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Crédits : Personnages de dessins animés de M. Prabowo (L) et M. Gibran (R) GETTY IMAGES

Ce 14 février 2024 ont eu lieu les élections présidentielles indonésiennes tant attendues dans la région. Le leader du Parti du mouvement de la grande Indonésie, Prabowo Subianto est le grand vainqueur du scrutin, remportant les élections avec plus de 57% des voix et une participation élevée d’environ 85%.

Le rôle clé de la jeunesse dans cette élection

L’âge de la majorité électorale en Indonésie étant de 17 ans, plus de 204 millions d’Indonésiens étaient attendus aux urnes. Le vote de la jeunesse indonésienne s’est en effet montré décisif lors de ces élections. Cela s’est traduit par une forte présence sur les réseaux sociaux, particulièrement Tiktok, des candidats. La campagne de Prabowo Subianto en est le parfait exemple. Cet ancien militaire avec un passé problématique a gagné en popularité sur la plateforme pour son comportement lors d’événements de sa campagne électorale. Des danses improvisées lui ont valu le surnom de “papy mignon”: “gemoy” une expression qui désigne une personne mignonne en indonésien. 

Prabowo Subianto s’était déjà présenté auparavant et avait perdu les élections respectives de 2014 et de 2019. Ce changement d’image publique de celle d’un “d’un homme fort, qui ne se laissait pas faire” (Yose Rizal, créateur du laboratoire d’analyse des réseaux sociaux Political Wave pour Le Monde) à un papi-mignon est sûrement une des raisons de sa victoire cette année. Il explique que son équipe de campagne, composée en majeure partie de jeunes, l’a aidé à cultiver son image sur les réseaux sociaux, créant même de lui un personnage lui ressemblant grâce à l’intelligence artificielle

https://www.bbc.com/news/world-asia-68028295

Les deux autres candidats, Anies Baswedan et Ganjar Pranowo, ont également eu un usage stratégique des réseaux sociaux dans leur campagne, postant des vidéos ou des danses TikTok. 

Le passé taché de crimes de guerres et de crimes contre l’humanité du nouveau président indonésien. 

Cette nouvelle réputation et image de “papi mignon” de Prabowo auprès des jeunes électeurs est loin de celle qu’en gardent les générations plus âgées. Prabowo est en effet connu pour ses liens étroits avec le régime dictatorial de Suharto, qui a dirigé l’Indonésie pendant 32 ans, étant le gendre du tyran. 

Ancien officier des forces spéciales indonésiennes, Prabowo a été impliqué dans de nombreuses opérations à scandales au Timor oriental, en Papouasie et dans la répression des manifestations anti-Suharto de 1998. Il a longtemps été membre des forces spéciales Kopassus, responsables de la répression des manifestations à l’Université Trisakti de Jakarta en mai 1998 qui avait fait des dizaines de blessés et quatre morts. Ces événements lui avaient coûté une décharge déshonorable de l’armée mais aucune condamnation. Il a reconnu en 2014 avoir facilité des enlèvements d’activistes pendant la dictature de son beau-père mais s’est justifié en disant qu’il suivait des ordres et que ces enlèvements étaient légaux à l’époque

Quelques jours avant la répression étudiante à l’université de Jakarta, Prabowo Subianto était chargé de mettre fin à des émeutes anti-chinoise qui ont entraîné la mort de centaines de personnes, les viols systématiques de femmes d’origine chinoise et les pillages de magasins chinois. Prabowo et les forces spéciales qu’il dirigeait sont soupçonnés d’avoir incité ces émeutes et d’y avoir participé. Des accusations de crimes contre l’humanité qui lui ont valu interdiction d’entrer sur le territoire américain jusqu’en 2020. 

Et ces accusations sont loin d’être les seules portées à son égard. Ses interventions dans le Timor-Leste dans les années 1970 et 1980 sont tout aussi préoccupantes. Le groupe des Kopassus dont Prabowo a fait partie a été lié au massacre de Kraras de 1983 pendant lequel l’armée indonésienne a tué plus de 200 civils. Ce n’est qu’un seul des massacres de types génocidaires commis par l’armée indonésienne dans le Timor-Leste et désormais les preuves de la supposée participation de Prabowo s’accumulent.

Prabowo Subianto (à gauche) et le candidat à la vice-présidence Gibran Rakabuming Raka (à droite) après leur victoire le mercredi 14 février. YASUYOSHI CHIBA / AFP (Le Monde) 

Comment Prabowo a-t-il donc réussi à mettre ce passé, si taché par des crimes de tous types, derrière lui, jusqu’à remporter les élections? 

Le soutien du président actuel, Joko Widodo, a été décisif pour cette victoire et tout particulièrement la candidature de son fils, Gibran Rakabuming Raka, candidat à la vice-présidence au côté de Prabowo Subianto. 

Joko Widodo est un président populaire en Indonésie, avec un taux d’approbation de plus de 70%. Ses deux mandats consécutifs l’empêchaient de se représenter mais pas de placer son fils à la tête du nouveau gouvernement. Joko Widodo a depuis été accusé de fraude électorale et de créer une “nouvelle dynastie politique”, en mettant ses proches aux positions de pouvoir. Un documentaire traitant de ce sujet intitulé “Dirty Vote” (ou “Vote Sale”) réalisé par Dandhy Laksono est sorti quelques jours avant les élections mais il a été depuis retiré de toutes les plateformes.

Ces résultats laissent donc un grand nombre d’indonésiens perplexes quant au futur du pays dans les cinq années à venir du mandat de Prabowo Subianto. Cet ex-militaire se proclamait notamment pro-Asie et moins favorable à l’Occident disant que « Le monde évolue, nous n’avons plus vraiment besoin de l’Europe » (Prabowo Subianto, Le Monde). 

Illustration – Les partisans des jeunes électeurs Prabowo-Gibran (14/12/2023). . ENTRE PHOTOS/Galih Pradipta/aww. https://www.antaranews.com/berita/3889893/pengamat-untuk-strategi-kampanye-prabowo-gibran-lebih-unggul

Sources: 

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Elea Baptiste

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