Depuis plusieurs mois, de plus en plus d’Américains sont réticents à la livraison d’armes et à l’aide étasunienne en général à l’Ukraine, pour les soutenir dans la guerre contre la Russie. Mais pourquoi une telle réticence ?
Selon un sondage effectué par CNN en juillet dernier, la tendance est claire : 55% des personnes interrogées pensent que le Congrès ne devrait plus effectuer de livraisons d’armes à l’Ukraine. De plus, le 21 septembre dernier, alors que le président Zelensky s’est rendu à Washington pour s’assurer du soutien américain à l’Ukraine, le Congrès, à dominance largement républicaine, a menacé d’un blocage qui pourrait compromettre les milliards de dollars d’aide demandés par Joe Biden.
Si ce “shutdown” de l’administration fédérale a été évité de justesse, c’est un projet de financement d’urgence de “45 jours” qui a été adopté le 30 septembre dernier, n’incluant pas la nouvelle aide de 24 milliards de dollars vers l’Ukraine initialement prévue par Joe Biden. La pression républicaine, et plus précisément des élus dits “de l’aile trumpiste,” a donc fait changer le cours des événements.
Si Joe Biden a demandé au Congrès le 20 octobre dernier 61 milliards de dollars pour aider l’Ukraine, rien n’est moins sûr en raison de la division au sein des Républicains.
La politique interne des Etats-Unis s’oppose directement à celle promise par Joe Biden, qui, quelques jours avant ce vote, avait promis à Zelensky lui-même, une nouvelle aide. Un écart, donc, entre les mots et les actions qui fait forcément parler. La crédibilité de Joe Biden se retrouve à nouveau touchée. Et ceci même après ses annonces visant à rassurer l’Ukraine: “Je veux le dire à nos alliés, au peuple américain et au peuple d’Ukraine, vous pouvez compter sur notre soutien.” Car en réalité, une profonde division se creuse entre les démocrates et les républicains sur des sujets comme la guerre en Ukraine, thématique qui les unissaient autrefois.
Mais alors, qu’est ce qui conduit les Américains, et les Républicains en particulier, à être moins favorables à l’aide portée envers l’Ukraine ?
Déjà, les sondages traduisent une méfiance générale des Américains vis-à -vis de dépenses astronomiques pour une guerre lointaine qui dure depuis plus d’un an et demi à présent, qui perd donc de son urgence dans l’opinion publique américaine.
En regardant plus spécifiquement l’attitude des républicains, ils semblent réduire leur soutien plus rapidement que les démocrates. Le retour de D. Trump et la direction de l’opinion populaire montre que l’Ukraine sera un enjeu politique central durant l’élection présidentielle américaine de 2024. Dès lors, la minorité influente de Républicains populistes siégeant actuellement à la Chambre des représentants aura plus de chance d’avoir une base de soutien plus large au sein de son parti en rejetant en bloc les projets des Démocrates. Aux Démocrates donc de rejeter l’opposition républicaine aux projets de loi sur le financement futur de l’Ukraine, que ce soit au niveau d’armes envoyées, ou d’aide économique.
Les Républicains, et surtout ceux de l’aile trumpiste, insistent sur la nécessité de prioriser les projets de financement actuels et futurs sur la question de la crise migratoire aux Etats-Unis, qui est aussi un enjeu important.
Mais il est également crucial de prendre en compte les divisions internes au parti Républicain à la Chambre des représentants, qui entraînent une radicalisation des décisions prises.
Preuve de ce fait : la destitution historique du président de la Chambre des représentants Kevin McCarthy, suite à un vote lancé par le républicain d’extrême droite populiste Matt Gaetz. Celui-ci jugeait la collaboration de McCarthy avec les Démocrates, celle portant à faire passer la mesure de financement provisoire le 30 septembre, comme une trahison inacceptable.
Le côté Républicain de la Chambre des représentants est ainsi en désordre apparent, et ne semble pas prêt à trouver des compromis avec l’administration démocrate, un fait qui expliquerait une opposition radicale vis à vis de l’aide portée à l’Ukraine, demandée en majorité par les Démocrates.
C’est dans ce contexte que les élections américaines en 2024 entrent en jeu. Donald Trump, candidat du parti républicain présumé, l’a répété maintes fois : s’il est élu, l’aide militaire pour l’Ukraine diminuera, peut-être jusqu’à s’éteindre complètement.
Cependant la contre-offensive militaire ukrainienne n’est pas celle escomptée. Alors que l’Ukraine tente tant bien que mal de développer ses propres armements grâce à des centres de recherche locaux, les prochaines semaines aux Etats-Unis pourraient s’avérer décisives pour la direction que prendra la guerre en Ukraine.
Sachant que le projet de loi de financement provisoire de 45 jours expire mi-novembre, et qu’un nouveau vote sur le budget sera nécessaire, il reste un risque qu’une aide à l’Ukraine ne soit pas décidée, notamment en cas de “shutdown.” Pourquoi ? D’abord, le nouveau président républicain de la chambre des représentants, Mike Johnson, a montré son souhait de prioriser l’aide accordée à Israël, en la dissociant notamment à celle accordée à l’Ukraine.
Une chose est certaine : les élections présidentielles de 2024 seront un front décisif pour le débat américain actuel autour de l’apport d’aide à l’Ukraine.
Légende pour la 1ère photo: Kevin McCarthy fait passer le projet de financement de “45 jours”, le 30 septembre dernier. Source de la photo: Le Monde
Légende pour la 2e photo: Biden tente de rassurer l’Ukraine et l’Europe de l’Ouest sur l’aide des Etats-Unis. Source: Europe 1
Légende pour la 3e photo: la guerre en Ukraine, scène d’horreurs. source: TF1
Légende pour la 4e photo: représentation d’une crise migratoire grandissante aux Etats-Unis. source: RadioFrance
Légende pour la 5e photo: Donald Trump pendant sa campagne, évoque notamment sa volonté de diminuer l’aide apportée par les Etats-Unis à l’Ukraine. Source: La Montagne
SOURCES:
https://www.youtube.com/watch?v=PUVQNMuPKCU
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