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La célébration du 70ème anniversaire de l’OTAN a eu lieu à Londres début décembre. Des sujets de discussion et de tension divers et variés ont été traités par les États réunis en cette occasion. Néanmoins, l’OTAN tel qu’il fonctionne aujourd’hui est-il durable? A-t-il encore un rôle légitime dans la sphère géostratégique mondiale? Il est peut-être temps pour l’Union Européenne de penser à créer un domaine militaire européen indépendant.

Les sujets à l’ordre du jour et les tensions actuelles. 

Tout d’abord, la question du budget de l’organisation, et celui de chaque État-membre souligne les divisions des différents acteurs. En effet, sous l’impulsion américaine a été fixée une norme : chaque État-membre de l’OTAN doit consacrer au moins 2% de son PIB au budget de la défense nationale. Seuls neuf pays sur vingt-neuf atteignent ce chiffre, et certains pays européens en sont encore loin. L’Italie ne consacre que 1.2% de son PIB à la défense nationale, l’Allemagne 1.38%, et la France tend à se rapprocher de l’objectif (1.84%), ce qui met D. Trump en rage. Toujours sous un prisme financier, l’Alliance paraît sortir renforcée de ce sommet. Les dépenses militaires des Européens et des Canadiens, qui étaient à la baisse depuis 2014, augmenteront de 130 milliards de dollars en 2020 et, si le rythme reste constant, de 400 milliards de plus en 2024.

Un deuxième sujet qui a été traité est celui des critiques qu’Emmanuel Macron a adressé à l’OTAN dans un interview au journal The Economist début novembre. Le Président de la République évoque les risques auxquels l’Alliance atlantique est confrontée, et appuie sur le rôle que l’UE devrait prendre. Il dénonce le désengagement des Américains vis-à-vis de ces alliés, notamment en Syrie, depuis le début de la présidence de Trump. Il souhaite ainsi redéfinir clairement les « finalités stratégiques de l’OTAN ». De plus, il affirme que l’Europe devrait se concentrer sur elle-même. Elle se retrouve en effet de plus en plus marginalisée sur la scène géopolitique, par l’émergence progressive d’un ordre bipolaire entre les État-Unis et la Chine d’une part, et par les puissances autoritaires qui l’entourent (Russie et Turquie) d’autre part. Au terme de cet échange, il a qualifié l’état de l’OTAN de « mort cérébrale », ce qui a suscité la réaction des autres diplomaties. La chancelière allemande s’est plutôt alignée avec le président français en affirmant que l’organisation devait être « clarifiée ». La chef de la diplomatie russe était également en accord avec E. Macron. Néanmoins, le Président américain considère ces propos comme « insultants » et a continué de provoquer E. Macron au cours du sommet à Londres, en affirmant que « personne n’a besoin de l’OTAN plus que la France ». Enfin, il a déclaré que le président français s’était « beaucoup rétracté » sur ces critiques alors même que ce-dernier disait la veille qu’il « assumait complètement ».

Le troisième thème est celui de la Turquie. Puissance régionale, membre important de l’OTAN, elle a noué une relation militaire et diplomatique étroite avec la Russie autour de la situation en Syrie. Il est important de rappeler qu’Ankara a acheté à Moscou un système de défense aérienne incompatible avec les équipements de l’Alliance. En Syrie, la Turquie est intervenue contre les intérêts de ses alliés de l’OTAN. De plus, Recep Erdogan menace de bloquer un plan de l’OTAN pour la défense polono-balte si les alliés n’adoptent pas « sa » définition du terrorisme anti kurde, ce qui a poussé l’Élysée à affirmer « Nous n’avons pas la même définition du terrorisme ». Il existe en effet des tensions d’ordre politique entre les pays européens et la Turquie. Depuis 1963, cette dernière tente d’entrer dans l’Union et a toujours été rejetée, notamment car elle persécute des minorités ethniques, telles que les kurdes, dont les occidentaux veulent protéger le droit à l’autodétermination.

Pour l’OTAN, le manque d’intégration de la Turquie dans l’UE crée des difficultés économiques et logistiques. L’Italie et la Turquie regroupent en effet les déploiements fondamentaux de l’Alliance. De plus, la Turquie est un acteur qu’il vaut mieux avoir de son côté. Elle ne souffre pas d’une crise démographique et serait même le premier pays de l’UE sur ce plan, comptant 82 millions d’habitants et une moyenne d’âge de 32 ans.

