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Papa,

Je te regarde sur le quai de la gare,

Au bout du chemin, le grand départ.

Les valises sont scellées,

Les lèvres collées.

C’est le moment d’y aller

Mais moi je reste plantée là, dans l’allée.

 

J’essaie de me rappeler à quel point j’en ai envie

De cette école, de cet appart, de cette vie,

Mais pour je ne sais quelle raison

Là, tout ce à quoi je pense, c’est la maison.

Je pense aux jeux d’enfants,

Aux cris de maman,

Au monopoly,

Aux “à table!” et “au lit!”

Aux soirées film sur le canapé,

Aux “Range ta chambre et éteins la télé.”

 

Sur le quai de la gare,

Chaque paysage est empli de nostalgie,

Chaque pas après l’autre se fait de plus en plus fragile.

Mon cœur se sert, mon pouls s’accélère.

Quelque chose s’empare de moi :

Le doute ou bien la tristesse, va savoir.

Je suis pas sûre que je veuille prendre un nouveau départ.

 

Je ne savais pas si j’avais vraiment envie de partir,

Si c’était moi qui avançait sur ce quai,

Ou bien si c’était la vie qui m’aspirait

À m’en faire suffoquer.

 

Et malgré ça, sur le quai de la gare,

Je marche tout droit, un peu tremblante

Pendant que mes pensées s’égarent.

Je crois que j’ai peur de prendre

Un nouveau départ.

 

Alors je me retourne vers toi, papa,

Pendant que sur le quai de la gare,

C’est le grand départ.

Les valises sont scellées,

Les lèvres sont collées.

Mais moi je reste plantée là, sans savoir où aller.

 

Est-ce que je dois vraiment quitter mon chez moi où je n’ai presque rien laissé

Pour aller vers l’inconnu et tout recommencer ?

Est-ce que je dois vraiment troquer la boussole de l’adolescence

Pour la carte des adultes que t’es même pas sûr de tenir dans le bon sens?

Avoir un pied dans chaque monde c’est bizarre

Un seul faux pas et c’est le grand écart.

 

Papa, j’ai peur de la chute

Quand mon monde tourbillonne et chahute.

Mon chez moi, bien plié dans une valise

Sera bien moins réconfortant quand les journées seront grises.

Et si j’emporte tout dans mes bagages,

Où est-ce que je rentrerai quand j’aurai besoin d’un retour aux bases ?

J’ai peur papa, et puis loin du foyer j’ai froid.

 

Alors s’il te plaît papa, dis-moi.

Dis à cette fille peureuse

Aux yeux humides

Qu’elle laisse derrière elle bien plus

Qu’un appartement silencieux

Et des placards vides.

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Inès JACQUINOD

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