En 1937, l’aviatrice Amelia Earhart décolle d’Oakland, Californie, avec comme objectif de faire le tour du monde. Essayant d’atteindre Hawaï, elle loupe son escale de l’île inhabitée de Howland, et l’avion sombre dans le Pacifique, indétectable depuis. Mais en cette fin janvier, des scientifiques du projet Deep Sea Vision (DSV) publient des images troublantes, de quoi raviver l’intérêt pour ce cold case de l’aéronautique.
Samedi 27 janvier dernier, le drone sous-marin Kongsberg Discovery HUGIN 6000, basé à Charleston en Caroline du Sud, projet auquel le patron Tony Romeo dédie 11 millions de dollars, capture un halo de lumière présentant la forme vague d’un avion très spécifique : ce qui semblerait être le modèle unique de l’avion bimoteur d’Earhart.
Amelia Earhart, née dans le Kansas en 1897, achète son premier avion de sa poche à tout juste 24 ans, un biplan jaune qu’elle nomme “The Canary.” L’année précédente à Long Beach, dix minutes avaient suffi pour la convaincre d’apprendre à voler. En 1928, Earhart est la première femme aviatrice à traverser l’Atlantique. À son arrivée, elle témoigne de sa fierté dans le journal français Le Matin : “Je suis arrivée, et je suis heureuse… naturellement.”
Ce n’est donc pas sans expérience et espoir de réussite qu’elle se lance enfin en 1937 pour un tour du monde par les airs. Elle décolle avec le navigateur aérien Fred Noonan en juin, et file à l’est, passant de nouveau l’Atlantique, l’Afrique et une grande partie de l’Asie, avant d’atterrir en Papouasie-Nouvelle-Guinée. De là, l’essentiel du trajet est effectué : il ne reste qu’une dernière ligne droite ; celle qui la mènera à Hawaï. Ses dernières communications radio témoignent de l’inquiétude des passagers de l’avion, cherchant en vain l’assistance d’un navire de garde-côtes américain : “Nous devrions être au-dessus de vous, mais nous ne vous voyons pas. Le carburant commence à baisser.” Lorsque les nouvelles cessent, une vaste opération de sauvetage est lancée, en vain.
Jusqu’aux clichés récents de Deep Sea Vision, les circonstances de la disparition de Earhart demeurent dans le flou. Avec les années, les hypothèses s’enchaînent. Son avion se serait crashé sur les îles Marshall, les Japonais l’auraient kidnappée puis tuée, ses ossements auraient été retrouvés dans les Kiribati, et, pour la plus plausible d’entre elles, Earhart et son associé auraient subi un crash en mer après l’épuisement des réserves de carburant de l’avion. Très vite, dès 1940, une expédition met à jour des ossements humains sur l’atoll de Nikumaroro, résultats validés en 2018 par un professeur d’anthropologie à l’Université du Tennessee, suggérant qu’en effet les ossements seraient similaires à ceux de l’aviatrice disparue, plus qu’à “99% des individus d’un vaste échantillon de référence.” C’est cependant l’hypothèse évoquant un crash pour causes techniques qui semble la plus vraisemblable et validerait la découverte récente de Deep Sea Vision. Tony Romeo, patron de DSV, explique : “Nous avons toujours pensé qu’elle aurait tout fait pour faire amerrir l’avion en douceur, et la signature de l’avion que nous voyons sur l’image du sonar suggère que ce fut le cas.”
Les chercheurs n’ont à l’heure actuelle pas de réponses concluantes sur les images diffusées par DSV. Celles-ci sont questionnées en raison des limites de l’imagerie sonar et de la faible résolution des clichés. Deep Sea Vision n’a pas encore confirmé l’identité de l’objet, bien que celui-ci en toute cohérence se trouve sur la trajectoire escomptée par Earhart et Noonan. Tony Romeo refuse de donner la localisation exacte de l’épave. Deep Sea Vision partage son intention de revenir sur le site cette année pour poursuivre les recherches : “Il ne fait aucun doute que c’est une chose que nous devons retourner voir.”
Déjà, les intérêts se heurtent : l’excitation de Tony Roméo et sa convoitise de la trouvaille, la nécessité de recherches non-intrusives, qui n’endommageraient pas une épave datant d’il y a presque un siècle, et les potentiels conflits légaux qui naîtraient d’une remontée de l’avion. Quand bien même l’épave serait ce qu’on la présume être, sera-t-elle donnée à l’institut de recherche de Purdue University qui l’a financé, ou bien concédée au Smithsonian Museum pour exposition ?
Reste à savoir si les clichés révèlent bien le dernier convoi d’Earhart, ou bien un halo sans piste après des années de recherches. En attendant, s’il y a une chose à laquelle Deep Sea Vision excelle, c’est à maintenir les yeux rivés sur eux dans l’attente de nouvelles avancées.
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