L’OTAN a-t-il toujours une place légitime dans la sphère géopolitique et géostratégique actuelle ?

Le monde globalisé qui s’est formé depuis la fin de la 2ème Guerre mondiale, et surtout depuis les années 1990, implique nécessairement des organisations interétatiques et internationales de coopération dans tous les domaines. C’est pourquoi, malgré les divisions et les risques d’éclatement de l’Alliance atlantique, elle demeure une institution nécessaire qui facilite la diplomatie internationale. En effet, il est préférable de penser les règlements des tensions de manière pacifique, plutôt que de les laisser s’embraser au risque de créer des conflits militaires. Les nationalismes constituent un danger majeur pour l’OTAN puisqu’ils prônent le retrait de l’État des organisations internationales. Il serait donc fortement problématique que les puissances majeures de l’OTAN soient gouvernées par des partis nationalistes. Plus généralement, dans un univers global et multilatéral, le rôle des institutions mondiales, nées comme passerelles de dialogue dans la phase de paix d’après-guerre (l’OTAN mais aussi l’ONU, l’UE…), est fondamental. Cependant, ce rôle semble se ternir et s’estomper face à la résurgence des nationalismes qui donnent du souffle à l’autoritarisme interne.

Pour lutter contre ces phénomènes, une recomposition de l’OTAN sera sans doute nécessaire, surtout un rééquilibrage respectueux entre l’Europe et les États-Unis. En effet, « nous n’avons pas intérêt à la casse brutale de l’OTAN » affirme le politologue Bruno Tertrais. Selon lui, la nature stratégique a horreur du vide, et les Européens en particulier, ne sont pas prêts aujourd’hui à faire face à ce scénario. 

Enfin, l’OTAN demeure de nos jours une alliance nécessaire puisqu’elle est le seul lien concret entre les États-Unis et l’Europe.

L’Europe doit-elle penser son indépendance militaire plus au sérieux ?

Le rêve d’une armée européenne autonome et indépendante des États-Unis remonte aux années 1960. Le général De Gaulle était connu pour ses critiques de l’OTAN. Pourtant, la construction d’une vraie armée européenne est difficile à mettre en place pour plusieurs raisons. Tout d’abord, l’Europe imaginée par ses pères fondateurs, tels Schuman ou De Gasperi, est fondée sur le développement d’abord de l’économie européenne, puis de l’union politique. L’intégration économique semble aujourd’hui achevée, mais l’Europe politique et militaire reste à désirer. Prenons l’exemple de l’intégration scolaire au niveau européen qui n’est que partiellement aboutie, avec Erasmus et de rares troncs communs, alors qu’elle est plus efficace dans l’apaisement des tensions. Comment parvenir à créer une union militaire où tous les États y trouvent leur compte si la simple création d’un programme scolaire commun pose déjà problème ? 

De plus, une Europe militaire, sans les États-Unis, et maintenant même sans le Royaume-Uni, serait trop fragile et trop arriérée en termes de nouvelles technologies pour résister à la Russie, à la Chine et aux enjeux futurs.

Les perspectives de moyen et long-terme.

L’OTAN doit maintenant faire face aux grandes questions du monde de l’après-guerre froide. Plusieurs d’entre elles demeurent irrésolues. L’enjeu du retrait américain du leadership occidental est un thème qui n’a toujours pas été traité. Ce phénomène s’accentue de plus en plus depuis le début de la présidence de Trump. Par ailleurs, les relations du monde occidental avec la Russie restent assez floues. E. Macron affirme qu’il y a « un vide sécuritaire à combler ». La Chine est une autre puissance émergente et dispose du deuxième budget militaire mondial. Doit-elle être considérée comme une menace ? Le secrétaire général de l’OTAN pense que l’essor de la Chine sur le plan militaire a « renversé l’équilibre mondial du pouvoir ». Selon lui, elle offre aux dirigeants occidentaux « des opportunités, mais aussi de sérieux défis ». Enfin, les enjeux de la conquête spatiale et du développement de nouvelles technologies au service de la guerre doit être pris au sérieux par les membres de l’OTAN, et diverses questions, notamment éthiques, se posent au regard de leur usage.

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Victor Jardin

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