Depuis le 23 janvier 2019, le Venezuela vit avec deux Présidents : l’un élu, Nicolás Maduro, et l’autre autoproclamé par intérim, Juan Guaidó. Cette situation politique inédite, qui divise le pays et le monde, s’ajoute à une très sévère crise économique et sociale. Avant de revenir sur l’actualité la plus récente, il semble nécessaire de restituer une chronologie des événements, pour comprendre l’origine de cette crise globale qui touche le Venezuela.
Le premier mandat tumultueux de Nicolás Maduro (avril 2013 – mai 2018).
Le 14 avril 2013, Nicolás Maduro remporte les élections présidentielles de justesse, avec 50,66% des voix, face à Henrique Capriles. Il succède à Hugo Chavez. Le « comandante » avait demandé, une constitution dans la main, d’élire Maduro. Le dauphin, tout juste adoubé semble alors écrasé par le pesant héritage du chavisme. Pour l’opposition, il est « l’homme de Cuba » ou le « toutou du président ».
Le premier choc de son mandat advient en décembre 2015, lorsque les élections législatives sont remportées par l’opposition, qui obtient 99 sièges, soit une majorité des trois cinquièmes. Par ailleurs, la crise économique et sociale contribue aussi à aggraver la situation au Venezuela à partir de 2016. Diverses manifestations ont lieu, et rassemblent jusqu’à un million de personnes, à Caracas notamment. En effet, les motifs pour descendre dans les rues ne manquent pas. Le mécontentement populaire est à son comble, nourri par l’inflation vertigineuse, sans oublier la pénurie d’aliments et de médicaments. Pour tenter d’apaiser l’opposition, une Assemblée constituante est formée en août 2017, chargée de rédiger une nouvelle constitution. Cependant, elle s’attribue très vite l’essentiel des pouvoirs du Parlement. Les ministres des Affaires étrangères et les représentants de 12 pays d’Amérique latine refusent alors de reconnaître sa légitimité.
En parallèle à cette contestation croissante a lieu un long processus de négociation, incluant des tentatives de référendum pour chasser Maduro et avancer les élections. En mai 2018, de nouvelles élections présidentielles contestées sont organisées. À leur issu, Nicolás Maduro est réélu. Les grands partis de l’opposition avaient pourtant boycotté l’élection, dénonçant de potentielles fraudes. Ainsi, l’opposition, les Etats-Unis et les pays membres du groupe de Lima ne reconnaissent pas les résultats. Néanmoins, le 10 janvier 2019, le président vénézuélien Nicolás Maduro prête serment pour un second mandat. Quelques jours plus tôt, le nouveau président du Parlement vénézuélien, Juan Guaidó, l’avait qualifié d’usurpateur. Le 23 janvier 2019, il se proclame lui-même chef de l’Etat par intérim et est immédiatement reconnu par Donald Trump, rapidement rejoint par 19 pays de l’Union européenne. Cette montée des tensions entre les « deux chefs de l’Etat » atteint son paroxysme en février lorsque le Venezuela reçoit à ses frontières des aides humanitaires, des vivres, et des médicaments, destinés aux 300 000 personnes vivant sous le seuil de pauvreté depuis la crise économique. Le président Maduro s’oppose à leur entrée, tandis que son opposant Juan Guaidó organise des manifestations pour exiger l’arrivée de l’aide humanitaire au Venezuela. En mars 2019, suite à un procès, Juan Guaidó est déclaré inéligible pendant 15 ans, pour corruption présumée. Il conteste cette sanction, mais son immunité parlementaire est levée.
La montée de Juan Guaido et le rôle des États-Unis dans cette crise politique
Les États-Unis, en voyant Guaido gagner en influence, ont sauté sur l’occasion pour renverser le régime de Maduro qui se situe dans la continuité logique de son prédécesseur, le socialiste H. Chavez. C’est pourquoi la Maison Blanche a reconnu Juan Guaido comme le président par intérim légitime du Venezuela le jour-même de sa propre auto-proclamation. Le président américain a même tweeté : « Les citoyens du Venezuela ont trop longtemps souffert à cause de l’illégitime régime de Maduro ».
Ensuite, voyant que la situation restait figée et que Maduro n’avait pas l’intention de quitter le pouvoir, les États-Unis décidèrent d’infliger plusieurs sanctions au Venezuela en guise de menaces. Tout d’abord, des sanctions économiques, dans le but d’asphyxier le pays. Notamment, au lendemain de la seconde « élection » de Maduro début 2019, la Maison Blanche avait décidé de taxer et sanctionner sévèrement PDVSA, l’entreprise publique de pétrole au Venezuela. Toutes les transactions des entreprises américaines avec PDVSA ont été gelées. Cette nouvelle sanction vint compléter les mesures déjà prises, à savoir l’interdiction d’acquérir ou de vendre des bons du Trésor vénézuélien, des bons de PDVSA, des « petros » (crypto-monnaie créée par Nicolás Maduro) ou encore de l’or vénézuélien.
À cela s’ajoutent des sanctions politiques. Le 5 janvier 2020, Luis Parra, un autre député de l’opposition, a également revendiqué la Présidence du Parlement vénézuélien, avec le soutien du gouvernement de Nicolás Maduro. Le département du Trésor américain a alors décidé de réagir. Il a ainsi placé Luis Parra, ses deux vice-présidents ainsi que quatre autres députés d’opposition sur sa liste noire. Leurs actifs sont bloqués et ils ne peuvent plus faire affaire avec des entreprises ou des citoyens américains. Selon le communiqué, ses sanctions « pourraient être retirées s’ils se rangeaient aux côtés du peuple vénézuélien et de Juan Guaido ».
Plus récemment, les États-Unis ont accéléré cette escalade des sanctions en décidant fin mars 2020 de poursuivre pénalement Maduro, et certains de ses proches, pour « narco-terrorisme ». Washington a même annoncé que la tête du chef de l’État était mise à prix : 15 millions de dollars. La justice américaine l’accuse notamment d’avoir dirigé le « cartel des soleils », groupe mafieux à l’origine de milliers de tonnes de drogues exportées vers les États-Unis. Le but de cette pression diplomatique est de fracturer et d’écarter définitivement du pouvoir le chavisme, qui le détient depuis vingt ans. Aujourd’hui cependant, face à la menace du coronavirus dans cette société bouleversée et fatiguée, une majorité de la classe politique appelle à la concertation. Un infirmier en vient même à déclarer : « Je n’aurais jamais cru que j’allais dire ça, mais ce n’est pas le moment de renverser Nicolás Maduro. Le chaos politique serait la pire des situations pour affronter la tragédie sanitaire qui se met en place. »
Les futurs scénarios envisageables
Une transition est-elle possible ? L’armée jouera un rôle décisif. Si elle reste loyale à Nicolás Maduro, la perspective de changement dépendra de l’union de l’opposition et de leur propension à accepter une « transition sur le long terme ». Dans le cas d’une opposition toujours divisée, le régime de Maduro pourrait encore se maintenir au pouvoir et même demander un soutien à la Chine, à la Russie et à l’Iran. En revanche, si les militaires décident de soutenir Guaido, une transition serait facilitée.
Il ne faut pas exclure la potentielle prise des commandes du pays par l’armée. Michael Shifter, du Dialogue interaméricain, craint auprès de l’AFP une hausse de la « répression », voire une guerre civile. Des « dangers », dit-il, qui sont liés à l’existence chaotique de « deux gouvernements parallèles ».
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