Au hasard d’un rendez-vous manqué
Je me retrouve assoupie sous un marronnier
Le tronc sous mon dos est tendre et noueux
J’espère qu’il y a de la place pour nous deux.
Des vélos s’échouent dans l’herbe autour de moi
Des bêtes vertes et marron escaladent mes genoux
Le vent dans mes cheveux est timide et doux
La terre a une odeur d’été indien et d’émoi.
Les branches en ombres chinoises découpent le ciel
Les oies sauvages se chamaillent et le lac étincelle
La clairière vert pomme et les feuilles mortes
Forment un mélange bizarre sur le sol.
L’été et l’automne mènent une lutte fratricide
Mais le cycle des saisons est encore invincible.
Ma rétine prisonnière de la beauté des astres
Se déporte sans cesse de mon carnet et mon crayon
Pour admirer l’éclatante splendeur du désastre.
Je me laisse aller à la douceur des rayons
Le ciel est bleu roi dans la ville des sacres
Les papillons m’épient ; les insectes m’explorent
L’été se pavane avant l’ultime massacre
Les soleils fissurés répandent leur or
Sur la colline zébrée d’ombre et de lumière
Est-ce une curieuse ironie du sort ?
Ce matin je me suis vêtue d’un pull tout vert
À présent ma silhouette s’évanouit dans la clairière
Mes jambes et mes cheveux s’enracinent dans la terre
Mes joues rougissent des baisers de la brise
Mes vers, mes rimes et mes chansons s’enlisent.
Qu’il est bon d’avoir dix-huit ans un dimanche après-midi
Tous les grands-parents que je croise me sourient
Les couples et les familles
Vont par monts et par vaux
Tournent autour du parc
Du lac et des flaques d’eau.
J’aime leurs cannes, leurs chapeaux,
Leurs poussettes et leurs ragots
Mais surtout j’aime leurs conversations décousues
Leurs bavardages inutiles, ceux des temps suspendus ;
Plaisants en bouche et superficiels comme des bons vins
– Ceux que l’on réserve pour le dimanche en bon chrétien.
Le soleil décline avec l’après-midi
Les passants se font rares et mon sourire aussi
Une larme de lumière dégouline sur mon visage
En haut tout est immaculé, vierge de dieux et de nuages.
Une coccinelle se promène joyeusement sur la page
M’offrant ainsi une rime et une sensation de mirage
Le jour disparaît mais le lac est tranquille.
Je me berce d’illusions, un peu osées mais faciles
Et j’ai soudain l’impression que cela fait des mois
Que je ne me suis pas endormie entre tes bras.
Notre prochaine nuit mon adoré.e
Aura lieu sur la colline verte et embrasée
Au moment où l’été donnera son dernier soupir
Le soleil expirera dans ta bouche saphir
Et tu m’offriras en ultime oraison
Ton éternel amour avec la morte saison.
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