderalist, Droit et justice devrait remporter 25 sièges au parlement européen, soit 6 de plus que lors des précédentes élections tandis que Plate-forme civique perdrait 2 sièges.
Enfin en Hongrie, le parti illibéral et eurosceptique de Viktor Orbán, Fidesz, est largement en tête. Toujours selon Der (europäische) Föderalist, la liste Fidesz devrait remporter la majorité des sièges avec 14 des 21 sièges de la Hongrie au parlement européen.
Cette montée des partis d’extrême droite en Hongrie, en Pologne, en Italie mais aussi en France, pourrait renforcer le groupe parlementaire européen Europe des Nations et des Libertés (ENL), à la ligne eurosceptique, nationaliste et anti-immigration. Aujourd’hui le plus petit groupe parlementaire avec 37 députés, Der (europäische) Föderalist estime que le groupe ENL atteindra les 63 députés suite aux élections à venir, ce qui en ferait le quatrième groupe parlementaire européen en nombre de députés.
Le futur de l’Union européenne est-il illibéral, social, ou inexistant ? L’Union européenne est ce que nous en faisons. Ses institutions actuelles fondées sur les souverainetés nationales et l’économie de marché peuvent être réformées. Si elles ne le sont pas, il est probable que l’Union européenne sera bientôt une chose du passé.
Petit rappel : vous avez jusqu’au 31 mars pour vous inscrire sur les listes !
Cover Photo : andriano_cz – Crédits : iStock
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